Dans la série 'Kin', commencée à la naissance de son premier enfant, Pieter Hugo pose la question de la cohabitation, de la famille, du « home », du chez-soi. Ou comment trouver sa place au sein d'une société asphyxiée par le poids du passé, dans laquelle chaque geste porte en lui les terribles erreurs des générations précédentes. Comme le dit le photographe dans la petite interview vidéo projetée à la fin de l'exposition de la Fondation Henri Cartier-Bresson, faire des photos en Afrique du Sud est forcément un acte politique ; forcément une façon d’exposer au grand jour les béances du monde post-apartheid et ses cicatrices mal refermées.
Des bâtiments recouverts d'affichettes vantant les mérites de marabouts ou d’avorteurs. Des clochards campant sur les trottoirs. Des symboles du monde d'avant qui s’entrechoquent avec les réalités d'aujourd'hui. Chez Hugo, les images qui montrent du doigt les disparités raciales et les inégalités sociales sont toujours particulièrement léchées et très parlantes ; mais l’approche reste parfois trop évidente, comme lorsqu'il confronte les photos aériennes des beaux quartiers, tuiles colorées et avenues rectilignes, avec le chaos sombre des bidonvilles. Efficace certes, mais sur un sujet aussi régulièrement exploré, on aurait pu attendre un angle plus original – on pense à Mikhael Subotzky et Patrick Waterhouse lors de l'exposition 'Ponte City ' au BAL, qui racontaient l'Afrique du Sud à travers les mutations d'un seul bâtiment de Johannesburg.
Hormis quelques compositions étonnantes qui glissent vers l'irréalité ('Green Point Common' et son étrange homme noir endormi au pied d'un arbre biscornu sur un horizon fantomatique), les paysages et scènes de rue de Pieter Hugo n’ont pas toujours la force de ses portraits. Car c'est bien là, dans l’intimité de la représentation, que le photographe réussit le mieux à capturer son Afrique du Sud. Soucieux de ne rien dramatiser, il travaille les couleurs dans de magnifiques teintes ocres, terreuses, granuleuses, qui apportent à ses clichés la densité d'un tableau. A travers les images de sa grand-mère, de ce couple de gays en habit traditionnel, de sa nourrice, de ces cinq jeunes Noirs en costumes à carreaux ou de ces Afrikaners aux traits altiers, c'est sa propre identité que Pieter Hugo recherche. La photo le représentant nu avec son bébé sur le ventre apparaît alors comme la clé de son projet : tous ces visages de la patrie de Nelson Mandela, avec leurs nuances et leurs différences, forment finalement l'autoportrait morcelé d'un Sud-Africain d'aujourd'hui. Figure expiatoire, écrasée par un héritage viscéral et chaotique.
Time Out dit
Infos
- Site Web de l'événement
- www.henricartierbresson.org
- Adresse
- Prix
- De 4 à 7 € (gratuit le mercredi de 18h30 à 20h30)
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