Ah Paris, c'était quand même mieux avant, soupire-t-on, quand face à la porte Océane on se souvient des petites pierres de la gare Montparnasse du début du siècle, aperçues en photo. Pour les nostalgiques du Paname d'antan, les voitures hybrides, les feux rouges et autres bâtiments de verre et de fer ont saccagé la beauté surannée de leur capitale. Nous avons voulu en avoir le cœur net, photographies à l'appui. A l'instar de notre grand frère britannique, et de nos confrères de Rue 89, nous avons joué avec nos appareils photo et nos ressources en HTML. Alors, Paris, vous la préférez en sépia ou pas ?
Ouvert en 1921, le Louxor est passé par bien des états. Ce grand bâtiment art déco d'inspiration égyptienne, qui fut un temps le temple parisien du cinéma muet, vécut après la fin de la Seconde Guerre mondiale des heures beaucoup moins glorieuses. Une longue traversée du désert qui s'achève en 2013 avec une réouverture en grande pompe, et un tout nouveau projet cinématographique, éducatif, culturel et artistique.
Avec sa cinquantaine de millions de voyageurs par an, la gare Montparnasse est l'une des plus importantes de France. C'est d'ailleurs grâce à elle que les Parigots peuvent tâter de l'océan Atlantique. Rénovée dans les années 1960, puis réaménagée début 1990, elle a perdu son cachet d'antan au profit des milliers de valises qu'elle voit défiler chaque jour. Les pierres de taille ont finalement laissé la place à des dalles de béton et à des barres de métal bien disgracieuses. On saluera tout de même l'installation en terrasse d'un large rectangle de verdure, le jardin Atlantique.
Le Cabaret du Lapin Agile, c'est tout une histoire, et s'il y a bien un troquet dans le coin qui peut se targuer d'avoir vu défiler celle de Montmartre, c'est bien celui-ci. Depuis 1860, date à laquelle ouvre une auberge pour rouliers nommée Au Rendez-vous des Voleurs, il n'a cessé de changer de nom (Au Rendez-vous des Assassins, Le Lapin à Gill, A ma Campagne, Le Lapin Agile) et d'accueillir, en plus des rapins et des voyous du quartier, la crème de la Butte. Le comptoir en a donc vu de beaux : du caricaturiste André Gill (d'ailleurs, le lapin de l'enseigne – vêtu d'une écharpe rouge et échappant de peu à la casserole dans laquelle il s'apprêtait à cuire – serait sa propre caricature, symbolisant sa participation à la Commune et son salut in extremis lors de la répression) jusqu'à Léo Ferré, en passant par Alphonse Allais, Max Jacob, Pablo Picasso, Charlie Chaplin, Pierre Mac Orlan, Toulouse-Lautrec, Guillaume Apollinaire et bien d'autres.
Si l'on se fie aux vitrines luxueuses des boutiques qu'on y trouve aujourd'hui – Chanel, Dior –, il est difficile d'imaginer que la rue Royale est une avenue empreinte d'histoire militaire. Pendant la Révolution elle fut rebaptisée à plusieurs reprises par les gouvernements successifs ; puis en 1871, elle fut ravagée par les combats et les incendies de la Commune. Sur le pilastre de l'entrée du n°1, on trouve le fac-similé d'une affiche de la mobilisation générale pour la Première Guerre mondiale, marquant l'endroit où on attacha l'originale en 1914.
Nous voilà dans le bas Montmartre, tout près de la mairie du 18e. La carte postale précise « l'ancienne bergerie de Gabrielle d'Estrées » (maîtresse et favorite d'Henri IV) : il s'agit du bâtiment au premier plan à droite, qui fut tour à tour une chapelle, un poste de pompiers, un débit de vins et un cabaret, avant d'être détruit en 1920. Au milieu et à l'arrière-plan de la photo, on aperçoit une tour, ancien hôtel A la Tourelle peint par Utrillo (entre 1910 et 1935), qui abrite aujourd'hui le club échangiste Le Château des Lys (61-36 rue du Mont-Cenis). Preuve que l'on sait encore s'amuser, dans l'une des plus vieilles maisons de la Butte.
Construit en 1899, le Gaumont Palace fit un temps la réputation festive et cinématographique de la place de Clichy : capable d'accueillir jusqu'à 6 000 spectateurs, cet immense bâtiment aura vu défiler divers évènements (cirque, football, et même combat naval !) avant de devenir « le plus grand cinéma du monde » (5 000 places), si l'on en croit ses promoteurs. Frank Zappa y donna d'ailleurs
un concert le 15 décembre 1970. Ce temple du 7e art a depuis laissé place à un hideux centre commercial comprenant un Castorama, un Flunch et un hôtel Mercure massif, tandis que le Pathé Wepler et le Cinéma des cinéastes assurent la relève cinéphile dans le quartier.
L'ancien village de La Chapelle, annexé à Paris en 1860, faisait autrefois le lien entre ceux de Montmartre (à l'ouest) et de Belleville (à l'est). Passé le théâtre des Bouffes du Nord, au sud du métro aérien s'étend aujourd'hui le quartier indien, jusqu'à la gare du Nord, où travaillent des communautés venues du Pakistan, d'Inde et du Sri Lanka. De quoi s'initier au sarod ou manger un bon poulet tikka pour pas cher. Quant au nord de la station La Chapelle, se trouvent d'un côté le quartier de la Goutte d'Or, de l'autre celui menant à Marx-Dormoy et à la nouvelle halle Pajol, qui accueillera bientôt la plus grande médiathèque du quartier – en bonne voie de gentrification.
« Vers trois heures de l'après-midi, dans le mois d'octobre de l'année 1844, un homme âgé d'une soixantaine d'années, (...) le long du boulevard des Italiens, le nez à la piste, les lèvres papelardes, comme un négociant qui vient de conclure une excellente affaire... » La situation que décrit Balzac dans 'Le Cousin Pons' est significative de la fréquentation du boulevard. Quartier des théâtres, des boutiques et des banques, toute l'élégance parisienne s'y croisait sous leurs ombrelles. Des années après, le boulevard des Italiens est resté fidèle à lui-même, sûrement un peu plus populaire, mais toujours fréquenté par les hommes d'affaires et les théâtreux. Il doit d'ailleurs son nom au théâtre des Italiens, construit peu avant la Révolution, en 1783, et remplacé aujourd'hui par l'Opéra-Comique.
Jane la Folle, Grille d'Egout, La Goulue, La Môme Fromage, Nini Pattes en l'air, Sauterelle, Rayon d'Or, Finette... Toutes se sont succédé sur les planches du Moulin Rouge, participant à la gloire du french cancan, du music hall et à la renommée de ce cabaret inauguré dès la fin du XIXe siècle. Déjà surmonté, à cette belle époque, d'un moulin éclairé et peint en rouge, il accueille les artistes du village montmartrois et les notables parisiens qui viennent ici pour rire et s'encanailler. Voilà donc plus de 100 ans que le moulin bat la revue. Et si aujourd'hui, il sert ses dîners-spectacles à une clientèle essentiellement touristique, il reste en tous cas l'une des figures emblématiques du paysage nocturne parisien.
Le « Boul'Mich », jadis baptisé ainsi par des étudiants anticléricaux par contraction de son nom laïque, a longtemps été un foyer d'agitation gauchiste. Or c'est ici, sur la place Saint-Michel, que plusieurs jeunes membres de la Révolution furent assassinés par les Allemands peu avant la Libération. Aujourd'hui, malgré l'invasion Starbucks, un « léger » esprit radical subsiste encore. Notamment dans la programmation éclectique et provocatrice de l'Espace Saint-Michel.
N'en déplaise à Eric Judor et Ramzy Bédia, la tour Montparnasse s'élance toujours fièrement au cœur du quartier Montparnasse. Souvent décrié, ce gigantesque bâtiment de 56 étages situé sur l'emplacement de l'ancienne gare se targue souvent d'avoir « la plus belle vue sur Paris ». Si l'intérieur n'a rien de très folichon – elle héberge divers commerçants, bureaux et près de 25 ascenseurs – sa terrasse et sa vue panoramique valent assurément un détour par les nuages.
Voilà sans doute l'un des pires endroits de Paris : jadis proclamée « plus belle avenue du monde », l'avenue des Champs-Elysées n'est plus qu'une tarte à la crème du tourisme low-cost. Déjà, les touristes les plus avisés l'évitent. Quant aux Parisiens, ça fait belle lurette qu'on ne les y croise plus, hormis quelques vendeurs de voitures ou critiques de cinéma hagards – qui fichent le camp dès que possible. Bref, l'avenue la plus ringarde du monde ?
Si la rue Oberkampf est devenue synonyme de sorties, de bars et de clubs pour les Parisiens, il s'agit en réalité d'une évolution récente de cette artère qui a pris la place d'un ancien bras mort de la Seine transformé en fossé, puis en chemin rural. Joignant deux boulevards historiques, celui du Temple, ancien tracé de l'enceinte de Charles V, et celui de Ménilmontant qui correspond au mur des Fermiers Généraux, la rue a pris forme tardivement durant les XIXe et XXe siècles. S'y sont installés surtout des commerçants, ouvriers et artisans, qui composent la force de travail de la révolution industrielle à Paris, dont le cœur se situe à l'est de Paris. Il faudra donc attendre les années 1990 pour voir les bars remplacer les commerces et les ateliers d'artistes ou de designers remplacer ceux des artisans.
C'est l'une des plus anciennes places de Paris, héritière des grands chambardements urbains du Second Empire. Avec ses trois lignes de métro, et les quatre grands boulevards qu'elle dessert, elle reste l'une des plus grosses artères de communication de la ville, piétinée par des milliers de Parisiens chaque jour. On la reconnaît grâce à sa Marianne de bronze, qui s'affiche toujours aussi fièrement au centre de la place depuis son installation en 1883, brandissant son rameau d'olivier, emblème de la paix. C'est ici, que le général de Gaulle, le 4 septembre 1958, proclama la Ve République. Par son aspect hautement symbolique, le lieu continue d'abriter diverses manifestations populaires. Depuis le 16 juin 2013, la place a connu une révolution esthétique cette fois, ses deux terre-pleins ont été remplacés par une immense plateforme, entièrement piétonne.
La rue Mouffetard est l'une des plus anciennes de Paris, puisque son existence remonte à l'époque romaine vers le Ier siècle après J.-C. Située derrière le Panthéon dans le Quartier latin, elle relie la montagne Sainte-Geneviève et l'église Saint-Médard le long d'une douce pente, finissant par un marché de primeurs assez réputé. Son étroitesse et ses pavés lui confèrent un charme qui attire les touristes du monde entier, lesquels se ruent dans ses restaurants pas très bon marché, tandis que les étudiants ont depuis longtemps adopté ses bars aux happy hours interminables et les terrasses de la place Contrescarpe. La proximité de la Sorbonne, du lycée Henri IV et de plusieurs grandes écoles permet encore au cinéma d'art et essai L'Epée de bois de subsister.
Cet ancien passage en terre battue qui menait de la place Blanche jusqu'à la pointe de la Butte sera aménagé en 1809, sur les ordres de Napoléon Ier. Lui qui souhaitait accéder à l'église Saint-Pierre de Montmartre se voit contraint, à cause du dénivelé et du très mauvais état du sentier, d'abandonner son cheval à mi-chemin. Un empereur à pied... Il n'en fallait pas plus pour qu'une chaussée adaptée voit le jour. Aujourd'hui, entre le Café des Deux Moulins, la boutique de souvenirs du Moulin Rouge et les commerces de bouche volontairement pittoresques, la rue Lepic fait le bonheur des touristes.