Laurent Grasso aime mener les gens en bateau. Les faire tomber dans des pièges visuels comme des mouches dans un pot de Nutella. Cultiver un malin sens de l’anachronisme et du paradoxe en truquant ses images, ou en employant des méthodes et des matériaux rescapés de ses vieux livres d’histoire de l’art. Etoiles filantes, éruptions volcaniques, prophéties, éclipses, miracles… Tout ce qui se rapporte à la face cachée ou mystérieuse de notre monde tombe sous l’œil illuminé de l’artiste français, convaincu que la vérité est ailleurs et l’a toujours été. Mais encore faut-il aller la chercher. Alors, pour donner corps aux énergies et aux phénomènes qui sortent des clous, Laurent Grasso crée aussi bien des tableaux minutieux sur bois, à la manière des primitifs flamands ou d’un Paolo Uccello, que des vidéos trompeuses (notamment cette balade étrange dans une cité romaine, surplombée par un nouveau système solaire) ou des installations lumineuses aux airs d’insignes de secte. Avec l’intention, toujours, de déboussoler son public pour lui faire voir les choses autrement.
Pour son exposition à la galerie Perrotin, Grasso a imaginé un parcours espiègle semé d’embûches, qui vient questionner, dilater et distordre le temps. ‘Soleil double’ se méfie du pouvoir des images, des astrologues du Vatican, des bouquins savants – bref, de tout ce qui prêche le « vrai ». Conçoit un univers parallèle, sur lequel brillent deux soleils. Avec une aisance divine, l’artiste zigzague entre les écrits du Moyen Age, l’art de la Renaissance et les néons du XXIe siècle. Les adopte, les mélange, les confronte pour, dit-il, toucher à « la fin d’un temps homogène et linéaire qui serait celui de l’Occident ». Aux catastrophes et phénomènes naturels qui secouaient l’univers des Anciens comme ils secouent le nôtre aujourd’hui, il répond à coups de guerres d’ovnis moyenâgeux, de pluies rouges sang ou de radiations surnaturelles. Aux faux miracles des prédicateurs, il rétorque en exposant de véritables morceaux de comètes tombées du ciel il y a mille ou deux mille ans. Le résultat est envoûtant. Vaporeux. Ici, la fumée d’un volcan paraît aussi magique qu’un lundi aux deux soleils.
> Horaires : du mardi au samedi de 11h à 19h.