Quand on a croqué la pomme en poussant un grand « heeey ! » satisfait, on n'a envie que d'une chose : que ça recommence. C'est en 2011 qu'Anne et Julien, fondateurs de la revue HEY! dédiée à l'art « outsider », ont ouvert la boîte de Pandore en libérant une nuée d’artistes de leur magazine pour les voir s’accrocher aux murs de la Halle Saint-Pierre. Un an et demi plus tard, on jubile : l'underground récidive. Un deuxième volet de l’exposition vient d’envahir le temple des arts bruts et singuliers, avec des renforts tout aussi affriolants, délurés et corrosifs que la première fois. Le collectif Bazooka, le roi de la BD psychédélique Jim Woodring et le photographe aux penchants gothiques, sauce freaks, Joel-Peter Witkin sont quelques-uns des soixante artistes conviés à dynamiter les frontières de l’art moderne et contemporain. En révélant une face sombre, siphonnée et tranchante de la création actuelle.
Plongée vibrante dans les contre-courants où rôdent le lowbrow art, le pop-surréalisme, la BD indépendante, le tatouage et toute une armada de visions subversives, ‘HEY! II’ démarre dans l’obscurité. Au rez-de-chaussée, on avance dans une sorte de tréfonds subliminal ; seuls quelques replis improbables ont été éclairés, mettant en lumière, ici, le bestiaire hybride de HR Giger (le créateur d’Alien), là, les cauchemars apocalyptiques du peintre Norbert H. Cox. De folie en aiguille, on pénètre dans une crevasse habitée par les psychopathes de Joe Coleman, empilés sur des planches chaotiques, qui finissent d’échouer notre regard quelque part entre les enfers de Jérôme Bosch et la BD américaine des années 1950. Puis la lumière perce le parcours, on remonte à la surface.
A l’étage, c’est encore une multitude d’expressions nerveuses et acides qui se déploient sous la verrière, révélant leurs perversités au grand jour. Parfois follement drôles, parfois obsessionnels et dérangeants, les univers s’entrecroisent et s’entrechoquent sans submerger le visiteur ; l’ensemble, bien qu’hétéroclite, semble couler de source, naturellement. Coquilles d’œufs belliqueuses (Mike Davis), crânes-poulpes (Jim Skull), yétis vendeurs de glaces (Amanda Smith), hommes-animaux (Kate Clark) et WC aux broderies sardoniques (Moolinex) se répondent et rebondissent les uns contre les autres, librement. Comme cahotés par un même vent au doux parfum punk.
Immersion rare dans le monde de la contre-culture, ‘HEY!’ s’affirme ainsi pour la deuxième fois en contrepoids libérateur à la scène artistique dominante de la capitale. On aurait presque envie de croire que cette nouvelle édition – allez, rêvons un peu – annonce une implantation à plus long terme. Que cette grand-messe de l’underground finira un jour par devenir un rendez-vous régulier de la culture parisienne. Car on ne peut plus reculer : 'HEY!' a prouvé que Paris a grand besoin d’une tribune pour toutes ces inclassables expressions. Toujours disposées à mettre de gros coups de pied dans le derrière d'un art contemporain engourdi par ses lois de marché.
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