Winshluss dans la Galerie des jouets du musée des Arts décoratifs, une intrusion qui sonne comme une évidence. Tout, chez l'auteur de 'Pinocchio', renvoie à l'univers de l'enfance : sa manière de se référer aux contes, aux fables, aux classiques de la littérature jeunesse et de la bande dessinée, ou de détourner l'imaginaire de Walt Disney dans un mélange d'admiration et de rage iconoclaste. Graphiquement même, sa manie de reprendre les codes du dessin animé des années 1930 ou de balafrer ses affiches de couleurs acidulées qu'on dirait sorties d'une pub pour Mon Petit Poney affirme sa volonté de s'inscrire dans une tradition enfantine précise, qu'il aime ensuite dézinguer à grands coups de cynisme.
Car dans le monde merveilleux de Winshluss, ce ne sont pas les enfants sages qui gagnent à la fin, mais bien les salauds. La Petite Marchande d'alumettes est devenue une pyromane farouche, et Hansel et Gretel sont attirés par une chaumière en burger, tenue par un Ronald McDonald aguicheur. Derrière son aspect coloré, l'exposition, qui regroupe des installations, des dessins, des (vrais et des faux) jouets, mais aussi les magnifiques courts-métrages réalisés avec Cizo, livre une version macabre de l'humanité, entre provocation punk, poésie désenchantée et dénonciation sociale. Emballée dans un décor ludique, la hargne de Winshluss paraît encore plus frappante, comme dans le film 'Raging Blues', dont le terrible dénouement jure avec l'esthétique désuète. Si les contes apparaissent habituellement comme la métaphore du passage de l'enfance à l'âge adulte, ceux de l’artiste deviennent la métaphore du passage de l'insouciance à la lucidité - du rire joyeux au rire jaune.
Pour autant, Winshluss ne se pose jamais en moralisateur, ou en objecteur de conscience : il se considère lui-même comme un produit contaminé par ce monde pourri, résumé par la vacuité de la télévision et l'abondance infinie des supermarchés. L'exposition s'achève d'ailleurs sur une "poupée qui transpire" et qui "crache de la fumée" à l'effigie d'un Winshluss s'exclamant : "Oh non, j'ai raté ma vie !" Comme s'il était, lui aussi, devenu un jouet crétin, vampirisé par le monde merveilleux qu'il détournait.
> Horaires : du mardi au dimanche de 11h à 18h, nocturne le jeudi jusqu’à 21h
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- De 8 à 9,50 €
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