Dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés, le portail bleu du numéro 34 de la rue du Dragon ouvre grand ses portes aux curieux dont l’œil a été irrésistiblement attiré par une affiche colorée, collée sur ses battants. « Animalement Vôtre » annonce-t-elle. Un calembour séduisant derrière lequel se cachent deux artistes de street-art : Marko 93 et Da Cruz.
Ce duo de graffeurs aguerris, qui ont séparément fait leurs armes picturales dans la rue il y a presque deux décennies, investit donc (jusqu’au 3 avril) le Loft du 34. Un espace vaste et lumineux, fait de poutres apparentes et initialement habité, comme en témoigne le coin cuisine toujours présent.
Habitués à travailler ensemble dans le même atelier, Marko 93 et Da Cruz ont pour la première fois associé leurs styles distincts autour d’un thème faunique. Les deux artistes sont même allés jusqu’à tenter l’expérience du tableau à quatre mains pour réaliser un masque tribal dans lequel se dissimulent deux perroquets. Sur les murs de briques de cette galerie singulière s’expose donc un bestiaire insolite, mêlant harmonieusement les traits épais, les nuances diluées et les motifs géométrico-primitifs de Da Cruz avec les teintes vives et la finesse des calligraphies intégrées par Marko 93 dans ses toiles. Une technique particulière dont il a d’ailleurs été l’un des précurseurs. Ainsi, chez lui, les lignes droites n’existent pas, de même que les corps de ses sujets. Leur ossature n’est en effet qu’une évanescence d’écritures arabo-cunéiformes, un labyrinthe d’inscriptions sibyllines qu’il trace avec une rapidité exaltée. Seules les coulures de peinture, spécificité que le tandem a en commun, sont pleines.
Que ce soit de façon abstraite pour Da Cruz ou de manière plus irrévérencieuse – à l’image de son singe punk faisant naïvement un doigt d’honneur – pour Marko 93, leur vision atypique du monde animal plonge finalement le visiteur dans un univers fantastique et fascinant, à la fois drôle et pertinent. La vache sacrée de Marko 93, importée de son voyage en Inde et dont le contraste entre la feuille d’or et le papier journal s’avère saisissant de sous-entendus, constitue l’exemple le plus flagrant. Bref, on ne saurait que trop vous conseiller de vous ruer, tel un bœuf enragé, à cette exposition unique et, qui plus est, gratuite.