C’est un peu Docteur Jan et Mister Fabre. Performeur, sculpteur, plasticien, metteur en scène, Jan Fabre, tantôt vulgaire et provocant, tantôt d’une grande finesse, batifole toujours avec les extrêmes. Capable de créer le scandale en épanchant des urines, du crachat ou du sperme au nom de sa création (sans parler de son « lancer de chats » qui fit lui aussi un beau tapage en novembre 2012), l’artiste flamand peut aussi, occasionnellement, faire preuve d’une infinie délicatesse, en imaginant des œuvres pures et belles comme le jour.
Dans une exposition en forme de chambre funéraire, la galerie Daniel Templon invite ce Jan Fabre-là, subtil et sensible, à prendre le dessus. Murs gris profond. Pierres immaculées aux dimensions impressionnantes. Mise en scène solennelle et dramatique. L’heure est grave : taillés dans du marbre blanc de Carrare à la mode de la Renaissance italienne, deux gisants roupillent dans chacun des espaces de la galerie (rue et impasse Beaubourg). D’un côté, la neuro-atomiste américaine Elizabeth Caroline Crosby, emmitouflée dans des drapés soignés, presque évanescents ; de l’autre, le biologiste autrichien Konrad Zacharias Lorenz, couché dans un cercueil entrouvert. Deux têtes pensantes du XXe siècle qui explorèrent au cours de leurs carrières les méandres du cerveau et de la connaissance – sujets de prédilection de Jan Fabre – et sur lesquelles sont venus se poser, ici, un papillon, là, une chenille. Avec pudeur et poésie.
La nature, la biologie, la tradition de l’art mortuaire et de la vanité… Ici, tout s’entremêle dans une installation théâtrale et symbolique, l’univers scientifique de ces figures défuntes (qui, paraît-il, ressemblaient physiquement aux parents de Fabre) permettant à l’artiste d’entrebâiller la porte de la mort, tout en lorgnant vers les promesses de la résurrection. Autour des statues funéraires, placées au centre de chaque pièce comme dans une crypte, se dressent des sculptures de cerveaux sur lesquels pullulent des insectes et des plantes. Symboles du renouveau perpétuel de la matière, et de la vie qui émane de la mort, les bestioles habitent la scène mortuaire telles des messagers chargés de porter l’âme vers l’autre monde – comme ces animaux « psychopompes », le plus souvent des chiens ou des lions, traditionnellement placés au pied des tombeaux des rois. Le beau marbre de Carrare en devient presque organique : dévoré par les insectes, il incarne la fugacité de l’existence. Et vibre avec cette Nature qui reprend ses droits sur la chair.
> Horaires : du mardi au samedi de 10h à 19h
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