Dans une forêt qu'on dirait sortie d'un conte illustré par Gustave Doré, recouverte du sol au plafond par une végétation sombre, des feuilles d’arbre et de papier s'entremêlent. La Maison Rouge s'est transformée en labyrinthe gris : un enchaînement inquiétant de salles biscornues où le dessin s'échappe des cimaises pour contaminer tout le bâtiment. Plus qu'une exposition, c'est une plongée dans le dédale de l'œuvre de Jérôme Zonder que propose la fondation d’Antoine de Galbert. Immersion dense et intense, au cœur de l'univers de celui qui a décidé il y a une quinzaine d'années, à la sortie des Beaux-Arts, de ne se consacrer qu'au dessin en noir et blanc (sans gomme ni retouches), avec une rigueur presque monacale.
Armé d'une virtuosité époustouflante, Zonder vit le dessin comme un prolongement de son corps et de ses angoisses profondes – poussant jusqu'au bout cette logique lorsqu'il se débarrasse carrément de l'outil pour réaliser des fresques pointillistes en trempant directement ses doigts dans la poudre de graphite. Chez lui, le dessin prend toutes les formes : hyperréaliste ou enfantin, évoquant tantôt la bande dessinée (on pense à Crumb et surtout au collectif Bazooka), tantôt la peinture (Ensor), tantôt le collage, la photographie et même la sculpture. Dans une frénésie pop dont on aurait supprimé le côté acidulé, l'artiste né à Paris en 1974 raconte le « bordel idéologique » de sa génération. Un magma où l'on croise des images de la Shoah, Disney, Otto Dix, le porno, Hitler, Oscar Wilde, les smileys, le Che, des reptiles, le génocide rwandais et des réminiscences cinématographiques de 'Scream' ou des 'Enfants du paradis'.
Si le procédé n'est pas inédit, sa manière de confronter l'horreur du XXe siècle à l’iconographie de l'enfance, notamment à travers des personnages imaginaires nés en l’an 2000 et dont il suit la croissance, se révèle très aboutie. Mettant en scène cette violence qui nous hante entre peur, culpabilité et déni, Zonder provoque, surprend, dérange. Ses gamins à tête d'adulte, son autoportrait où il s'exécute lui-même, ses 'Jeux d'enfants' glaçants ou cette redoutable représentation d'un bambin qui en égorge un autre ('On joue à sacrifier Isaac') sont autant d'images qui dégagent une terrible violence, un malaise filtré, comme retenu par la douceur du dessin et la sidérante maîtrise technique de l'artiste.
> Horaires : du mercredi au dimanche de 11h à 19h ; nocturne le jeudi jusqu’à 21h.
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