Critique

Yves Marchand & Romain Meffre, 'Gunkanjima'

3 sur 5 étoiles
  • Art, Photographie
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Time Out dit

Après avoir photographié les ruines de Détroit puis sillonné les Etats-Unis sur les traces des movie theaters délabrés des années 1930, Yves Marchand (né en 1981) et Romain Meffre (né en 1987) sont allés se perdre dans les décombres de l’île fantôme de Hashima, au Japon. Un amas de béton à l’abandon, échoué au large de Nagasaki, que les deux photographes français ont écumé lors de deux courts voyages, en 2008 et en 2012. Ils en sont revenus avec des paysages en lambeaux et des vues d’intérieurs éventrés, à paraître au mois de juin dans un beau-livre aux éditions Steidl. En attendant, la galerie Polka révèle une petite dizaine de photos – mal mises en valeur, dans un accrochage en couloir qui laisse à désirer – issues de cette série qui documente les métamorphoses du déclin post-industriel.

Avant de ressembler à une épave de débris, celle que l’on surnomme Gunkanjima (« le vaisseau de guerre ») est peuplée, pendant une bonne partie du XXe siècle, par des mineurs de Mitsubishi. Elle mâche et recrache alors d’immenses quantités de charbon, participe aux efforts de guerre et contribue à l’essor économique nippon. A son apogée en 1959, l'île abrite même un cinéma, des écoles, des bars, un hôpital et des magasins – avec plus de 5 000 habitants, elle connaît la plus forte densité jamais enregistrée dans le monde. Ses édifices froids et bruts (parmi lesquels le méchant du dernier James Bond, 'Skyfall', élit domicile) incarnent l'esprit d'une époque. « La colonie semblait être l'expression d'une idéologie collectiviste, d'un dévouement à la production et à la compagnie, avec son architecture de la dépersonnalisation au style aussi brutal que rationnel », indiquent Marchand et Meffre.

Mais ça ne va pas durer : le pétrole concurrence bientôt le charbon, la mine ferme ses portes en 1974 et cet iceberg de ciment dressé dans les eaux méridionales du Japon est déserté à vitesse grand V. Aujourd’hui, il ne reste plus de Hashima que la carcasse d’un empire manufacturier, érodé par l’air marin. Seuls quelques meubles râpés, des matelas, des bouteilles en plastique et des postes de télé déglingués la rattachent encore à la vie qui palpitait là autrefois. Bref, une destination de rêve pour deux photographes qui, tels des médecins légistes, cartographient les balafres de mondes en passe de se décomposer.

> Horaires : du mardi au samedi de 11h à 19h30

> A lire aussi :

Notre article sur les 'Theaters' d'Yves Marchand et Romain Meffre, exposés chez Polka en 2012

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