A bout de souffle (1960)
Génie de la modernité. Georges de Beauregard était-il conscient du rôle incroyable qu'il allait jouer dans l'histoire du cinéma lorsqu'il confia un petit budget à Jean-Luc Godard, âgé d’à peine 30 ans, pour qu'il puisse simplement « faire son film », laissant carte blanche au jeune réalisateur ? Traité dans mille ouvrages, encore discuté aujourd'hui, A bout de souffle reste un film d'une grande liberté, où la beauté garçonne de Jean Seberg dispute la lumière à l'hallucinante décontraction d'un Belmondo de 27 ans. Laissant entrevoir Melville, Douchet, ou Godard lui-même au détour d'un plan, A bout de souffle allait devenir un étendard de la Nouvelle Vague, dont l'aura ne s'est jamais démentie, dépassant largement le cercle des « initiés ». Dernières heures d'un tueur de flic en fuite, ce premier long métrage représente à la fois un souffle de liberté inouï, une histoire d'amour tragique, un instantané de vie pris sur le vif et un bras d'honneur aux règles cinématographiques. Les dialogues étaient écrits sur des bouts de nappe, soufflés par Godard pendant les prises, le film éclairé avec les moyens du bord, le montage jouant ensuite avec insolence sur la discontinuité ou les faux raccords délibérément je-m’en-foutistes... Dès son premier film, JLG lance des pistes, essaye, creuse comme personne. A l’époque, on aurait pu croire que ce film serait son chef-d’œuvre. Ce n’était qu’un coup d’envoi.