Films Cultes

Les films cultes préférés des Parisiens

A chacun son film culte !

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Voici le classement des plus grands films cultes des Parisiens, réalisé d'après plus de 2000 votes des lecteurs de Time Out Paris. D''Alien' à 'West Side Story', en passant par 'Scarface', 'Pulp Fiction', 'Taxi Driver', 'Les Demoiselles de Rochefort' ou 'The Big Lebowski', les meilleurs films cultes d'hier et d'aujourd'hui se retrouvent et font la course !

1. Pulp Fiction (1994)

de Quentin Tarantino, avec Uma Thurman, John Travolta, Samuel L. Jackson et Bruce Willis

Sorti il y a déjà vingt ans, ‘Pulp Fiction’ demeure le film-culte par excellence des années 1990. Labyrinthique et ludique, délirant et sexy, bordélique et magistralement maîtrisé, ce deuxième long métrage de Quentin Tarantino apparaît, avec le recul, comme la compilation compulsive d’une cinéphilie folle, réunissant les références pointues (à l’image de cette inoubliable scène de danse sur Chuck Berry, inspirée d’une séquence de ‘Bande à part’ de Godard) et bénéficiant d’un casting à tomber à la renverse, d’Uma Thurman à Bruce Willis, de Samuel L. Jackson à Harvey Keitel, en passant par Tim Roth, Christopher Walken et, évidemment, un Travolta délicieusement classe et has-been. Et encore faudrait-il mentionner sa narration formidablement éclatée, la géniale exubérance de ses dialogues ou la formidable B.O. du film. Bref, tout est beau et bizarre dans ‘Pulp Fiction’, rêverie cinéphage et transgenre, poème en forme de polar acide et chef-d’œuvre imparable de « coolitude ». Au fond, le seul problème de ‘Pulp Fiction’, c’est son caractère indépassable au sein de l’œuvre de Tarantino, auteur d’un des plus grands classiques du cinéma de ces vingt dernières années alors qu’il n’avait que 31 ans. - AP

2. Fight Club (1999)

de David Fincher, avec Brad Pitt, Edward Norton et Helena Bonham Carter

Vous connaissez la règle numéro un du Fight Club ? On ne parle pas du Fight Club. Et comme la règle numéro deux est à peu près la même – « on ne PARLE PAS du Fight Club ! » –, on hésite à vous en entretenir davantage, ne serait-ce qu’histoire d’éviter de vous spoiler le twist final du film de David Fincher, qui, à l’époque, provoqua moultes engueulades à l’heure de l’apéro sur le sens à lui donner. Toujours est-il que sous ses airs (et son titre) de film d’action, ‘Fight Club’ se révèle davantage comme un étonnant thriller psychologique, voire une comédie anticonsumériste, oscillant entre ironie et anarchisme. Adapté du roman éponyme de Chuck Palahniuk publié en 1996, le film organise la rencontre de haut vol d’Edward Norton (alors tout juste sorti d’‘American History X’) en employé déprimé et d’un Brad Pitt qui apparaît au sommet de sa carrière – après avoir enchaîné des réussites comme ‘Entretien avec un vampire’, ‘Seven’ ou ‘L’Armée des douze singes’. Ensemble, ils donneront naissance à un groupuscule de mâles hilares à l’idée de se casser la figure dans des parkings… tout en fomentant de plus sombres desseins. Mais comment on l’a déjà dit : on ne parle pas du Fight Club. On le vit. - AP

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3. Shining (1980)

de Stanley Kubrick, avec Jack Nicholson, Shelley Duvall et Danny Lloyd

Unique film d'horreur mis en scène par le réalisateur d'’Orange mécanique’ et ‘2001 : l'odyssée de l'espace’, ‘Shining’ continue de hanter l'histoire du cinéma par sa violence insidieuse – et finalement sanglante. Le pitch, tiré du célèbre roman de Stephen King, est tout simple : Danny, un jeune garçon, et ses parents passent l'hiver dans une région reculée des Etats-Unis. La petite famille réside pour toute la saison dans un palace, l'Overlook, déjà dévoré par les neiges. Jack Nicholson incarne le papa du petit Danny : un écrivain un peu à la manque, venu chercher le calme et l'inspiration dans les montagnes de glace du Colorado. Coupé du monde, Jack commence à doucement perdre la boule. Et le petit Danny à comprendre que son papa a confondu solitude créative et isolement mental. Kubrick offre ici un rôle ultime à Nicholson (déjà brillant dans ‘Vol au-dessus d'un nid de coucou’), qui montre ici tout son talent d’acteur virtuose, réussissant à jouer la folie sans la singer. Un vrai déraillement mental. Comme une partition, le visage de Nicholson change au cours du film. Se complexifie, se tord… Frissons encore garantis. - HB

4. The Big Lebowski (1998)

de Joel et Ethan Coen, avec Jeff Bridges, John Goodman, Steve Buscemi et Julianne Moore

Né entre le milieu des années 1970 et celui des années 1980, il est plus que probable que vous ayez partagé quelques francs éclats de rire avec les deux anti-héros de cette pochade, pleine d’épaisses vapeurs de weed, des frangins Coen. Au centre du film : Jeffrey Lebowski (Jeff Bridges), dit « le Dude », joueur de bowling invétéré, immense fumeur de spliffs et buveur de White Russians. Autour de lui, paumés à L.A., ses deux potes, le bourru Walter (John Goodman) et le maigrichon Théodore (Steve Buscemi). Bientôt, les trois compères se trouvent embarqués dans les ennuis du Dude, que des malfrats confondent régulièrement avec son homonyme, milliardaire paraplégique (David Huddleston – le big Lebowski du titre, donc), dont on découvre bientôt la femme nymphomane (Tara Reid) et la fille, artiste militanto-barrée (Julianne Moore), qui qualifie ses œuvres de « vaginales ».

Sur un scénario improbable de faux polar aux airs de grand millefeuille (inspiré de la narration de Raymond Chandler pour ‘Le Grand Sommeil’), cette comédie dresse une galerie de portraits décalés auxquels s’entremêlent les délires narcotiques de ce gros branleur de « Dude ».  Plus de quinze ans après sa sortie, ‘The Big Lebowski’ reste l’un des longs métrages marquants des frères Coen, pour la simple et bonne raison qu’ils ont réussi à y retranscrire un archétype d’une immense sympathie : celui du bon vivant fier de l’être, post-hippie placide, amoureux peinard des plaisirs de la vie (fumette, picole, bavardage, jeu et filles dénudées). Comme une sorte de personnage de Blier, mais version US – et définitivement West Coast. - AP

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5. Usual Suspects (1995)

de Bryan Singer, avec Kevin Spacey, Benitio del Toro, Gabriel Byrne et Stephen Baldwin

Sorti en 1995, ce deuxième long métrage de Bryan Singer (passé, depuis, à la réalisation de blockbusters super-héroïques comme ‘Superman Returns’ ou la série des ‘X-Men’) comporte l’un des plus célèbres twists finaux de l’histoire récente du cinéma. Un scénario à tiroirs ultra-chiadé où pullulent d’ingénieux flashbacks, porté par un quintette d’acteurs impeccables (Gabriel Byrne, Benicio del Toro, Stephen Baldwin, Kevin Pollak et, surtout, un incroyable Kevin Spacey dont la carrière démarre véritablement avec ce film) : ‘Usual Suspect’ reste haut la main l’un des thrillers les plus impressionnants de ces 20 dernières années. Et son invisible maître du crime, le grand manipulateur Keyser Söze, un personnage de fiction résolument culte – aussi mystérieux qu’inoubliable. - AP

6. Orange mécanique (1971)

de Stanley Kubrick, avec Malcolm McDowell et Patrick Magee

En 1971, le film culte le plus pop de Kubrick apparaît aussi comme son plus violent. Censuré, retiré des écrans britanniques pendant plus de vingt-sept ans (jusqu’à la mort du cinéaste), cette adaptation du roman d’Anthony Burgess aura fait couler beaucoup d’encre. D’abord à cause de son héros, Alex, jeune homme sans foi ni loi (comme son prénom l’indiquerait d’ailleurs avec un « a » privatif : a-lex, « sans loi »), amateur d’ultraviolence, de Beethoven – pardon : Ludwig van – et de viols collectifs. Pourtant, à bien y regarder, la violence la plus radicale présente au sein du film ne réside pas tant dans les frasques de la bande d’Alex – ses droogies – que dans la punition qui attend le délinquant une fois que tout le monde l’aura lâché. Emprisonné, le personnage incarné par l’inoubliable Malcolm McDowell se retrouve alors réduit à l’état de cobaye, à la psyché manipulée et torturée par les autorités. Violence individuelle contre violence d’Etat. Folie contre répression. Au fond, la profonde subversion d’‘Orange mécanique’ ne vient pas tant de ses personnages, ou de son esthétisation de la violence (visuelle mais aussi sonore, avec l'inoubliable musique de Wendy Carlos au Moog). Elle vient surtout de l’omniprésence du mal, à tous les échelons d’une société où les victimes n’attendent que de devenir bourreaux à leur tour, dans une spirale de violence qui les dépasse tous. Comme quoi, depuis Kubrick, le noir est une couleur pop. - AP

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7. Le Parrain (1972)

de Francis Ford Coppola, avec Marlon Brando, Al Pacino, Diane Keaton et James Caan

Ah, replonger dans les torpeurs et les fièvres de la famille Corleone... Plus subtil que ‘Les Affranchis’, presque moins sanglant que ‘Scarface’, le chef-d'œuvre de Coppola offre au public une saga ultra-violente où l’on suit une mafia italienne en pleine perte de contrôle face à un marché noir qui la dépasse. Les codes d'antan s'usent, désormais caducs. L’ancien respect entre les familles est bafoué, doublé par la progéniture du Parrain (Marlon Brando), elle-même motivée par la vengeance immédiate. Seul Michael (Al Pacino) sort du lot. Celui que l'on a écarté de tout le système, et qui ne se destinait pas à embrasser cette carrière trop particulière, se retrouve pourtant bientôt les mains plongées dedans. 'Le Parrain' est un film qui parle d'hier et d'aujourd'hui, de l'usure d'une passation des pouvoirs entre les membres d'un clan que tout finit par séparer. Une intrigue digne des Médicis et l’un des plus grands films américains jamais réalisés. - HB

8. Star Wars : episodes IV, V, VI (1977-83)

de George Lucas, Irvin Kershner et Richard Marquand, avec Mark Hamill, Harrison Ford et Carrie Fisher

Chef-d’œuvre d’ingéniosité et de créativité, la première trilogie ‘Star Wars’ est, avant toute question de réussite commerciale et de produits dérivés, le succès d’un réalisateur ingénieux. Le premier volet de la saga familiale des Skywalker, tourné avec un budget ridicule par un réalisateur de films indépendants, projeté aux producteurs rehaussé d’images de films de guerre faute d’effets spéciaux pour la grandiose séquence finale, n’aurait, sur le papier, jamais dû rencontrer un tel succès. Avant sa sortie, George Lucas lui-même ne croyait plus en cette épopée de cape et d’épée complètement bricolée qui deviendra finalement le premier blockbuster à parcourir l’hyperespace. Un tel succès, bien sûr, n’aurait jamais pu voir le jour sans une profondeur d’écriture insaisissable au premier abord. Citant Kurosawa à de multiples reprises, s’inspirant de Tolkien et de H. G. Wells pour créer l’ensemble de personnages et de machines parcourant son monde merveilleux, Lucas poussera l’immersion à un degré tel que l’ordre Jedi est aujourd’hui reconnu comme la sixième religion d’Angleterre. Une preuve de plus du succès de ‘Star Wars’ bien au-delà des chiffres. Seul Lucas y trouvera finalement à redire, voire à maugréer. Peiné par tant de difficultés à mettre sa trilogie en boîte, le réalisateur ne touchera plus une caméra, de l’épisode IV (le premier de la première trilogie, en 1977) jusqu’au tournage de l’épisode I… en 1999. - AP

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9. Trainspotting (1996)

de Danny Boyle, avec Ewan McGregor, Johnny Lee Miller, Robert Carlyle et Ewen Bremner

Certainement l’une des bandes originales de film les plus excitantes des années 1990, celle du long métrage de Danny Boyle (inspiré du livre éponyme d’Irvine Welsh) resta sur les platines CD des ados d’alors pour un bon bout de temps. Iggy Pop, Primal Scream, Elastica, Lou Reed, Blur, Pulp, Brian Eno, New Order… A 17 ans, c’est sûr, ça vous marque. D’autant que le film culte de Boyle, en lui-même, n’est pas sans quelques scènes assez traumatisantes – si on vous dit « celle de la noyade dans les chiottes » ou « du bébé au plafond », ça doit bien vous rappeler quelque chose. Suivant le quotidien d’un groupe de jeunes toxicos à Edimbourg, qui passent leur temps à picoler, se défoncer ou à regarder passer des trains (d’où le titre du film), ‘Trainspotting’ est aussi ce film qui rendit célèbre Ewan McGregor (qu’on ne présente plus), Robert Carlyle (qui enchaînera, l’année suivante, avec le premier rôle de ‘The Full Monty’) et Jonny Lee Miller, aujourd’hui interprète d’un Sherlock Holmes en rehab dans la série à succès ‘Elementary’. A noter d’ailleurs qu’en septembre dernier, Danny Boyle a annoncé une suite à ‘Trainspotting’, vingt ans plus tard, avec les mêmes personnages (et les acteurs d’origine !) et toujours tiré d’un roman de Welsh, dont elle reprendrait le titre : tout simplement ‘Porno’. - AP

10. Requiem for a dream (2000)

de Darren Aronofsky, avec Jared Leto et Jennifer Connelly

Après ‘Trainspotting’, ‘Requiem for a Dream’ constitue sans doute le film essentiel traitant de la drogue au cours des vingt dernières années. Trois jeunes New-Yorkais, Harry (Jared Leto), sa petite amie Marion (Jennifer Connelly) et son pote Tyrone (Marlon Wayans) sont consommateurs réguliers d’héroïne. De son côté, Sara, la mère de Harry, est quant à elle accro… à la télévision ! « Splendeurs et misères des toxicomanes » : après avoir réussi à monter leur petit business de revente de drogues, les trois compères vont peu à peu s’enfoncer dans les cercles de l’enfer de l’addiction, de la déchéance physique et mentale et du désespoir… Jusqu’où ? On se gardera bien de vous le révéler. Sachez toutefois que ce deuxième long métrage de Darren Aronofsky (qui fit suite au remarquable thriller ésotérico-matheux ‘Pi’) n’est pas sans quelques séquences chocs, portées par le rythme trépidant d’un montage aux tendances épileptiques – les scènes de shoot, en particulier, peuvent avoir une dimension hypnotique. Un film virtuose, parfois éprouvant, inspiré du roman halluciné de l’Américain Hubert Selby Jr., qui apparaît d’ailleurs dans ‘Requiem for a Dream’ pour un caméo non dénué d’ironie. - AP

11. Retour vers le futur (1985-90)

de Robert Zemeckis, avec Michael J. Fox, Christopher Lloyd et Emma Thompson

Il suffit de voir l’engouement démesuré suscité par la date du 21 octobre 2015 pour constater la popularité de la trilogie ‘Retour vers le futur’. Anciennes critiques exhumées, projections façon grand spectacle des films au Grand Rex et au Palais des congrès, articles innombrables autour de la saga (sur la DeLorean, les baskets auto-laçantes ou le hoverboard) : l’écho médiatique est à la hauteur du degré de culte voué à l’œuvre de Robert Zemeckis. Il faut dire que les deux premiers films ont trouvé une formule épatante : ce duo Marty McFly et Doc, dont les allers-retours dans le temps portent l’empreinte géniale du producteur Spielberg.

En jouant sur les deux tableaux passé/présent, puis présent/futur, Robert Zemeckis ne cesse de titiller le spectateur et sa connaissance de l’histoire. Dans le passé, c’est une séquence d’anthologie qui montre Marty en train « d’inventer » le rock ’n’ roll pour le rendre à Chuck Berry (heureusement), tandis que dans le futur, le film s’amuse à imaginer la destinée du monde, le nôtre, celui de 2015, à coups de voitures volantes et de robots serveurs. Des idées certes excitantes mais bien loin de la réalité, puisque c’est un truc qui s’appelle Internet qui a changé notre vie. - EC

12. Taxi Driver (1976)

de Martin Scorsese, avec Robert De Niro, Jodie Foster et Harvey Keitel

Drame psychologique et film culte par excellence, ‘Taxi Driver’ a inspiré une myriade de réalisateurs, notamment en Europe. On suit Travis Bickle, tapis dans l'ombre d'une bagnole, vétéran du Vietnam encore bien jeune, mentalement instable, pathologiquement insomniaque et chauffeur pour une compagnie de taxis. Chaque nuit, voulant tromper l'ennui, il explore un peu malgré lui la faune crasse du New York des « late seventies ». Traîne dans les cinés porno à deux dollars l'entrée. Tous les soirs, imagine-t-on, son cœur se soulève, écœuré par le théâtre morbide de la rue, des crimes crapuleux, jusqu'à ce que son esprit bascule. Dénonciation claire des impacts psychologiques provoqués par la guerre sur la conscience des soldats, ‘Taxi Driver’ raconte, aussi, l'histoire d'un homme qui, à l'origine, ne voulait plus être dupe du monde qui l'entoure. - HB

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13. Monty Python : Sacré Graal ! (1975)

de Terry Gilliam et Terry Jones, avec les Monty Python

Dans ce long métrage réalisé par les deux meilleurs Terry de l'histoire (Terry Jones et Terry Gilliam), l'absurde a le rôle principal, porté en répliques folles ou en comique de situation. Le roi Arthur imaginé par les Monty Python est un couard qui court après son graal, entouré d’une véritable troupe de branques. Pardon, de chevaliers. En plein Moyen-Age, les paysans testent l'inflammabilité d'une femme, les Français attaquent les Anglais à coup de vaches et de poulets lancés du haut d'un château, le monstre des cavernes est un léporidé assoiffé de sang… Bon, chacun ses vues sur le long métrage : certains ont longtemps jugé l'amoncellement de gags un tantinet lourd et redondant. Mais la troupe britannique des Monty Python peut se vanter de n'avoir jamais trouvé de remplaçants, voire d'héritiers directs. D’ailleurs, replongez-vous tout simplement dedans ; vous verrez, vous ne résisterez pas ! - HB

14. Le Bon, la brute et le truand (1968)

de Sergio Leone, avec Clint Eastwood, Eli Wallach et Lee Van Cleef

Couronnant en beauté une trilogie formée par 'Pour une poignée de dollars' puis 'Et pour quelques dollars de plus', 'Le Bon, la Brute et le Truand' s'affirme comme le meilleur de la trilogie de Sergio Leone. Musique grandiose (signée Ennio Morricone, évidemment), interprètes à leur apogée, contexte historique de la guerre de Sécession : tout contribue ici à faire du film un classique absolu. La paire jouée par Clint Eastwood et Lee Van Cleef voit ici un troisième larron les rejoindre, interprété par l'excellent Eli Wallach, ce qui permet de relancer une relation un peu « déjà-vu ». C'est d'ailleurs toute la mise en scène de Sergio Leone, et jusqu'au titre du film, qui décide de briser explicitement les codes du western de l'époque, allant bien au-delà de ses précédents films. N’est-ce pas, Blondin ? - EC

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15. Psychose (1960)

d'Alfred Hitchcock, avec Anthony Perkins, Janet Leigh et Vera Miles

Dépassant tous les genres, les cadres, les catégories, 'Psychose' est l'un des plus grands coups de maître d'Hitchcock, et une référence absolue dans l'histoire du cinéma. Le film commence sur le mode policier, où l'on suit Marion Crane (Janet Leigh), une secrétaire criminelle qui tente de s'enfuir avec le fric de ses patrons (en même temps, on la comprend). Autrement dit, la paranoïa et la culpabilité de la jeune femme sont au centre de la première partie du film. Jusqu'au moment où elle fait halte dans une pension tenue par un type franchement chelou, devenu une figure mythique de la culture populaire : Norman Bates (Anthony Perkins), archétype du serial-killer œdipien.Sa grande modernité, le film la partage avec ‘L’Avventura’ d’Antonioni, sorti la même année : elle se joue au niveau d'une narration rompue, brisée, qui laisse le spectateur pantois et désorienté. Puisqu'en effet, 'Psychose' change de personnage principal en cours de route, abandonnant le cadavre de Janet Leigh au carrelage d'une salle de bains, pour s'attacher Bates et sa folie meurtrière. Il y aurait beaucoup à dire sur l'interprétation impressionnante de Perkins, sur le sentiment de malaise distillé par Hitchcock dans un simple champ-contrechamp, et, bien sûr, à travers la mythique scène de la douche – certainement l'une des séquences les plus célèbres du cinéma mondial, mélange d'érotisme voyeur (tout à fait hitchcockien, donc) et de violence esthétisée. A elle seule, la scène prit quasiment un tiers du temps de tournage. Aujourd'hui, les hommages et références à 'Psychose' – à commencer par le 'Halloween' de John Carpenter – ne se comptent plus. Adorateur du film, Gus Van Sant en a même fait un remake, tout à fait dispensable. Et pourtant, ‘Psychose’ continue de donner l’impression de pouvoir être redécouvert, ou au moins savouré à nouveau, à chaque visionnage. Bref, un film qui tue. - AP

16. Le Père Noël est une ordure (1982)

de Jean-Marie Poiré, avec Anémone, Thierry Lhermitte, Gérard Jugnot, Marie-Anne Chazel, Christian Clavier, Josiane Balasko et Bruno Moynot

On ne sait plus vraiment si on doit continuer à citer ‘Le Père Noël est une ordure’ comme référence absolue des films de Noël. Mais faire l'impasse dessus reviendrait à commettre une faute quasi inavouable, cette comédie demeurant sans doute la pièce maîtresse de la troupe du Splendid. Ce huis clos entre maboules de premier choix et pauvres bougres au siège « d'SOS détresse-amitié » continue de débarquer tous les ans avec sa dinde, ses boules (de Noël) et ses jacasseries de réveillon. Autant s'y résoudre, on ne se débarrassera (heureusement !) jamais de Zézette et de son Félix, de Pierre et de sa Thérèse, de madame Musquin et de son ascenseur, de monsieur Preskovitch et de ses doubitchous... Nous, on s'arrêtera là : on vous laisse finir, c'est offert de bon cœur. - HB

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17. The Dark Knight (2008)

de Christopher Nolan, avec Christian Bale, Heath Ledger, Aaron Eckhart et Michael Caine

Dans ce deuxième volet de la trilogie de Batman pensée par Christopher Nolan, on trouve un Christian Bale nettement plus subtil dans son jeu (et mieux dirigé) que dans 'Batman Begins', qui doit affronter la peste et le choléra nichés dans une seule et même personne : le Joker, le méchant par excellence, l'ennemi qui désire voir le monde s'effondrer, brûler comme un feu de paille. 'The Dark Knight' a par ailleurs donné de la complexité et de la noirceur aux personnages imaginés par Bob Kane. Des héros bloqués, ralentis, en plein échec. Quant à Nolan, il a su trouver une voie intelligente vers une forme étonnante d'hyper-réalisme. Quelques années plus tard, on reste toujours scotché devant la brillante mise en scène de ‘The Dark Knight’, chronique d'une démence. - HB

18. Le Silence des agneaux (1991)

de Jonathan Demme, avec Anthony Hopkins, Jodie Foster et Ted Levine

Face-à-face de Clarice Starling (Jodie Foster), jeune recrue du F.B.I, et du psychiatre anthropophage Hannibal Lecter (Anthony Hopkins). Des très nombreuses adaptations mettant en scène le personnage d’« Hannibal le cannibale » créé par Thomas Harris, le film de Jonathan Demme reste sans comparaison celui qui aura le plus marqué les esprits. D’abord par le jeu de ses acteurs principaux (qui récolteront un Oscar chacun), mais aussi à travers son climat malsain, sombre et inquiétant – loin du grand guignol assez raté de sa suite, ‘Hannibal’, où Jodie Foster se verra remplacée par Julianne Moore sur un scénario nettement moins convaincant. Traquant un dépeceur de jeunes filles surnommé Buffalo Bill, notre héroïne a ici recours à l’aide du terrible docteur Lecter, emprisonné sous haute surveillance, qui se révèle être le seul à pouvoir véritablement analyser la personnalité du tueur en série. L’un des films les plus angoissants du début des années 1990 et une référence qui aura contribué à relancer le genre du thriller au crépuscule du XXe siècle. - AP

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19. Le Seigneur des anneaux (2001-03)

de Peter Jackson, avec Elijah Wood, Ian McKellen, Viggo Mortensen, Orlando Bloom et Sean Astin

Tout le monde pensait la fameuse trilogie de J.R.R. Tolkien impossible à adapter en film. Ce n’est donc pas un hasard si les premiers essais furent réalisés en dessin animé à la fin des années 1970. Mais les progrès exponentiels des effets spéciaux numériques dans les années 1990 permettent aux cinéastes de rêver du ‘Seigneur des anneaux’ avec des acteurs en chair et en os. Parmi les candidats, Peter Jackson fait partie des plus sérieux : sa connaissance des effets spéciaux, autant « à l’ancienne » que modernes, son talent indéniable pour mêler le fantastique aux intrigues les plus concrètes, ainsi que sa capacité à soulever les montagnes lui valent finalement d’adapter le livre à partir de 1999.

Un travail titanesque de sept années commence alors, pour un résultat dépassant largement les espérances de fans d’heroic fantasy souvent très critiques vis-à-vis des adaptations. Le grand public, lui, est tout aussi conquis par le souffle épique transmis par Peter Jackson et les comédiens, dont l’attachement aux personnages se ressent à chaque instant. Tout un symbole, la nouvelle trilogie ‘Star Wars’ de George Lucas paraît presque simultanément au cinéma et souffre de la comparaison sur tous les plans. Effets spéciaux, narration, mise en scène, casting, respect de la franchise : victoire par K.O. de Peter Jackson, qui remportera plus d’une trentaine de prix à travers le monde, dont l’oscar du meilleur film pour ‘Le Retour du roi’. - EC

20. C'est arrivé près de chez vous (1992)

de et avec Rémy Belvaux, André Bonzel et Benoît Poelvoorde

Projet de fin d'études de cinéma tourné avec trois bouts de ficelle, embardée potache entre potes, 'C'est arrivé près de chez vous' fut une bien belge et impressionnante surprise, et reste l'un des films francophones les plus cultes des années 1990. Porté par un Benoît Poelvoorde décapant pour sa première apparition à l’écran, faisant preuve d'un humour noir d'une violence inouïe, le long métrage de Rémy Belvaux et André Bonzel comporte quelques scènes d'anthologie, parmi lesquelles le fameux cocktail du "Petit Grégory" (rappel : une larme de gin, une rivière de tonic et une olive attachée à un morceau de sucre), une scène de dîner d'anniversaire aussi glauque qu'explosive et, surtout, les longs monologues digressifs et provocateur du tueur en série Ben (Poelvoorde, génialement cynique). Un monument d’humour noir. - AP

21. Drive (2011)

de Nicolas Winding Refn, avec Ryan Gosling et Carey Mulligan

Ce neuvième film du Danois Nicolas Winding Refn a occasionné bien des débats. Enfumeur ou créateur génial ? A la recherche d’un équilibre narratif inédit ou d’une simple esthétisation eighties de la violence ? Sorti en 2011, le long métrage a surtout décidé du sort de son héros incarné par Ryan. Gosling, oui. L'acteur canadien a été promu sur le devant de la scène, bénéficiant d’une espèce d'enchantement autour de sa personne. Mitaines de cuir noir aux mains, un cure-dent dans la bouche, il fait vrombir sa Chevrolet Impala sans mot dire. Et laisse le charme opérer. Tout le monde a adoré ce héros maudit, qui veut protéger sa voisine (une douce Carey Mulligan) et son fils d'une menace évidente, sortir son mari de la situation périlleuse dans laquelle il s’est fourré, à pas de loup parfois, en faisant jaillir du sang, souvent. Dans ce film culte qui évolue entre contemplation et violence directe, Winding Refn fait avancer son protagoniste comme un ange muet, auréolé d'une superbe mise en scène, subtile et silencieuse. - HB

22. Les Tontons flingueurs (1963)

de Georges Lautner, avec Lino Ventura, Bernard Blier et Francis Blanche

On voudrait pas faire de l'Audiard, mais ce huitième long métrage de Lautner, il est quand même arrivé à point : cuit, rôti, mijoté avec les meilleurs morceaux du cinéma français. Pour sûr, un casting à vous faire pâlir comme une endive belge. Sans vouloir affirmer qu'autrefois c'était mieux, faut dire qu'on prenait le temps de pianoter les répliques. On faisait ses gammes à l'abri du bruit et des pressions financières, on potassait, comme on dit maintenant. Fallait pas pondre des répliques avec Lautner, plutôt imaginer des ripostes. On avait « les mains sur la table. On avait la puissance de feu d'un croiseur et des flingues de concours. » C’était des boulets de canon qu'on voulait envoyer au spectateur. Surtout, « les tontons », fallait qu'ils donnent envie de picoler et de bien bouffer. La pègre, ça n'a rien de déprimant, c'est juste un gros jeu de massacre et m'sieur Fernand, c'est le patron devant l'Eternel. Compter les biftons puis filer des baffes. Y a pas à dire, à l'époque, on savait mitrailler du palais, donner du vocabulaire. Maintenant, trouver un bon scénariste, « ça devient plus rare qu'une femme de ménage » comme dirait madame Mado. Au moins, les gangsters d'autrefois, ils savaient s'exprimer. C'est même à ça qu'on les reconnaît. - HB

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23. Scarface (1984)

de Brian De Palma, avec Al Pacino et Michelle Pfeiffer

Pendant des années, Tony Montana, le trafiquant de drogue le plus célèbre du septième art brillamment interprété par Al Pacino, en a inspiré plus d'un, des rappeurs aux créateurs de jeux vidéo jusqu'aux street artists… et même certains chefs d'entreprise. On dit que la performance surexcitée, dopée, de l’acteur serait inspirée par la personne du roi Richard III. Mais ce qu’il faut savoir, c’est que ‘Scarface’ est le remake du film homonyme d'Howard Hawks, réalisé en 1932 et relatant le parcours de Tony Camonte, mafieux italo-américain. Film qui serait apparemment le premier du genre. Reste que le ‘Scarface’ de De Palma est aujourd’hui le plus mythique. - HB

24. Les Valseuses (1974)

de Bertrand Blier, avec Gérard Depardieu, Patrick Dewaere, Miou-Miou et Isabelle Huppert

Eternel débat : comment ce film, qui a horrifié la France pompidolienne à sa sortie, a réussi à s'affirmer comme immensément plus fin qu'il n'en a l'air. Si les longs métrages traitant de sexualité décomplexée sont nombreux, chez Blier, ce thème n’en est que le vernis. Le réalisateur voulait, grâce à son roman, puis à son adaptation à l'écran, parler d'une France pétulante et primesautière, qui fait sa « Révolution » par le biais de subversions individuelles, Jean-Claude (Gérard Depardieu) et Pierrot (Patrick Dewaere) expérimentant une sexualité secouant les bonnes mœurs, démontant réellement la société au motif qu'il n'y a qu'une vie pour exister. Alors c'est beau d'être décontracté du gland, mais c'est encore plus beau quand on réussit à le faire croire pour de vrai, et c'est ce qui fait la force des ‘Valseuses’. On y croit, dur comme fer. - HB

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25. Old Boy (2003)

de Park Chan-wook, avec Choi Min-sik, Yu Ji-tae et Kang Hye-jeong

Adapté d’un manga de Garon Tsuchiya et Nobuaki Minegishi publié au Japon à la fin des années 1990, ce cinquième long métrage de Park Chan-Wook, deuxième volet de sa trilogie de la vengeance (entre ‘Sympathy for Mister Vengeance’ et ‘Lady Vengeance’), fut une jolie claque lors de sa sortie en 2003, prouvant combien la nouvelle vague du cinéma sud-coréen pouvait, en matière de thriller, concurrencer les meilleurs films de genre américains. Après quinze ans de séquestration sans raison apparente, un père de famille rageur décide de traquer le mystérieux commanditaire de son enlèvement. D’une cruauté digne d’une tragédie antique, mêlant manipulation, hypnose et soupçons incestueux, ‘Old Boy’ s’affirme d’une virtuosité implacable sur le plan de la réalisation, jouant sur les codes de l’horreur, de la traque, mais aussi sur un humour noir où violence trash et grotesque froid se répondent jusqu’à créer chez le spectateur un mélange assez inédit de jubilation et d’inconfort. L’une des pierres angulaires du renouveau de cinéma sud-coréen – et sans doute aussi la première fois qu’on voit le héros d’un film dévorer un poulpe vivant… - AP

26. The Rocky Horror Picture Show (1975)

de Jim Sharman, avec Tim Curry, Susan Sarandon et Barry Bostwick

Si certains n’hésitent pas à qualifier ‘The Rocky Horror Picture Show’ de « film le plus culte de tous les temps », c’est sans doute en raison du fameux rituel qui a coutume d’accompagner depuis des décennies ses projections en salles. A Paris, c’est au Studio Galande (dans le 5e) que, depuis plus de trente ans, les aficionados du film de Jim Sharman viennent se délecter de cette comédie musicale reine des séries B, mêlant horreur, science-fiction, kitsch glam, mauvais goût délibéré et second degré transgenre. Offrant à Susan Sarandon l’un de ses tout premiers rôles au cinéma, le film fut décrié à sa sortie pour son intrigue sans queue ni tête (enfin, surtout sans tête), ses effets cheap et ses multiples connotations sexuelles. Pourtant, quelques-unes de ses mémorables chansons (« The Time Warp », « Touch-a, Touch-a, Touch-a, Touch Me »), repris en chœur par ses spectateurs hilares firent du ‘Rocky Horror Picture Show’ – RHPS pour les intimes – l’un des films essentiels, et parmi les plus décalés, des années 1970. - AP

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27. Grease (1978)

de Randal Kleiser, avec John Travolta, Olivia Newton-John et Stockard Channing

Un an après ‘La Fièvre du samedi soir’, qui révéla au grand public le déhanché disco (et le slip en contre-plongée) de John Travolta, ‘Grease’ ressemble à une sucrerie délicieusement idiote et vintage, sortie en 1978, mais résolument tournée vers l’âge d’or US des années cinquante – de la même manière que ‘American Graffiti’ de George Lucas lorgnait, en 1973, vers le début des sixties. Alors… réactionnaire, ‘Grease’ ? Non, rassurez-vous. Adapté de la comédie musicale homonyme de Jim Jacobs et Warren Casey, créée à Broadway en 1972, ‘Grease’ évoque plutôt l’insouciance de la série télé ‘Happy Days’ ; d’ailleurs, avant que John Travolta n’endosse le rôle de Danny Zuko, étudiant grande gueule et faux dur au grand cœur, c’est Henry Winkler (l’interprète du fameux Fonzy de ‘Happy Days’) qui était pressenti pour le rôle. Face à Travolta, donc, une pétillante Olivia Newton-John interprète Sandy (« Sa-an-dy ! »), son amour de vacances qu’il retrouve à la fac et dont le chassé-croisé amoureux débouchera sur une fête foraine qui donnerait presque envie de refaire un tour d’auto-tamponneuses. Tout en fredonnant des chœurs doo-wop. - AP

28. Brazil (1985)

de Terry Gilliam, avec Jonathan Pryce, Robert De Niro et Kim Greist

Remarquablement imaginatif, totalement surréaliste, le film culte de Terry Gilliam décrit la lente descente aux enfers d’un modeste fonctionnaire rêvasseur, pris au piège d’une société absurde et totalitaire. Décharnant le ‘1984’ d’Orwell (massacré quelques années plus tard par Michael Radford), évoquant le ‘Docteur Folamour’ pour le rôle de Michael Palin et l’adaptation du ‘Procès’ de Kafka par Orson Wells, citant ‘Casablanca’ et ‘Metropolis’, ‘Brazil’ développe une esthétique que l’on retrouvera dix ans plus tard chez plusieurs très grands noms du cinéma en devenir : Tim Burton, le duo Caro/Jeunet, ou les frères Coen pour ‘Barton Fink’ et ‘Le Grand Saut’. Non content de poser les bases de ce qui deviendra également le mouvement steampunk (quoi qu’on pense de celui-ci), Gilliam, en moquant le totalitarisme, dresse également un remarquable portrait des craintes quotidiennes sous l’ère Thatcher. Les rêves mécaniques de Lowry, borne de départ onirique du film, rappellent les espoirs ouvriers brisés par une Angleterre qui n’a pas manqué de réaliser sa prophétie : presque aussi froide et anxiogène que les décors du film, gigantesques et pourtant fermés. Un cauchemar devenu réalité ? - AP

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29. Las Vegas Parano (1998)

de Terry Gilliam, avec Johnny Depp, Benitio del Toro et Tobey Maguire

« On avait 2 sacs bourrés d’herbe, 75 plaquettes de mescaline, 5 feuilles complètes d’acide en buvards, une salière à moitié pleine de cocaïne, une galaxie multicolore de remontants, sédatifs, hilarants, larmoyants, criants, en plus une bouteille de tequila, une bouteille de rhum, une caisse de bière, un demi-litre d’éther pur et deux douzaines de Poppers. Non qu'on ait eu besoin de tout ça pour le voyage mais quand on démarre un plan drogue, la tendance, c'est de repousser toute limite. » C'est dire combien cette adaptation d'Hunter S. Thompson par l'ex-Monty Python Terry Gilliam, starring Johnny Depp et Benicio del Toro, s'est d'emblée revendiquée comme l'un des plus grands films de stoners. Une chevauchée fantastique jusqu'au tréfonds de la défonce... capable de vous faire sévèrement bad-tripper à grands coups de chauves-souris géantes ! - AP

30. Alien, le huitième passager (1979)

de Ridley Scott, avec Sigourney Weaver, John Hurt, Ian Holm et Tom Skerritt

Ceux qui, à sa sortie, ont reproché à ‘Alien’ son apparent manque d’action n’avaient précisément rien compris à son génie. Dès le générique, qui déroule lentement mais inexorablement des barres obliques pour former le mot “Alien”, on perçoit déjà la menace indicible qui pèse sur le Nostromo. Et c’est justement parce que ces premières quarante-cinq minutes du film - que certains trouvèrent donc ronflantes - s’attardent sur les tâches quotidiennes de l’équipage du vaisseau spatial qu’une angoisse pérenne s’installe. Et, lorsque la tension éclate enfin, le rythme du film tourne à la crise d’épilepsie sous cocaïne. L’argument d’’Alien’ est simplissime mais implacable : une bête très grosse, très méchante, et surtout très visqueuse, se retrouve à bord d’une navette : techniquement, il n’y a donc non seulement personne pour vous entendre crier, mais aucun moyen de vous échapper non plus. La meilleure scène du film reste sans doute celle où un monstre visqueux s’éjecte violemment de l’estomac du capitaine du vaisseau, invoquant à la fois l’imagerie du viol et de l’accouchement. Car ‘Alien’, avec force symboles phalliques et métaphores sur l’enfantement, est aussi une puissante critique féministe, incarnée à l'écran par Sigourney Weaver, figure de proue des héroïnes badass au cinéma. Lors du tournage de cette première scène d’action, bouclée en une seule prise, les acteurs ne savaient d'ailleurs pas à quoi s’attendre, et leur stupeur écoeurée dut être à peu près la même que celle du spectateur. Ajoutez à ces accès de violence une ambiance moite et claustrophobe, des éléments visuels futuristes et quasi-visionnaires, et vous obtenez simplement l’un des meilleurs films de science-fiction jamais réalisés. - Anaïs Bordages

31. La Classe américaine (1993)

de Michel Hazanavicius et Dominique Mézerette

Réalisé pour Canal +, le film-patchwork de Dominique Mézerette et Michel Hazanavicius est un parfait exemple audiovisuel de l'expression « Fallait y penser ». Choper les meilleures scènes des meilleurs films de l'âge d'or d'Hollywood, jouées par des acteurs de légende comme Robert Redford, Paul Newman, Dustin Hoffman, Orson Welles, Lauren Bacall... Et leur faire dire des perles. Avec les voix de doublage françaises officielles, s'il vous plaît. Certains doutent encore de l'existence d'un quelconque scénario. Qu’importe, ‘La Classe américaine’ est avant tout un génial exercice de style parodique. Film ludique sur le cinéma, teinté d'une bien belle nostalgie, on préviendra quand même les fous de sport : ceci n'est pas un flim sur le cyclimse. - HB

32. Rosemary's baby (1968)

de Roman Polanski, avec Mia Farrow et John Cassavetes

Un déménagement, ce n’est jamais facile. Mais quand en plus les voisins d’en face sont un couple de satanistes octogénaires bien décidés à vous faire porter l’enfant du diable, c’est encore moins marrant. Ambiance claustrophobe, onirisme menaçant et paranoïa latente caractérisent cette première réalisation hollywoodienne de Roman Polanski, adaptation du roman d’Ira Levin paru un an plus tôt. Après ‘Répulsion’ et avant ‘Le Locataire’, le film s’inscrit dans une trilogie sur l’horreur quotidienne de la vie en appartement : ainsi, dans la prison dorée des Woodhouse, le tic-tac de l’horloge se fait de plus en plus oppressant, tandis que les murs, immaculés, paraissent de plus en plus étroits. Le ton, d'une angoisse sournoise, est donné dès les premières secondes du générique, lorsque la voix de Mia Farrow retentit, fredonnant un air mi-innocent, mi-inquiétant – le désormais célèbre “Lullaby”. Car si l’horreur se manifeste à plusieurs reprises – notamment lorsque Rosemary se fait violer par le diable en personne –, les scènes les plus glaçantes sont en fait les plus ordinaires : lorsqu’on assiste à la désintégration progressive du couple formé par Mia Farrow et John Cassavetes, alors que la grossesse de Rosemary, elle, progresse comme une véritable bombe à retardement. Réalisé en 1968, le film de Polanski est resté dans les mémoires pour sa capacité à brouiller la frontière entre fantastique et psychologique, mais aussi pour avoir ouvert la voie au genre des thrillers sataniques, suivi par ‘La Malédiction’ ou ‘L’Exorciste’. - AB

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33. Apocalypse Now

de Francis Ford Coppola, avec Marlon Brando, Robert Duvall et Martin Sheen

Sous ses évidents airs de film de guerre, ‘Apocalypse Now’ est avant tout le récit d’une chasse à l’homme – et pas n’importe lequel, puisqu’il s’agit de l’immense Marlon Brando, massif quinquagénaire au crâne rasé, alors tout juste sorti des deux succès que furent ‘Le Parrain’ et ‘Le Dernier Tango à Paris’. Ici, Brando incarne le colonel Kurtz, barbouze aux méthodes violentes et sauvages, retiré au fin fond de la jungle vietnamienne où il a pris la tête d’un groupe d’indigènes. Chargé d’éliminer ce militaire franc-tireur, le capitaine Willard (Martin Sheen) doit remonter le fleuve avec un petit groupe de soldats. Mais au-delà de son suspense pesant et poisseux et de la performance – pourtant mémorablement courte – de Brando, c’est l’atmosphère détraquée et absurde d’une guerre sans but ni stratégie qui restent dans les mémoires, portée par une bande originale mêlant les Rolling Stones, les Doors (pour leur fameux ‘The End’) et Richard Wagner (et sa non moins fameuse ‘Chevauchée des Walkyries’). En outre, le tournage demeure dans les annales comme l’un des plus éprouvants de l’histoire du cinéma : Coppola y perdit plus de 40 kilos, Martin Sheen fit un infarctus, un typhon balaya le plateau, le budget dut passer de 17 à 30 millions de dollars… Une œuvre culte, cramée au napalm, qui porte extrêmement bien son titre. - AP

34. Mulholland Drive (2001)

de David Lynch, avec Naomi Watts et Laura Elena Harring

Sans conteste l’un des meilleurs thrillers psychologiques, mais aussi, tout simplement, l’un des plus grands films cultes produits depuis le début des années 2000, ‘Mulholland’ Drive’ représente l'un des sommets de la carrière, alors déjà assez vertigineuse, de David Lynch. Originellement destiné à constituer le pilote d’une série (très vite refusée par la chaîne de télé américaine ABC qui l’avait commandée), ‘Mulholland Drive’ a donné lieu à une multitude d’interprétations, parfois à la limite de la maniaquerie fétichiste. Grand prince de l’ouverture, Lynch, quant à lui, se serait laconiquement contenté de présenter son film comme « une histoire d’amour dans la cité des anges ». Ses ingrédients : deux femmes, une blonde hitchcockienne (Naomi Watts) et une brune vénéneuse (Laura Harring) perdues sur les hauteurs d’Hollywood, un meurtre, une atmosphère menaçante, des studios de cinéma et des producteurs qui se bavent littéralement dessus, un mystérieux cow-boy, une boîte bleue ouvrant sur une réalité parallèle, des soirées, un accident de voitures, une femme qui fait mine de chanter Roy Orbison en espagnol, un labyrinthe de rêves, de cauchemars, un inconscient bourré de fantasmes de gloire et de tension sexuelle… Tout a été dit sur ‘Mulholland Drive’ et l’on pourrait pourtant encore en parler des heures. Mais au fond, mieux vaut alors laisser la parole au film, n’est-ce pas ? Silencio, donc. - AP

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35. Indiana Jones 1, 2 & 3 (1981-89)

de Steven Spielberg, avec Harrison Ford

En imaginant Henry Jones Jr., casse-cou et coureur de jupons qui ne peut vraiment pas encadrer les nazis, on pourrait croire à ‘OSS 117’. Evidemment, on vous roule, Indiana Jones avait déjà essuyé les plâtres bien avant Hubert. Harrison Ford et son lasso, Harrison Ford et son chapeau, Harrison Ford qui a peur des serpents… Un homme d'action qui, avant de fouler les terres d'Egypte ou d'Inde, avait tâté du sabre laser (déjà chez George Lucas). Indiana Jones, c'est une saga qui trépigne, virevolte et qui sait aussi doucement se moquer d'elle-même. A redécouvrir pour l'acteur principal, mais aussi pour un truculent Sean Connery (qui aurait perdu son sex appeal aux confins de l'Ecosse), ou pour le grand frère de Joaquin, River Phoenix, qui incarnait Indiana tout jeunot, dans le troisième (et meilleur) volet de la saga. - HB

36. Donnie Darko (2001)

de Richard Kelly, avec Jake Gyllenhaal, Jena Malone et James Duval

Donnie Darko est un ado carrément étrange, à la personnalité ambiguë et au somnambulisme un tantinet envahissant. En plus d'être un « weirdo » de premier plan, Donnie entretient une amitié avec Frank... un lapin géant à la face monstrueuse. Tandis que la fin du monde approche, Frank commande à Donnie d'accomplir son destin. Tout dérape alors dans l'environnement du jeune garçon… jusqu'au pire. En somme, l'acteur Jake Gyllenhaal (21 ans, lorsque sort ce film) n'a pas attendu de tourner avec Denis Villeneuve (‘Enemy’, ‘Prisoners’…) pour se glisser dans la peau de personnages complexes et franchement inquiétants. ‘Donnie Darko’ est une œuvre particulièrement difficile, où sauts spatio-temporels et actions à contretemps donnent une formidable sensation de tournis. Ce qui, au fond, n'est pas pour nous déplaire. - HB

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37. La Haine (1995)

de Mathieu Kassovitz, avec Vincent Cassel, Hubert Koundé et Saïd Taghmaoui

« L'important, c'est pas la chute. C'est l'atterrissage. » La phrase d'introduction du film de Kassovitz résume la journée, bouleversante et bouleversée, vécue par trois potes de la cité des Muguets en pleine ère de la révolte des banlieues. Vinz (Vincent Cassel), Hubert (Hubert Koundé) et Saïd (Saïd Taghmaoui) se remettent difficilement d'une nuit d'émeutes, après le passage à tabac d'un de leurs copains, Abdel, resté dans un état critique. Les trois lascars, coincés dans une banlieue qui les bloque et les ennuie, cherchent à fuir vers Paris comme des souris voudraient sortir d’un piège. Mais avec un revolver en poche. Chronique d'un échec social en écho à un fait divers de 1993, ‘La Haine’ frappe encore fort. Un choc frontal. - HB

38. Reservoir Dogs (1992)

de Quentin Tarantino, avec Harvey Keitel, Tim Roth, Michael Madsen et Steve Buscemi

Nommer ses personnages en leur attribuant des couleurs : Mr White (Harvey Keitel), Mr Orange (Tim Roth), Mr Blonde (Michael Madsen), Mr Pink (Steve Buscemi) ou Mr Brown (Quentin Tarantino). En faire des gangsters sans scrupules, mais les écouter débattre du sens profond d’une chanson de Madonna. Orchestrer une terrifiante séance de torture, tout en l’accompagnant d’un tube seventies sarcastiquement léger ("Stuck in the Middle with You"de Stealers Wheel). Dès son premier long métrage, Quentin Tarantino, 29 ans à l’époque, impose sa patte ludique, son style postmoderne et touche-à-tout. Cinévore compulsif, fan de séries B autant que de Jean-Luc Godard, Tarantino explosera surtout sur la scène internationale avec son film suivant, l’incontournable ‘Pulp Fiction’. Mais ‘Reservoir Dogs’ bénéficie déjà de cette touche si particulière, exubérante et bavarde, virevoltante et trash, excessive et joueuse, du réalisateur. Qui a su s’affirmer, au fil des années, comme une véritable usine à films culte – dont les premiers (jusqu’à ‘Kill Bill’) restent tout de même les meilleurs. On espère donc que ses ‘Huit Salopards’ (‘The Hateful Eight’), dont on attend la sortie au tout début de l’année 2016, saura retrouver le savoureux décalage qui fit de ‘Reservoir Dogs’ ou ‘Jackie Brown’ des films à voir et à revoir ! - AP

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39. La Cité de la peur (1994)

de Les Nuls, avec Alain Chabat, Dominique Farrugia, Chantal Lauby, Gérard Darmon et Sam Karmann

Ne vous sentez-vous pas chanceler, le front luisant, le rythme cardiaque qui s'accélère lorsqu'un ami très cher – ou un ennemi, peut-être – vous propose un chewing-gum ? Pour faire simple, ou vous choisissez votre entourage en fonction de ses références cinématographiques, ou vous avez réellement mauvaise haleine. Optons pour la première possibilité pour atténuer vos tourments. Plus qu'un film, le long métrage de Les Nuls est devenu, en vingt ans, un wikipédia des expressions pour faire le super-drôle en société. « Barrez-vous, cons de mimes », « Non, j'suis l'pape et j'attends ma sœur » ou « Ca va couper, chérie » s’additionnent à vos répliques de clown occasionnel sans aucun problème. Presque un code social pour se faire des copains en milieu hostile. On continue de reprendre un doigt de chaque scène, où le sourire ne se détache jamais de notre face contentée (là, par exemple, il vaut mieux savoir à qui l’on s'adresse). - HB

40. Titanic (1997)

de James Cameron, avec Leonardo DiCaprio, Kate Winslet et Billy Zane

Parler du film de James Cameron revient souvent à énumérer les nombreux records qu’il a établis : troisième film le plus cher de l’histoire, deuxième plus grand succès du box-office mondial, 14 nominations et 11 victoires aux Oscars, entre autres. Mais c’est comme ça, ‘Titanic’ est un mastodonte du cinéma, une fresque homérique de trois heures quinze minutes qui entremêle brillamment intrigue amoureuse et grande tragédie humaine. De notre côté, on retiendra surtout un duo d’acteurs talentueux, une bande-son si mémorable qu’elle semble avoir été directement gravée dans nos cerveaux à coups de marteau-piqueur et des effets spéciaux qui, même dix-sept ans après, n’ont pas pris une ride. Ah, et un léger manque de crédibilité, tout de même. Parce que tout le monde sait que Rose avait largement la place d’accueillir Jack sur sa planche. – AB

41. Diamants sur canapé (1961)

de Blake Edwards, avec Audrey Hepburn et George Peppard

En vrai, on préfère largement le titre original de ce film culte du génial Blake Edwards : 'Breakfast at Tiffany's', repris de la nouvelle éponyme de Truman Capote. Sans doute que ce dernier aurait tué pour mettre la pulpeuse Marilyn dans le fourreau noir de l'actrice principale, mais on bénit encore et toujours le choix final. Car on ne se lasse décidément pas de retrouver les deux purs joyaux de ce long métrage typiquement sixties : New York et (surtout !) la divine Audrey Hepburn. Celle-ci incarne Holly Golightly, une douce ambitieuse qui vit de ses charmes en attendant de trouver le foyer idéal. Loufoque et subtilement complexe, elle fascine son nouveau voisin qui fond pour cette créature aux yeux de biche... Chef-d'œuvre pétillant dont la bande originale, signée Henry Mancini, reste comme une fragrance enivrante et légère, portée par la délicieuse Audrey, fredonnant avec sa guitare l'hymne absolu de la mélancolie : « Waiting round the bend, my huckleberry friend, Moon River and me ». - HB

42. Kill Bill (2003-04)

de Quentin Tarantino, avec Uma Thurman, David Carradine, Daryl Hannah, Lucy Liu et Michael Madsen

Un mariage réduit en cendres. Une femme qui perd son enfant. Et qui se réveille d'un coma profond avec un seul objectif : buter Bill. Son ex, ce salaud en bande qui n'a guère supporté que sa meurtrière préférée s'en aille avec un autre et fasse une croix sur une vie de forfaits. « La mariée » éliminera alors, un à un, ceux qui ont voulu sa perte. Nous sommes bientôt en 2016, et à l’époque il était difficile de se rendre compte de ce que représentait le retour de Quentin Tarantino derrière la caméra. Et de cette chère Uma Thurman. Deux chapitres, deux esprits. ‘Kill Bill’ reste treize ans après sa sortie une réussite totale, et de loin. Tarantino a dessiné et orchestré une symphonie de violence, un ballet de sang menés par une héroïne grandiose (quelque part entre celles de ‘La mariée était en noir’ de Truffaut et de ‘Lady Snowblood’ de Toshiya Fujita), damnée par tous et aux sens aiguisés comme une lame. Au rythme d’une bande originale animale, hétérogène et résolument dansante, Quentin Tarantino a réussi à transformer une mise à mort méthodique en un spectacle ultra divertissant. - HB

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43. Il était une fois dans l'ouest (1968)

de Sergio Leone, avec Charles Bronson, Henry Fonda et Claudia Cardinale

Chronique d'un échec aux Amériques. Non, à l'époque de sa sortie, le film de Leone n'a pas connu le succès outre-Atlantique. Comme si le public avait fait payer au réalisateur le fait d'avoir créé de vrais pourris. Sergio Leone souhaitait surtout pousser le propos un peu plus loin que le simple grand divertissement. Peinture animée, ‘Il était une fois dans l’Ouest’ concentre en son sein tous les sucs du western : les rouges flamboyants, les soleils éclatants, les visages des hommes pétris de saleté et de vengeance. Avec un détail en plus : Leone a surtout mis en lumière le déclin du vieux Far West face à sa nouvelle configuration, l'avènement du chemin de fer, l'aube d'un nouveau monde. - HB

44. A bout de souffle (1960)

de Jean-Luc Godard, avec Jean Seberg et Jean-Paul Belmondo

Georges de Beauregard (également producteur attitré de Pierre Schœndœrffer et de certains Chabrol et Rivette notamment) était-il conscient du rôle incroyable qu'il allait jouer dans l'histoire du cinéma, lorsqu'il confia un budget au jeune Jean-Luc Godard pour qu'il puisse simplement « faire son film », laissant carte blanche au futur réalisateur du ‘Mépris’ ? Ainsi naquit un double mythe : un classique absolu, et un homme controversé porté au pinacle. ‘A bout de souffle’, traité dans mille ouvrages, encore discuté aujourd'hui, est un film d'une liberté hallucinante, où la beauté garçonne de Jean Seberg dispute la lumière à l'hallucinante décontraction d'un Jean-Paul Belmondo âgé de 27 ans. Laissant entrevoir un Melville, un Jean Douchet, ou même Godard lui-même au détour d'un plan, ‘A bout de souffle’ allait devenir un étendard de la Nouvelle Vague, l'un de ces films dont l'aura ne s'est jamais démentie, et dépasse largement le cercle des « initiés » des « intellectuels du cinéma ». Dernières heures d'un tueur de flic en fuite, ‘A bout de souffle’ est tout à la fois un vent de liberté, une histoire d'amour, un instantané de vie, un bras d'honneur aux règles cinématographiques. Les dialogues étaient écrits sur des bouts de nappe, soufflés par Godard pendant les prises, le film éclairé avec les moyens du bord... Dès son premier film, JLG tente, essaye, creuse, comme il continue de le faire à ce jour, loin de rejoindre la classe du cinéma classique et balisé, qui a depuis happé plusieurs de ses frères d'armes de la Nouvelle Vague. - Rurik Sallé

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45. Les Demoiselles de Rochefort (1967)

de Jacques Demy, avec Catherine Deneuve et Françoise Dorléac

N'avez-vous jamais envie, le temps d'une journée, de chanter, danser dès qu'une émotion vous traverse le ventre ou la tête ? Que tous vos voisins se mettent à faire des claquettes, s'accrochent aux réverbères lorsque vous avez le cœur léger ? Oui, bien sûr. La sucrerie de Jacques Demy n'a rien perdu de sa saveur. Les sœurs Garnier (incarnées par les vraies sœurs Françoise Dorléac et Catherine  Deneuve) s'ennuient ferme dans leur petite ville de Rochefort. Ce sont pourtant des fleurs passionnées. L'une fait de la danse, l'autre compose au piano. Couvées par leur mère (Danielle Darrieux), elles se sentent à l'étroit, rêvant d'embrasser une carrière parisienne et surtout, de trouver le grand amour. Belles comme des vestales aux grands chapeaux couture, elles croisent des hommes qu'elles vont étourdir de chansons et de douces fausses promesses : Simon Dame (Michel Piccoli), Maxence (Jacques Perrin) et bien sûr, cet Andy Miller incarné par Gene Kelly. Le tourbillon musical composé par Michel Legrand fait soupirer les cœurs et battre la mesure. Avec ses 'Demoiselles de Rochefort', auxquelles on peut ajouter 'Les Parapluies de Cherbourg' et 'Peau d'âne', Demy revisite le genre de la comédie musicale. Et réinvente même le music-hall. - HB

46. Les Enfants du Paradis (1945)

de Marcel Carné, avec Pierre Brasseur, Arletty, Pierre Renoir, Jean-Louis Barrault, Marcel Herrand et Maria Casares

Dans l'aréopage des plus flamboyantes héroïnes du cinéma, il y a peut-être Anna Karenine, sûrement la Cléopâtre de Liz Taylor, éternellement Scarlet O'Hara. Mais il y a aussi Garance, la superbe : Arletty et sa liberté, ses yeux remplis d'étoiles et sa bouche canaille. Arletty qui mène ses quatre mâles du bout du cœur, dans cette fresque scénarisée par Jacques Prévert. Astre central du film, Garance y est à la fois la maîtresse et l'amoureuse. L'esthétique du film, confiée à Alexandre Trauner, monarque indétrôné du décor dans le cinéma français (de ‘Quai des Brumes’ à ‘Tchao Pantin’), redonne au boulevard du Crime – l'actuel boulevard du Temple – son ébullition passée, celle du spectacle, et des gens de théâtre pendant la Restauration. Œuvre absolue, film culte et véritable joyau du cinéma français. - HB

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47. La Dolce Vita (1960)

de Federico Fellini, avec Marcello Mastroianni, Anita Ekberg et Anouk Aimée

Septième long métrage de Federico Fellini, ‘La Dolce Vita’ marque la première des six collaborations du cinéaste avec celui qui sera dès lors son acteur-fétiche, Marcello (prononcer Mar-cellllllo) Mastroianni. Collaboration dont le sommet le plus évident reste sans doute l’onirique ‘Huit et demi’ (1963), dont ce film-ci pose déjà largement les fondations. Errance nocturne, érotisme et désespoir latents, fascination à dériver à travers la fugacité des plaisirs, délectation des illusions de passage… Mais si l’atmosphère qui baigne ‘La Dolce Vita’, celle d’une quête de soi-même à travers la nuit romaine des désirs, reste immanquablement liée au visage de Mastroianni, la silhouette d’Anita Ekberg, jouant avec un chaton puis se baignant dans la fontaine de Trevi demeure l’une des images les plus célèbre du cinéma des années soixante, que le film inaugure. Voire de toute l’histoire de septième art. « Allez, viens, Marcello... dépêche-toi ! » - AP

48. Citizen Kane (1941)

d'Orson Welles, avec lui-même, Joseph Cotten et Dorothy Comingore

Si l’on pouvait mesurer le niveau de maîtrise d'un film, ‘Citizen Kane’ serait sans doute le mètre-étalon. Tant sur le plan des innovations visuelles que sur celui du scénario, ce chef d’œuvre apparaît à l'image de son concepteur, Orson Welles, démesuré. On ne présente plus Charlie Kane, mégalomane incarnant ici l’extrême solitude des géants, qui a construit son empire grâce aux médias. Remise en cause du rêve américain, questionnement sur le pouvoir absolu des magnats de l’industrie, véritables monarques du XXe siècle : Orson Welles pousse son long métrage jusqu'au tréfonds de la réflexion, en suivant la chute infinie de Kane. - HB

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49. West Side Story (1961)

de Robert Wise, avec Natalie Wood, Richard Beymer et Russ Tamblyn

Les Jets et Sharks, deux gangs rivaux se cherchent – et finiront par se trouver – dans le quartier de l'Upper West-Side de New-York. Vous connaissez sans doute la suite : une fête sera donnée, où les deux clans se verront invités. Maria et Tony, incarnés par la merveilleuse Natalie Wood et Richard Beymer, scellent en un regard leur attirance quasi métaphysique l’un pour l’autre, et tenteront de s'aimer malgré les duels et les antagonismes entre les deux groupes. Adaptation filmée du musical de Leonard Bernstein inspiré de Romeo et Juliette, ‘West Side Story’ ne présente pourtant rien de morbide. Plutôt de la danse à vous en étourdir. Pas de mise à mort dans la vénéneuse Vérone, donc, mais de sérieuses chamailleries dans le Manhattan des années cinquante. L'amour reste toutefois ici un prétexte pour mieux entrevoir l'exclusion réelle d'une minorité, en l’occurrence celle des Portoricains, qui fait face à la deuxième génération d'Américains issus de l'immigration européenne. A plus de cinquante ans, ‘West Side Story’ demeure un monumental conte physique, capable de faire des pieds et des mains pour offrir un spectacle éblouissant. - HB

50. La Maman et la putain (1973)

de Jean Eustache avec Jean-Pierre Léaud, Bernadette Lafont et Françoise Lebrun

Avant de voir son film sélectionné à Cannes, Jean Eustache a mis bien longtemps à l’écrire. Pour la simple et bonne raison qu'il l'a pensé en fonction de ses trois interprètes : Jean-Pierre Léaud, Françoise Lebrun et Bernadette Lafont. Une fois les acteurs contactés, il a pensé ce triangle amoureux (schéma assez classique dans les sagas soixante-huitardes) bavard, long de trois heures trente, où les protagonistes se jaugent et discutent leurs amours. Selon Françoise Lebrun, le texte – immense  – était à connaître sur le bout des doigts. Jean Pierre Léaud, lui, avait souligné, lors de la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes, que c'était « un film sur la parole ». Quant à Bernadette Lafont, elle voyait ‘La Maman et la Putain’ comme un film jeune, très « nouveau cinéma ». On ne refuse jamais de sacrifier une après-midi pour déguster ce grand cru 1973... - HB

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