Le Bord des mondes

  • Art, Arts numériques
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Time Out dit

‘Le Bord des mondes’ est pavé de bonnes intentions. Mais elles ne suffiront pas à sauver l’âme de cette exposition qui mêle gauchement science, mode, bricolage, performance et haute gastronomie. Il a beau être jonché de trésors improbables comme cet atlas imaginaire signé Jerry Gretzinger ou cette « créature de plage » de Theo Jansen – capable de déplacer toute seule sa grosse carapace de voiles et de bambous –, l’itinéraire que nous dessine le Palais de Tokyo se révèle, dans l’ensemble, un peu borderline. Un peu limite. Un peu dans l’esprit des expositions coloniales d’autrefois, qui entassaient grossièrement chefs-d’œuvre précolombiens, théières asiatiques ou statues vaudoues, sans en expliquer les nuances. Ou, si vous préférez, dans la veine de ces institutions littéraires qui mettent le roman sur un piédestal et relèguent le reste de la prose à des « sous-genres » : ce magma confus dans lequel baignent livres de cuisine, polars, Harlequin, BD, bibles, essais sociologiques et manuels de jardinage.

Ici, c’est sensiblement le même raisonnement. Il y a l’art contemporain, et il y a les autres, ces « banlieusards » qui fourmillent dans les périphéries de l’art actuel et que l’on peut se permettre, apparemment, de flanquer dans le même panier. En voulant rassembler ces expressions « à la lisière de l’art, de la création et de l’invention », le Palais de Tokyo, au lieu de faire preuve d’ouverture, est tombé droit dans le ravin du snobisme – celui qu’il fallait pourtant contourner coûte que coûte, en quittant les sentiers battus pour se lancer sur le hors-piste du tout-créatif. Résultat : on passe du coq à l’âne. Des diagrammes foldingues de George Widener, habitué des expos d’art brut, aux robots humains ultra-sophistiqués de Hiroshi Ishiguro ; du prêt-à-porter des sapeurs congolais aux inventions satiriques de Kenji Kawakami, qui imagine du beurre en stick ou des chaussons-balais-brosse pour railler les folies de la société de consommation.

Si les commissaires prennent la peine de consacrer un long texte à chaque réalisation pour en éclairer la démarche et, semblerait-il, « justifier » sa présence entre les murs du musée, l’esprit fourre-tout de l’exposition nous laisse franchement perplexes. Difficile de voir le rapport entre des montagnards turcs qui parlent le langage des oiseaux (Kusköy), la cuisine expérimentale de haute volée (Pierre Gagnaire), des larmes observées au microscope (Rose-Lynn Fisher) et un motard qui roule à 250 à l’heure sur le périph (le Prince noir). La volonté de départ du Palais de Tokyo – sortir de ses carcans – était plutôt louable. Mais à l’arrivée, tous les chemins du ‘Bord des mondes’ mènent au gros nombril de l’art contemporain.

> Horaires : tous les jours sauf le mardi, de midi à minuit.

Infos

Adresse
Prix
De 8 à 10 €
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