L'ère victorienne : ses usines en brique, sa capitale rongée par le smog, sa reine qui ne sourit jamais, son puritanisme éreintant. Première puissance mondiale, le Royaume-Uni de l'intransigeante reine Victoria est indissociable de son image austère. Alors, comme pour s’extirper de cette époque à la morale corsetée, certains peintres firent preuve au contraire d'une débauche d'effets sucrés, aussi grandiloquents que les usines de la révolution industrielle étaient lugubres, au service d'un personnage central – la femme. Chaste ou aimante, venimeuse ou hiératique, objet de désir ou muse mélancolique, elle incarne la recherche d’un idéal de beauté absolu. Loin de ses foyers et du patriarcat ambiant, la voilà devenue une héroïne, une déesse même, dans un univers qui oscille entre l'Antiquité, le Moyen Age ou l'Orient des Mille et une nuits.
Exhibant sa peau laiteuse, sa chevelure incandescente (immanquablement rousse), ses courbes tendres ou les étoffes légères qui l'habillent (ou plutôt, la déshabillent), elle rayonne, mise en valeur par un décor d'une luxuriance débordante, pétri de soieries, d'eau impétueuse ou de fleurs multicolores. Grandiloquent comme une mauvaise pub de parfum, ‘Les Roses d’Héliogabale’ de Lawrence Alma-Tadema (1888), sorte d'orgie romaine sous une pluie de pétales de roses, montre à quel point ce foisonnement pompeux frise le ridicule.
Parmi les artistes réunis dans l'exposition, tout le monde n’a pas la créativité et le talent de Frederic Leighton (‘Crenaia’, 1880) ou John W. Waterhouse (‘Le Chant du printemps’, 1913). Souvent réalisées pour le plaisir des riches collectionneurs qui les utilisaient pour décorer leurs manoirs cossus à la campagne, les œuvres de 'Désirs & volupté' brillent par leur raffinement maniaque, moins par leur originalité. Se contentant parfois de mimer un érotisme de pacotille baigné de nostalgie, cette école victorienne aux relents féeriques et romantiques, proche du mouvement préraphaélite et du symbolisme, finit par se scléroser.
Quasiment inconnus en France, rejetés en Angleterre dès la Première Guerre mondiale au point que beaucoup de toiles furent perdues (les héritiers préférant juste garder les cadres pour y placer une autre toile), ces artistes victoriens furent boudés jusqu’aux années 1960. A l’époque, on pouvait encore se procurer des tableaux d’Alma-Tadema pour une petite centaine de livres ; désormais, il faudra compter en dizaines de millions de dollars. Un des beaux exemples de retournement de l’Histoire de l’art, qui nous vaut aujourd’hui cette exposition où la grâce et le kitsch jouent au chat et à la souris.
> Horaires : tous les jours de 10h à 18h, nocturne le lundi et le samedi jusqu'à 20h30.
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- De 9,50 à 11 €
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