Critique

My Buenos Aires

3 sur 5 étoiles
  • Art, Sculpture
  • Recommandé
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Time Out dit

Certains naissent sur Terre, d’autres à Buenos Aires. En orbite autour d’une tout autre planète artistique, à quelques années-lumière de la nôtre, la création contemporaine argentine s’expose à la Maison Rouge avec son lot de folie douce, de préoccupations sociales, de liberté et d’expérimentation. Dans la ville la plus « occidentale » d’Amérique latine, pas grand-chose qui respire le marché de l’art à l’européenne. Ici, les maisons s’accrochent aux vélos, parce que c’est la crise (Ana Gallardo). Les ventilateurs se cognent contre les murs, parce que quelqu’un qui n’avait pas le compas dans l’œil les a accrochés au plafond (Jorge Macchi). Les transsexuelles chantent des articles de presse sur des airs de tango, parce que c’est une façon comme une autre de soulever le problème de la prostitution infantile (Gallardo, encore). Les OVNI kidnappent des familles entières, parce que c’est plus facile à concevoir qu’un Etat qui pulvérise ses enfants (Luján Funes et Magdalena Jitrik). Et le Christ surgit de boîtes à sardines. Parce qu’alléluia, la pêche miraculeuse, l’Amérique catholique, tout ça tout ça (Léon Ferrari).

Voilà le genre d’étranges phénomènes qui habitent la création argentine d’aujourd’hui – communauté solidaire et hyperactive dont la Fondation Antoine de Galbert expose une soixantaine d’artistes, qui travaillent principalement avec la sculpture, l’installation, la photo ou la vidéo. En virevoltant entre les nœuds d’autoroute, les clichés réinventés, les trottoirs bondés, les maisons explosives et les statues d’Evita décapitées, la Maison Rouge dessine les contours d’une ville foisonnante, complexe, culottée – et surtout lumineuse malgré les grosses zones d’ombre laissées par la dictature, puis la crise de 2001.

Digne héritière des expositions ‘My Winnipeg’ (2011) et ‘My Joburg’ (2013), ‘My Buenos Aires’ ressemble elle aussi à une créature tourbillonnante, riche, hybride. Cela dit, au fil de cette parenthèse porteña, les sujets « chauds » se font rares, les vieux tiroirs de l’Histoire restant souvent fermés et les questions ouvertement socio-politiques se comptant sur les doigts d’une main. Allez, de deux mains. Mais qu’importe, car en peignant un portrait composé, comme une sorte de tableau impressionniste, de petites touches d’art, de banalités, de satire et de mythologies, l’exposition parvient à retranscrire quelque chose de peut-être encore plus fort : une sensation. Un état d’esprit. Celui d’une terre d’immigration, de résistance, de contradictions et de débrouille, dont l’arme principale ressemble drôlement à l’humour. Ici, l’art se vit comme une seconde nature, à la fois fantasque et naturellement politisée. Comme un instinct de survie parfumé d’un délicieux sens de l’absurde.

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De 6 à 9 €
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