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Jean-Luc Godard en 13 films

Jean-Luc Godard est décédé à l’âge de 91 ans. Retour en 13 films essentiels sur la carrière de JLG, le cinéma fait homme.

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Putain, Dieu est mort. De ses débuts comme étendard de la Nouvelle Vague à ses plus récentes créations, plus expérimentales que jamais, le cinéaste franco-suisse Jean-Luc Godard n’aura cessé de définir les codes du cinéma pour mieux les distordre. Sa filmographie, garnie de dizaines de films aussi divers qu’intrigants, a des faux airs de manifeste absolu du cinéma. On a décidé de rendre hommage au maître en sélectionnant treize films, pour nous les plus essentiels. Parmi eux : À bout de souffle (génie de la modernité cinématographique), Le Mépris (classique immédiat devenu légendaire en empilant les scènes mythiques), Histoire(s) du cinéma (une somme de films autour du septième art en guise d’oraison) ou Adieu au langage (où il se moquait de sa propre mort…). Egalement au menu de votre Godardthon du week-end, Alphaville (film de SF qui joue avec les codes des pulp magazines ou du roman noir) et Détective (polar dérangeant autour du couple Johnny Hallyday-Nathalie Baye).

Si vous pensez n'avoir jamais rien compris à JLG, ce dossier est fait pour vous !

Jean-Luc Godard en 13 films

A bout de souffle (1960)

Génie de la modernité. Georges de Beauregard était-il conscient du rôle incroyable qu'il allait jouer dans l'histoire du cinéma lorsqu'il confia un petit budget à Jean-Luc Godard, âgé d’à peine 30 ans, pour qu'il puisse simplement « faire son film », laissant carte blanche au jeune réalisateur ? Traité dans mille ouvrages, encore discuté aujourd'hui, A bout de souffle reste un film d'une grande liberté, où la beauté garçonne de Jean Seberg dispute la lumière à l'hallucinante décontraction d'un Belmondo de 27 ans. Laissant entrevoir Melville, Douchet, ou Godard lui-même au détour d'un plan, A bout de souffle allait devenir un étendard de la Nouvelle Vague, dont l'aura ne s'est jamais démentie, dépassant largement le cercle des « initiés ». Dernières heures d'un tueur de flic en fuite, ce premier long métrage représente à la fois un souffle de liberté inouï, une histoire d'amour tragique, un instantané de vie pris sur le vif et un bras d'honneur aux règles cinématographiques. Les dialogues étaient écrits sur des bouts de nappe, soufflés par Godard pendant les prises, le film éclairé avec les moyens du bord, le montage jouant ensuite avec insolence sur la discontinuité ou les faux raccords délibérément je-m’en-foutistes... Dès son premier film, JLG lance des pistes, essaye, creuse comme personne. A l’époque, on aurait pu croire que ce film serait son chef-d’œuvre. Ce n’était qu’un coup d’envoi.

Le Mépris (1963)

Un classique immédiat. Il n’aura pas fallu à Godard plus de trois ans et quatre films après A bout de souffle pour devenir un réalisateur incontournable. Adaptation libre du roman éponyme d’Alberto Moravia, Le Mépris demeure sans doute son œuvre la plus classique, qui fut d’ailleurs produite comme telle. A force de scènes mythiques, c’est le film entier qui est devenu légendaire, depuis son générique parlé (clin d’œil à un autre génie de la mise en scène, Orson Welles) jusque dans les longs travellings sur la mer de Capri, en passant par les scènes de rage amoureuse le long des couloirs d’un appartement. Filmé au millimètre, magnifié par le soleil italien, ‘Le Mépris’ n’est pas une simple réflexion sur le métier de cinéaste, mais un hommage militant au septième art. Comment rester soi-même dans un monde ravagé par des enjeux économiques destructeurs ? Au cœur de l’intrigue : l’histoire du scénariste parisien Paul Javal (Michel Piccoli) et de sa femme Camille (Brigitte Bardot), venus rejoindre le réalisateur Fritz Lang (ici dans son propre rôle) sur le tournage d’une adaptation de L’Odyssée d’Homère. Sur place, les conflits d’argent entre équipe artistique et production se mêlent aux malentendus et disputes amoureuses entre Paul et Camille. L’art et le fric, l’amour et le mépris : l’essence paradoxale de la vie, exaltée par la musique mythique de Georges Delerue. « Alors, tu les aimes, mes fesses ? »

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Pierrot le fou (1965)

Poésie et surréalisme. « D'une beauté surhumaine » (c’est Louis Aragon qui le dit), Pierrot le fou est un fabuleux poème filmé, patchwork littéraire, pictural et sonore, à la fois comédie musicale et bande dessinée – avec, ici ou là, des dialogues tirés de publicités pour shampoing ou des filtres de couleurs vives aux faux airs de toile d’Andy Warhol. Dans ce génial manifeste esthétique, le synopsis ressemble à un pur prétexte, une autorité de pacotille dont se joue une narration libérée, ludique et solaire. On y suit Jean-Paul Belmondo et Anna Karina dans un road-trip irradiant de poésie, pris en chasse par un gang de tueurs. Il faut dire qu’au centre de ce film trône, récurrent, le fantôme d'Arthur Rimbaud, auquel Godard emprunte de multiples formules (« l'amour est à réinventer », « la mer allée avec le soleil ») et le parcours de sa Saison en enfer. Mais il arrive aussi qu’on y croise Raymond Devos, au bord de la mer, pour un sketch émouvant et savoureusement formaliste. Collant tous azimuts ses références hétéroclites, tirant sa narration comme on pousse un jeu de mots dans ses ultimes retranchements, Godard apparaît plus que jamais en grand chamane wittgensteinien du cinéma poético-pop des années 1960. Où le personnage de Belmondo peut se retrouver à lire un essai d’Elie Faure comme une BD des Pieds-Nickelés. Kaléidoscope à la fois sensuel et culturel, Pierrot le fou reste aussi le film le plus joyeux de Godard. Et le plus innocent, derrière sa maestria jouissive et son humour corrosif. On aimerait tout simplement vivre dedans.

Alphaville (1965)

Une ville sans pitié. Parsemant ses dialogues de citations plus ou moins cachées de Borges, Orwell, Bergson, Nietzsche ou Eluard, Godard n’en oublie pas pour autant ici de jouer avec les codes des pulp novels ou du roman noir, plongeant le personnage de l’espion Lemmy Caution (Eddie Constantine) dans une sombre fantaisie narrative, où le super-ordinateur Alpha 60 contrôle chaque aspect d'Alphaville. Surtout, le film conserve un charme très particulier, dû à son mélange d’un humour souvent extravagant, absurde, et d’un profond sérieux sous-jacent lorsqu’il fait le lien entre la brutalité du fascisme et la logique inhumaine des machines. Enfin, dans un espace où la folie des sentiments devient une condamnation à mort, qui mieux que l’espiègle Anna Karina pourrait nous faire croire que le jeu en vaut pourtant la chandelle ?

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Made in USA (1966)

Pop + Music. Cinéma, théâtre, roman, philosophie, poésie, peinture… Il n’aura donc pas fallu longtemps à Godard pour s’affirmer comme un cinéaste « total », englobant au sein de ses films l’ensemble des disciplines artistiques pour un fabuleux jeu de correspondances, au sein duquel la musique, avant tout, tient une place essentielle. De la toute jeune Chantal Goya de Masculin, Féminin (1966), à For Ever Mozart trente ans plus tard, en passant par les Rolling Stones de One + One (1968) ou les Rita Mitsouko dans Soigne ta droite (1987), la musique traverse en effet comme une sœur l’œuvre de JLG. En 1966, c’est Marianne Faithfull que l’on retrouve ainsi dans un bistrot, entonnant délicatement As Tears Go By, lors d’une jolie scène de drague silencieuse où resplendit la beauté d’Anna Karina. Critiquant le cinéma américain jusque dans son titre, Made in USA lui cherche pourtant une alternative dans un registre également pop, que Godard va trouver dans les pulp fictions ou le rock britannique. Entre amour et haine pour la culture américaine (amour de sa légèreté, haine de sa domination), Godard tend alors à redéfinir une culture européenne libre et vivante. Ce qu’il continuera à faire sans relâche, allant chercher du côté du néo-réalisme italien, du romantisme allemand d’Hölderlin, de l’Autriche de Wittgenstein… Les déceptions, bien sûr, restent à venir. Mais Sarajevo est encore loin.

La Chinoise (1967)

Politique et mise en scène. 1967 constitue une année charnière pour Godard. Séparé d’Anna Karina, muse délicieuse de ses premiers films, il épouse alors Anne Wiazemski, tout juste âgée de 20 ans, rencontrée deux ans plus tôt sur le tournage du film de Robert Bresson, Au hasard, Balthazar. Intellectuelle militante, petite-fille de François Mauriac et étudiante à Nanterre, Anne Wiazemski fait alors découvrir à Godard, de dix-sept ans son aîné, les problématiques estudiantines à l’aube de Mai 68. Personnellement sensible aux questions politiques – et cinématographiquement dès son deuxième film, Le Petit Soldat, traitant de la guerre d’Algérie la même année qu’A bout de souffle – Godard ne tarde pas à se lancer à corps perdu dans l’agit-prop gauchiste, mais sans pour autant perdre son esprit critique. Car si La Chinoise suit les débats au cours des vacances d’été d’un groupe d’étudiants maoïstes, il se conclut malgré tout sur l’échec prévisible de leur velléités révolutionnaires – en passant, notamment, par un clin d’œil bien senti aux Possédés de Dostoïevski à travers le personnage de Kirilov, martyre suicidaire directement importé du roman-fleuve de l’écrivain russe. Un an avant Mai 68, on peut dire que l’ancien réalisateur du Mépris fait alors figure d’oracle. Mais si le propos politique du film, d’abord enthousiaste, finit par se teinter d’amertume, c’est par sa réalisation que Godard se montre alors d’une radicalité véritablement révolutionnaire. A tel point que son cinéma, bientôt abandonné au doute, devra évoluer de façon drastique – comme Godard tentera notamment de l’exprimer dans un court métrage de la même année, Caméra-œil.

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Week-end (1967)

Rage, ironie, révolte. Moins connu que la plupart de ses prédécesseurs des années 1960, Week-end demeure pourtant l’un des films les plus drôles de Godard. Violent, nihiliste, totalement destructeur, le long métrage montre un couple de bourgeois insupportables – criminels par inadvertance et sans le moindre scrupule – jouissivement interprétés par Jean Yanne (dont c’est le premier grand rôle au cinéma, deux ans avant Que la bête meure de Chabrol) et Mireille Darc. Reprenant des textes de Lautréamont ou de Saint-Just (qui resteront d’ailleurs fréquemment cités par le cinéaste), hurlés par un Jean-Pierre Léaud devenu son acteur-fétiche, Godard dépasse ici la dialectique politique de La Chinoise par un mouvement de colère hilare, écrasant tout sur son passage. Débutant sur un travelling de plusieurs minutes passées à contempler un embouteillage aussi absurde que gigantesque (en écho à L’Autoroute du Sud de l’écrivain argentin Julio Cortázar), le film s’affirme comme un carnaval anarchiste, révolté, souvent cruel. D’une liberté de ton proche de celle de Pierrot le fou, mais dont la joie et l’allégresse auraient disparu, cédant le pas à une insoumission brutale et désenchantée. Les années 1960 se finissent en queue de poisson. Et Jean-Luc Godard s’apprête à arrêter le cinéma : l’année suivante, entre fiction et documentaire musical, One + One sera le dernier film qu’il réalisera sous son nom - au moins avant une bonne dizaine d’années…

Lettre à F. Buache (1982)

Mort du cinéma. Refusant jusqu’à son propre patronyme, devenu une marque célèbre risquant de tourner au fonds de commerce, Godard aura préféré passer les années 1970 dans des mouvements de cinéma collectif, d’abord avec le groupe Dziga Vertov (tirant son nom du réalisateur soviétique de L’Homme à la caméra), puis avec Jean-Pierre Gorin et enfin aux côtés de celle qui restera sa compagne à la ville comme derrière la caméra, Anne-Marie Miéville. Expérimentant les possibilités de la vidéo, tentant de détourner la télévision de ses objectifs commerciaux – notamment à travers les séries d’essais documentaires Six fois deux (sur et sous la communication) et France tour détour deux enfants – Godard ne retrouve le cinéma qu’en 1979 avec Sauve qui peut (la vie), puis avec Passion trois ans plus tard. Et encore, loin de se faire en fanfare, ce retour de Godard emprunte des chemins sinueux, souvent plus proches de l’art vidéo que du cinéma classique, dont il considère la mort imminente, notamment face aux contraintes financières qui rendent l’art plus qu’improbable. Il s’en explique notamment dans un court métrage décharné, en forme de relation épistolaire filmique avec un éminent critique de cinéma suisse : Lettre à Freddy Buache. « Toi et moi, on est trop vieux… Et le cinéma va mourir bientôt, très jeune, sans avoir pu donner tout ce qu’il aurait pu donner. Alors il faut aller très vite au fond des choses. Il y a urgence. » La cinquantaine venue, Godard décide alors de se mettre plus fréquemment en scène, jouant sur son propre fantôme, désormais synonyme d’un rêve de cinéma passé. Qui n’a toutefois pas dit son dernier mot.

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Soigne ta droite (1987)

Un désespoir burlesque. Faisant écho à One + One (son film avec les Rolling Stones deux décennies plus tôt), Soigne ta droite emprunte la même structure narrative duelle, alternant séquences de documentaire musical – cette fois sur les Rita Mitsouko, enregistrant leur deuxième album dans leur salon – et fiction symbolique où se croisent de nombreux acteurs comiques français des années 1980 : Jacques Villeret, Dominique Lavanant, Philippe Khorsand, Michel Galabru… Et Godard lui-même dans son rôle le plus drôle : celui d’un double du prince Mychkine (L’Idiot de Dostoïevski – encore lui !) qui ressemble en outre à s’y méprendre au M. Hulot de Jacques Tati. S’il creuse la même veine sarcastique que Week-end, Soigne ta droite en a toutefois perdu la hargne critique et la virulence politique, laissant la place à une poésie nostalgique qui lorgne vers la mythologie, à la fois pleine d’humour et d’une infinie tristesse. Jacques Villeret y trouve l’un de ses meilleurs rôles, servi par une photographie remarquable de Caroline Champetier et quelques séquences aussi surprenantes et grotesques que belles à pleurer – tel ce visage de Villeret en long plan fixe sur fond d’histoire de l’humanité, peu à peu éclairé par le scintillement du soleil levant.

JLG/JLG (1995)

Mélancolie. Continuant de se mettre en scène, Godard opte pour l’autoportrait (plutôt que l’autobiographie) au milieu des années 1990, avec ce film dont il paraît presque l’unique protagoniste. A nouveau, Godard évoque l’Europe, la politique, l’histoire de l’art. Mais s’il livre ses pensées, ses lectures, et se montre dans ses activités quotidiennes (lire, parler, écrire) ce n’est jamais sous l’angle de la confidence, ou de la confession centrée sur elle-même, mais sous la forme d’un essai philosophico-poétique, dont l’apparente âpreté ne représente finalement pas grand-chose, lorsqu’on en sonde la profondeur. Mélancolique mais combatif, son autoportrait a parfois des airs de remise à plat d’un siècle finissant, dont Godard solde les comptes au gré de réflexions (sur l’évolution de la politique européenne, de l’art occidental, de la culture monétisée…) qui, à près de vingt ans de distance, semblent n’avoir rien perdu de leur acuité. Minimal et plutôt méconnu, JLG/JLG (sous-titré Autoportrait de décembre) reste un témoignage incomparable sur la fin d’une culture et d'une carrière. En attendant l’avènement de la suivante. Ou bien, sa résurrection.

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Histoire(s) du cinéma (1998)

La statue du commandeur. Près de quarante ans après ses débuts, Godard aura beaucoup été parodié : c’est qu’il existe indubitablement un « esprit Godard » à la singularité immédiatement reconnaissable. Jeu de collage à entrées multiples, somme de films autour du septième art en guise d’oraison, Histoire(s) du cinéma en symbolise quelques traits : jeu sur les images, les sons, les répétitions. Jeu sur les mots, les sens, les symboles, les thèmes... En huit films d'une cinquantaine de minutes chacun, tournés entre 1988 et 1998, Godard fait le point sur son art, évoquant les femmes au cinéma, la peinture, la Nouvelle Vague, conviant l’incomparable critique de cinéma Serge Daney, se mettant en scène lui-même : parlant, récitant, psalmodiant. Ses Histoire(s) apparaissent ainsi comme un jubilé, un festival, un voyage, une succession de lettres d'amour dans une langue obscure, pythique et sensorielle, pleine des digressions et des métaphores typiques du cinéaste. Montage de centaines d'extraits de films triturés, bidouillés, comparés, l'œuvre n'est pas « explicative » : le film se vit, se traverse, nous traverse. Godard n'a cure des modes d'emploi préétablis. S'il faut réécrire le cinéma et le monde, il le fera comme il n'a jamais cessé de le faire. A travers Histoire(s) du cinéma, Godard ressemble ainsi à la fois à André Malraux et à un Mozart punk, qu’on verrait composer en direct, au fil des ans, cet ultime requiem, qui serait à la fois le sien et celui de son art.

Film socialisme (2010)

Renaître, encore. Résumons donc : génie précoce, gloire immédiate, engagement politique ; puis sabordage, mort de l’art, autoportrait en poète maudit et marche funèbre pour le cinéma et pour lui-même… Au final, il ne restait donc plus à Godard qu’à ressusciter. Ce qu’il fit, cinquante ans après ses débuts, avec cet inattendu Film socialisme, essai en trois parties, tourné en numérique – mais loin des prouesses tape-à-l’œil et de la course à l’échalote technique du cinéma contemporain. Adoptant en effet ce format d’enregistrement longtemps honni (car pour Godard, contrairement à la pellicule, le numérique ne bande pas), JLG le détourne dans une visée résolument low-fi, n’hésitant pas à inclure des séquences filmées au téléphone portable, mêlées aux prises de vue d’un Canon 5D ou à des collages d’archives, de films (dont le récurrent Cuirassé Potemkine d’Eisenstein) et de citations. Cependant, la puissance de Film socialisme ne relève pas seulement de l’évolution technique qui s’y joue. Et c’est au niveau du discours, surtout, que Godard paraît profondément contemporain, abordant des problématiques politiques d’une actualité criante : les plans d’austérité en Europe, l’écrasement économique de la Grèce et de ceux qui s'apprêtent à la suivre, le triomphe d’un néo-libéralisme financier conservateur et sans visage, l’apologie du piratage contre le droit d’auteur dont usent les multinationales de la culture… Godard concluant son film par ces mots : « Quand la loi n’est pas juste, la justice passe avant la loi », suivi du fameux sigle du FBI apposé sur les sites de téléchargement illégal, et d’un lapidaire « No comment ».

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Adieu au langage (2014)

- Elle est retrouvée. - Quoi ? - L'Eternité. A travers son titre comme à travers les idées qu’il lance à la cantonade, Adieu au langage ressemble à une révérence, à une ultime pirouette de Jean-Luc Godard. Et disons-le tout de suite : ce qu’on peut trouver dans cette courte missive d'à peine une heure dix est tout simplement incroyable. D'abord d'un point de vue formel, où Godard paraît inventer une inédite 3D d'auteur, d’une ironie souvent rageuse, jouant avec les nerfs optiques, les perceptions et le psychisme de ses spectateurs. D'autre part, le propos même du film, tour à tour philosophique, funéraire, comique, anarchiste ou scato, ne ressemble en rien à une lettre de démission. Au contraire, Godard se moque de sa propre mort (« Il dit qu’il meure… – Eh bien, qu’il meure ! »), lançant un regard acide, au-delà du désespoir, vers ce qui pourrait finalement constituer, à son sens, un fond possible de l’existence. L’altérité, l’animalité, la société des hommes contre les machines étatiques : voilà quelques-uns des thèmes qui traversent cet Adieu au langage ésotérique, où Levinas croise Mary Shelley, des citations de Marcel Duchamp ou de Pierre Clastres, où l’histoire tragique du XXe siècle trouve des échos façon YouTube dans le regard d’un chien…

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