Exposition Philippe Cognée à la galerie Daniel Templon
Courtesy de la galerie Daniel Templon / © Philippe Cognée'Tijuana', 2012

Critique

Philippe Cognée

4 sur 5 étoiles
  • Art, Peinture
  • Recommandé
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Time Out dit

Détroit, Mexico, Saint-Denis, Rio… Philippe Cognée a parcouru le monde sans aller nulle part. Sur Google Street Views. Un périple virtuel dont il est revenu avec des vues de maisons et d'immeubles anonymes, râpés, dépourvus de caractère. On pourrait très bien se trouver à Ivry ou à Aubervilliers – on est en fait à Tijuana, à Los Angeles, à Brasilia… Travaillant comme à son habitude à partir de photos (ici, des captures d’écran pixellisées) l'artiste français a minutieusement peint ces architectures à l’encaustique, avec un mélange de pigments et de cire d’abeille. Puis il a recouvert ses toiles d'un film plastique et les a polies au fer à repasser tiède. Pour déconstruire tout ce qu'il avait bâti.

Un procédé qui fait toute la force de l'œuvre de Cognée depuis les années 1990. Comme les supermarchés, les abattoirs, les portraits de vacanciers ou les natures mortes avant eux (à découvrir dans une rétrospective au musée de Grenoble, jusqu’au 3 février), ces paysages urbains flous, désincarnés, comme dissolus sous l'effet de la chaleur du fer, semblent habités par une énergie intérieure qui vibre et déborde de l'œuvre. A la galerie Daniel Templon, plus le réel se désagrège, comme liquéfié par la technique de l'artiste, plus la peinture paraît traversée par le frétillement de la vie. Les angles vacillent, basculant entre des vues frontales de façades, comme prisonnières des deux dimensions de l'écran d'ordinateur, et des bâtiments saisis en diagonale, dans des perspectives saillantes et dynamiques. La forme et le sujet sont en osmose, ne forment plus qu'un seul et même tout : la surface accidentée de la toile, tantôt lisse et douce, tantôt râpeuse comme du ciment brut, semble surgir des murs des immeubles. Eux qui n'étaient plus que des pixels sont à nouveau animés par le vécu. Leurs formes érodées, balafrées, pointent vers une réalité fuyante. Un présent – le nôtre – aux contours incertains.

Dans le deuxième espace de la galerie, impasse Beaubourg, des portraits d'amis proches de l'artiste ont été accrochés autour d'une installation – sorte de maquette de ville en marbre, dont les éléments, dispersés, s'épanchent comme des atomes à même le sol. Sur les toiles, les personnages se diluent parmi les couches cireuses de peinture. Leur peau et leurs vêtements, tout en textures fondues, brouillées, burinées, semblent dévorés par la matière qui les enveloppe. Une inconsistance qui les rend, par on ne sait trop quel phénomène alchimique, peut-être plus concrets que le monde tangible.

> Horaires : du mardi au samedi de 10h à 19h

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Entrée libre
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