Pour le dernier volet de la trilogie de Laia Abril consacrée au contrôle systématique des corps féminins, le BAL nous invite à pénétrer dans un espace aussi sombre que l’histoire qu’il décrit. Après l’avortement et le viol, la prétendue folie féminine se voit décortiquée à travers un ensemble de documents médicaux, d’archives et de photographies, ni vraiment documentaires, ni entièrement artistiques. Une expo entre installation esthétique, travail anthropologique et essai politique.
Dans un silence absolu, 68 dossiers méticuleusement organisés nous accueillent froidement. Froids comme le traitement accordé à ces femmes victimes de ces phénomènes – transes, évanouissements ou paralysies – qualifiés sans nuance d’“hystérie collective”. À travers trois études de cas collectifs – des épidémies de jambes paralysées dans un internat au Mexique en 2007, des évanouissements dans une usine du Cambodge en 2012 ou des tics dans un lycée américain la même année –, l’artiste démontre que ces pathologies collectives sont une réponse psychosomatique à l'oppression.
Presque pensé comme un livre (d’ailleurs, le catalogue d’expo est franchement magnifique), le parcours s’appuie sur une documentation étayée, mais surtout sur des images énigmatiques, où le flou reflète la déshumanisation de ces femmes devenues des “cas”. Ne pouvant pas parler, ces “malades” du monde entier ont laissé leur corps s'exprimer, le transformant presque en un outil de résistance – bien malgré elles. Une manifestation de la violence systémique racontée, voire sublimée, par une Laia Abril sans concession et un accrochage tout aussi radical du BAL. Un sans-faute.