Question de lumière, peut-être. Ou de choix et de disposition des oeuvres. Peu importe la cause : le résultat est là, gros comme un hôtel particulier du Marais. Entre les murs de la galerie Perrotin, les néons de Dan Flavin s'atrophient comme des allumettes minées par un bon vieux crachin parisien. Ecrasés par l'éclairage naturel qui perfore les fenêtres, les quelques tubes éparpillés sur le rez-de-chaussée de la rue de Turenne ne sont plus que le pâle reflet d’eux-mêmes. Se ternissant au gré des sautes d’humeur de la grisaille, ils vont même jusqu’à paraître futiles et médiocres, presque mesquins.
Dan Flavin ne méritait pas ça. Parce que justement, l'œuvre de l’Américain a cette faculté magnétique de transcender les clichés les moins glorieux (vacuité, intellectualisme) qui collent à la peau du minimalisme. A l'inverse des plus laborieuses acrobaties cérébrales de l’art des années 1960, le New-Yorkais, à la fois subtil et outrancier, se plaisait à créer des atmosphères sensorielles qui vous aspirent le regard en un claquement de paupière et noient vos repères au fond d'une brume électrique. Ce qui grise, chez cet artiste décédé en 1996, c'est la démesure qui régit sa manière de vouloir conquérir le vide à tout prix, en l'injectant de couleurs. Ce qui déroute, ce sont ces bains de teintes, obsédants ; ces lueurs vives, qui se concentrent autour de tubes roses, verts, blancs, bleus, puis se dilatent dans le néant et vous enveloppent. Comme si l'air avait pris des couleurs.
On avait croqué la pomme en 2007, au Tri Postal de Lille, à l'occasion d'une grande exposition consacrée à la collection François Pinault. Le paysage artistique français avait alors pu goûter aux plaisirs hypnotiques d'une œuvre monumentale de Flavin : ‘Untitled (to Saskia, Sixtina, Thordis)’, époustouflante nuée chromatique déployée sur 50 mètres de longueur. Dont nous ne sommes jamais revenus. Et même si l'on ne s'attendait évidemment pas à de telles dimensions à la galerie Perrotin (l'œuvre en question, du fait de son ampleur, était d'ailleurs restée au fond d'un – grand – tiroir pendant 34 ans avant l'expo lilloise), on pouvait au moins espérer ressentir quelque chose. Etre transporté, illuminé. A la place, on aurait presque préféré une bonne douche de boule à facettes : en boîte, au moins, il n'y a pas que des cocktails de lumière.
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