En novembre prochain, tous les regards se tourneront vers Paris et la COP21. Si on peut difficilement pronostiquer l’impact réel qu’auront sur notre quotidien les décisions qui y seront prises, ce sommet s’annonce d’ores et déjà comme une date importante dans l’histoire de la politique de l’écologie. Pour nourrir et prolonger le débat, la Fondation EDF propose jusqu’au 28 février 2016 une exposition thématique sur le thème du climat, sorte de pendant poétique et métaphorique à la COP21.
Plutôt que d’attaquer frontalement la question forcément sensible du dérèglement climatique, et donc ajouter au catastrophisme ambiant, Camille Morineau, commissaire de l’exposition, a privilégié le « pas de côté », l’évocation subtile mais marquante. Sur les trois niveaux de la Fondation se déploient ainsi des œuvres aussi variées que pertinentes, et qui dégagent deux tendances principales : d’abord l’artiste comme observateur, collecteur de données réutilisées. Notamment avec ‘La Mer’ d’Ange Leccia, vidéoprojection sur écran géant donnant à voir autrement les mouvements de l’eau, qu’on prend d’abord pour des reliefs de fréquences ; c’est aussi le cas de la ‘Sky TV’ de Yoko Ono, qui filme en direct le ciel, des aquarelles de Pavel Pepperstein représentant les traces néfastes laissées par l’homme, ou encore de ‘Darzava’, une vidéo d’Adrien Missika rendant compte d’une anomalie (un cratère en feu formé accidentellement) dans le désert du Turkménistan. Autant de travaux qui questionnent notre rapport direct à l’environnement et à la nature.
L’autre tendance forte dont rend compte l’exposition se présente comme un télescopage entre création (artistique) et Création (divine), ou la volonté démiurgique qu’on peut retrouver chez certains artistes. A commencer par Hicham Berrada et ses troublants paysages chimiques (‘Présage’) faits de mélanges de substances dans un aquarium, formant des écosystèmes qui évolueront pendant toute la durée de l’exposition. Scientifique de formation, Berrada travaille le lien de plus en plus prégnant entre art et sciences, tout en questionnant le rapport entre naturel et artificiel, et donc du rôle de l’homme dans la préservation ou la recréation. A l’instar de Vaughn Bell et de ses biosphères dans lesquelles on peut passer la tête pour se retrouver dans un nouveau micro-environnement constitué de végétaux et de matières organiques, sorte de retour à la nature express. Dans le même esprit, mais dans une forme tout à fait différente, la vidéo de Rebecca Digne (‘Climats’) tend à faire passer l’artifice pour le naturel, recréant dans un espace restreint divers paysages et conditions climatiques, avant de révéler à son spectateur le bricolage. Des envies de Créateurs donc, mais qui ne manquent parfois pas d’humour, à l’image du malicieux ‘Cloud with its Shadow’ de Marina Abramovic, simple cosse de cacahuète épinglée diffusant son ombre.
Là où l’on pouvait craindre une esthétisation à outrance de la catastrophe, et des paysages à n’en plus finir, ‘Climats artificiels’ propose en fait une véritable expérience organique et fertile, finalement sans doute plus efficace qu’un discours alarmiste. Car là où il y a responsabilité ou conscience, il n’y a pas forcément politique.
(Pour profiter au mieux des différents espaces, d’ailleurs parfaitement exploités, on vous conseille de commencer directement par le sous-sol (‘Catastrophes ordinaires’) et ses œuvres à portée méditative (Laurent Grasso, Adrien Missika, Cécile Beau et Nicolas Montgermont) qui vous permettront d’aborder la suite dans un état de conscience optimal. Poursuivez ensuite le parcours par le rez-de-chaussée (‘Equilibres précaires’) avant d’aller glaner un peu d’espoir dans ‘L’Etat du ciel’.)
Du mardi au dimanche de midi à 19h