Larry Clark, Adel Abdessemed, Nan Goldin, Jean Cocteau… Sobres ou high, cleans ou accros, peu importe : tous ont rencontré, imaginé ou invoqué l’éléphant rose un jour ou l'autre, s’intéressant tantôt à la manière dont l’expérience de l’art pouvait se rapprocher d’une forme de « trip », tantôt à la façon dont la consommation de drogues pouvait servir de moteur à leur création, leur permettant de « voyager » vers des folies fructueuses. Un flirt vieux comme le monde entre art et psychotropes qui a tapé dans l’œil de la Maison Rouge : la fondation d’Antoine de Galbert a voulu se pencher sur le rapport ambigu qu'entretiennent création visuelle et stupéfiants depuis le XIXe siècle, en réunissant un impressionnant casting d’artistes. Une idée d'exposition alléchante comme un champ de coquelicots. Pour un résultat à la fois décevant et décousu.
Car se promener dans ‘Sous influences’, c’est un peu comme être sobre au beau milieu d’une soirée où tout le monde aurait pris des poppers : les délires grouillent dans tous les sens, mais on n’a rien de concret pour s’y rattacher, on est toujours tenu à l’écart. A défaut de nous transmettre son savoir sur le sujet, le commissaire de l’exposition Antoine Perpère – pourtant spécialiste en la matière et membre d’une association d’aide aux toxicomanes – nous submerge d’œuvres, sans en décrire la démarche et sans les accompagner d’une réflexion sur les univers parallèles qu'enfantent les stupéfiants, à la fois destructeurs et vecteurs de création. Pas de référence, par exemple, à la pathologie mentale à l’origine des divagations graphiques d’un Antonin Artaud gavé de médocs ; aucune explication de la vidéo de Gianfranco Rosi, témoignage inestimable d’un ex-homme de main des cartels mexicains ; aucune indication, non plus, que cette informe sculpture de Bruno Botella, exposée au début de l’expo, a été réalisée à partir d’une pâte à modeler hallucinogène. Privées d'interprétations et présentées comme des faits accomplis, certaines œuvres perdent alors tout leur intérêt ; opaques comme de la fumée d’opium, elles n’affichent parfois aucun lien clair avec le propos.
Bref, tout ce catalogage présente de sérieux risques d’overdose pour qui s’y frotte. Heureusement que quelques œuvres frappantes pimentent le parcours – comme la salle de pois rouges et blancs de Yayoi Kusama, immersive, ou les autoportraits de Bryan Lewis Saunders, dessinés sous l’emprise de différentes drogues. Mais même les portraits glaçants d’héroïnomanes pris par Larry Clark, le court métrage délicieusement détraqué de Martial Raysse (‘Camembert Martial Extra-Doux’) et le salon de thé de Rose Bakery, joliment recouvert d’affiches psychédéliques, ne nous feront pas oublier la vacuité de ce périple sous acides. Dont le pitch nous avait pourtant jeté de la poudre aux yeux.
> Horaires : du mercredi au dimanche de 11h à 19h, nocturne le jeudi jusqu’à 21h
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