Critique

Vanessa Winship

4 sur 5 étoiles
  • Art, Photographie
  • Recommandé
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Time Out dit

Sous l’objectif de Vanessa Winship, l’Amérique soupire. Vieilles bagnoles des sixties, buildings art déco, ponts rouillés, étendues désertiques, routes à n’en plus finir... Fruit de plus d’un an de voyage aux Etats-Unis, la dernière série de la photographe britannique, très belle, respire le classicisme et la sobriété. Du Montana à la Californie et du Mississippi à l’Illinois, la lauréate du prix Henri Cartier-Bresson suit les traces des grands stéréotypes des States du XXe siècle. Ici, rien de neuf à l’horizon - que des vestiges d’un autre temps, figés dans la léthargie du noir et blanc. Nous sommes en 2011 et le Nouveau Monde a pris un sacré coup de vieux, engourdi par le souvenir grisonnant de ses ambitions.

« Il y a quelque chose d’incroyablement beau et pourtant profondément dérangeant à propos de l’Amérique, écrit-elle. Cette curieuse et inévitable solitude et mélancolie créées par la quête du rêve américain. » Sur ce territoire vaste et massif, Vanessa Winship balaie le paysage comme une archéologue à la recherche d’une beauté pure et désuète. Ses paysages rocailleux et ses forêts grises, plantées d’arbres colossaux, évoquent presque quelque chose de primitif, proche des études ethno-géographiques de la fin du XIXe siècle. Même sa méthode – l’argentique, la chambre noire, le récit de voyage soigneusement transcrit à la main, les correspondances nourries de poèmes... – dégage un certain charme anachronique. L’œil rivé sur l’histoire de la photo, elle pense d'ailleurs au cours de son périple à Robert Adams et s’inspire des « images à la fois tendres et cruelles » de Diane Arbus. Nous, on songe aussi à Berenice Abbott, devant les villes scintillantes et géométriques qu’elle saisit. Ou encore à Richard Avedon, lorsque l’Anglaise, à l’affût de rencontres fortuites, dresse le portrait frontal d’ados en sweats à capuches ou de jeunes sudistes, coiffés de chapeaux de cowboys.

Parfois, l’étrange et le mystique, si profondément enracinés dans le folklore américain, s’insinuent par petites touches discrètes que la photographe distille ici ou là : sur un tronc d’arbre mort le long duquel poussent des chaussures, dans une épaisse fumée qui survole un bled paumé, sur un train-fantôme de fête foraine abandonnée... Où qu’elle aille, le langage que Vanessa Winship emploie est à l’image des gens et des paysages qu’elle photographie : hors du temps. Pudique, elle se met sans cesse en retrait pour saisir les habitants de cette terre qui semble être arrivée au bout de son histoire. Sur son passage, rennes, freaks tatoués, skaters et miss tirées à quatre épingles s’arrêtent un instant, pour fixer l’objectif droit dans les yeux. Tous partagent une même intensité. Celle, peut-être, des créatures échouées sur le bas-côté du pays de l’Oncle Sam.

> Horaires : du mardi au dimanche de 13h à 18h30, le samedi de 11h à 18h45, nocturne le mercredi jusqu’à 20h30.

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De 4 à 6 €
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