Critique

Martin Parr : Paris

3 sur 5 étoiles
  • Art, Photographie
  • Recommandé
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Time Out dit

Quand Martin Parr photographie sa chère et tendre Angleterre, il en montre les rades miteux, les rideaux de grand-mère vernis au graillon et les bourrelets qui dégoulinent au ras des minijupes. Pince-sans-rire au possible, le grand témoin de la vie ordinaire s’est toujours contrefiché du « beau » et aime appuyer là où ça fait mal : notamment sur le légendaire manque de classe de ses compatriotes, aristos et prolos confondus. Depuis les années 1970, les Brits en prennent plein la gueule – non sans une touche de tendresse, relevée d’une généreuse pincée d’ironie.

Alors forcément, quand le photographe britannique s’attaque au Paris des Frogs, c’est un peu pareil. Voire pire. Adieu l’élégance à la française, la haute culture, les bisous sous la tour Eiffel et les pavés qui vibrent au rythme des accordéons. La soixantaine de clichés exposés à la MEP (dont certains très récents) dézinguent avec un malin plaisir tous les mythes ronflants qui font le prestige de notre illustre capitale. Démystifiés, le Louvre et les monuments historiques : Martin Parr se contente de saisir les troupeaux de touristes ameutés devant la ‘Joconde’ et Notre-Dame, appareil photo scotché aux mains, regard bovin collé aux yeux. Massacré, le sens du style et de la mode : quand l’Anglais s’incruste aux défilés Chanel, c’est pour immortaliser un public de vieilles bourgeoises, maquillées comme des camions volés.

Et la nature dans tout ça ? Elle est bien là, au Salon de l’agriculture, où les enfants rêvent devant des vaches qui montent la garde sur leur mètre carré de foin. La république libre et fraternaliste ? Au rendez-vous aussi sur la place de la Nation, où la Marianne monumentale de Jules Dalou surveille des militaires qui exposent leurs flingues à des gamins. Les quais de Seine ? Mais oui of course, on les sillonne avec des mecs en short, jambes écartées et bidon flasque, affalés sur nos plages de poussière et de bitume.

Il fallait s'y attendre : le Paris à la sauce Martin Parr ressemble à une petite fresque sociale parfumée d’humour britannique. Grotesque, drôle, souvent franchement moqueuse. On y retrouve aussi la verve critique d’un Henri Cartier-Bresson décidé à tourner en dérision les images officielles édulcorées (notamment lorsqu'il photographiait les foules londoniennes hypnotisées par le couronnement de Georges VI, auquel elles tournaient le dos pour l’observer dans le reflet de leurs miroirs). Martin Parr, lui aussi, s’acharne à montrer l’envers du décor. Tout ce petit monde si moche et si vrai qui vit sa vie sur le bas-côté des cartes postales. Comme autant d’évidences, ses tours Eiffel en plastoc, ses réceptions d’hôtel pourris et ses fleuves de vacanciers s’entassent sur les murs pour raconter les scènes d'un quotidien qu’on a finalement peu l’habitude de voir dans les grandes institutions artistiques. A croire que l’image historique et bonifiée de Paris a la dent dure. Heureusement, le docteur Gonzo-Kitsch est passé par chez nous pour nous tendre un miroir un peu sévère. Le ridicule de Martin Parr ne tue pas : il fait même le plus grand bien.


> Horaires : du mercredi au dimanche de 11h à 19h45.

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De 4,50 à 8 €
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