Critique

Antony Gormley : Second Body

3 sur 5 étoiles
  • Art, Sculpture
  • Recommandé
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Time Out dit

Au commencement, il y avait l’homme moderne d’Antony Gormley. Une masse compacte, charpentée par un tronc vertical. Un assemblage d’atomes cubiques faits de bois ou d’acier, qui dégage quelque chose d’étrangement organique. Un corps conditionné par la vie urbaine, ses lignes droites, ses échelles monumentales. Et vice-versa. Car nos villes n'ont-elles pas été bâties, elles aussi, à l’image de l’homme ? But of course répond Antony Gormley, toujours occupé à assembler des blocs géométriques pour ériger, pièce par pièce, des corps humains aux faux airs d’édifices. « Peut-on utiliser le langage de l’architecture pour exprimer nos émotions, le sentiment (…) d’être humain ?  Pour montrer qu’il y a des choses qui peuvent être comprises et d’autres pas ? » Voilà le genre de questions qui taraudaient le sculpteur le jour du vernissage de sa dixième exposition chez Thaddaeus Ropac, lui qui cite souvent les penseurs tibétains pour évoquer notre « premier corps ». Cette masse de matière dans laquelle nous vivons, et qui serait une sorte de véhicule temporaire de l’esprit. Rien que ça.

Divisé en quatre sections plus ou moins aériennes, plus ou moins écrasantes, ‘Second Body’ reflète toutes ces préoccupations. Un parcours à la mesure de l’homme : pour la première fois, c’est dans le vaste espace de Pantin que le Britannique est venu déployer ses sculptures gigantesques, remplissant d’œuvres l’ancienne usine, transformée en galerie en octobre 2012. A l’entrée, un petit corps se prosterne, pesant, rigide comme une bâtisse moderniste de Le Corbusier. En face, ‘Hole’ le défie du haut de ces quatre mètres : une sorte d’habitat criblé de vides, de fenêtres, de portes. Puis, reviennent les compositions opaques avec ‘Expansion Field’, une forêt dense de « formes d’apparence dure, sombre, défensive », confie Gormley. Serrées les unes contre les autres au milieu de la galerie, ces dizaines de silhouettes en acier dessinent un labyrinthe de formes vaguement humaines, trapues, que l’on arpente comme on arpenterait les allées d’un cimetière ou un paysage de gratte-ciel miniatures. Ici, toutes les rondeurs et les asymétries du corps ont disparu : on est dans la stylisation extrême, dans la production quasi-industrielle, le point zéro de l’évolution selon Gormley, qui a débuté sa carrière par la représentation réaliste de l’être humain pour finir, à force de simplifications, avec une masse rectangulaire épurée jusqu’à plus soif.

On avait connu Gormley plus léger, plus doux. Mais la lumière va refaire son apparition. D’abord sous la nef, où elle vient se glisser entre des figures totémiques dont les attitudes subtiles, les cambrures, les élans de bras et de jambes trahissent une connaissance intime (et émouvante) du comportement humain. Ensuite côté jardin, où l’installation ‘Matrix II’, réalisée in situ, se joue des proportions de nos mains et de nos visages pour dessiner une architecture virtuelle. Celle d’un appartement composé d’air et de piquets métalliques, autour duquel on marche comme des explorateurs du monde contemporain, étrangers aux lieux conçus pour nous recevoir. Avec Gormley, une matrice peut toujours en cacher une autre. Et si chaque salle de ‘Second Body’ produit une expérience fondamentalement différente, elles mènent toutes vers la même destination : un endroit concret, fabriqué, éphémère, dans lequel nous sommes plus de sept milliards à vivre. Le corps humain.

Du mardi au samedi de 11h à 19h.
Vernissage le dimanche 1er mars de 14h à 18h.

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Entrée libre
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