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Découvrez l'âme du quartier Pigalle en 24h

Houssine Bouchama
Directeur de la rédaction, Time Out Paris
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Par où commencer lorsqu'on évoque Pigalle ? Ah Pigalle, quartier de la nuit, de la débauche et du sexe. Quartier animé où tout est permis, même l'impensable. Certes les rues se sont assagies, se sont éloignées de l'époque où les truands et les bordels étaient rois. Et si le strip-tease y a été inventé, les maisons closes ont été remplacées les unes après les autres par des commerces, bio pour la plupart. Pourtant, le soir on n'y dort pas plus qu'avant. Entre les salles de concerts mythiques, les clubs underground, les nouveaux bars branchés ou les sex shops nocturnes, il y a de quoi faire. Avant d'y aller, on chantonne forcément l'air de Serge Lama et son ode aux p’tites femmes de Pigalle. C'était il y a plus de trente ans. Que faire dans le quartier aujourd'hui ? C'est la question à laquelle on a tenté de répondre, un doliprane et une gueule de bois plus tard. En se concentrant dans un premier temps sur le sud, « So Pi » (South Pigalle) comme il faut l'appeler, on a ratissé tout ce qui va du Moulin-Rouge à la station Saint-Georges. On vous raconte tout.

8h : Se réveiller en douceur au Grand Pigalle Hôtel

Vous sentez cette odeur dans la pièce ? On le confesse, la nuit dernière, on a déjà bien picolé. Pigalle quoi. Pourtant le confort de cette chambre d’hôtel est parfait pour se remettre sur pied. Installée rue Victor Massé, et lancée par les mecs de l’Experimental Group, l’enceinte nous propose un décor classe, entre cheminée, lit confortable et papiers chic sur les murs. On pénètre dans la salle de bains tout en faïences pour masquer les dernières preuves de nos excès la veille. On est fin prêt à déambuler dans les rues du quartier bohème.

© Grand Pigalle Hôtel

© Grand Pigalle Hôtel

9h : Un petit dej à l’anglaise et ça va mieux

Le soleil frappe fort et nos paupières sont encore lourdes. Pour bien débuter la journée, il n’y a pas de secret : se faire un bon petit dej. Pour ça, rien de mieux que Rose Bakery et son décor minimaliste sur la rue des Martyrs. Du bio, du frais, du fait maison, du sucré ou du salé, ici tout est délicieux et sophistiqué. Le choix est cornélien, on a envie de tout goûter, du crumble aux fruits rouges en passant par le carrot cake et les brownies. On optera finalement pour une salade, la tarte du jour et un jus de fruit pressé. Ca va mieux.

© Stéphanie Delgado

© Time Out

© Time Out

10h : Se la jouer sportif

Requinqué, le ventre rempli, on enfile nos plus belles sneakers et fonce au playground de la rue Duperré. Logé entre deux immeubles, ce formidable terrain coloré est sûrement le plus beau de la capitale. On le doit entre autres à Stéphane Ashpool, fondateur de la marque Pigalle, et à Ill Studio, pour la direction artistique. Si le lieu est beau, notre shoot en suspension ne lui fait pas honneur. Finalement, on n'a de Kobe Bryant que le nom floqué sur le maillot. Après une heure, on lâche l’affaire : place au réconfort.

© Emmanuel Chirache

© Emmanuel Chirache

11h : Vite, du shopping !

Toujours dans l’esprit, et pour arborer le nom du quartier, on file au magasin Pigalle pour s’acheter un produit de la marque. On louche sur les produits en soie, les chapeaux en lièvre et la veste en laine mohair. Vu notre budget, on se contentera du t-shirt (40 €) pour afficher un look Asap Rocky. Han !

© Time Out

© Time Out

On remonte la rue Henry-Monnier et on tombe sur une boutique sans nom. « Le Chat et la souris », nous répond le commerçant. A l’intérieur, on est accueilli par des objets en pagaille, insolites voire cachés. Tous datent des années 1950 à 1970 et certains sont tout poussiéreux. Autour, des bijoux imaginés par Isabelle, la fondatrice, côtoient des vinyles datant grosso modo du siècle dernier. « J’ai des 78 tours, des disques des années 1910, du punk, du jazz, du blues. » Le tout à prix très bas : de 1 à 20 €. « Je ne fais pas du neuf, je suis un disquaire bio qui recycle l’ancien. » Trois vieilles dames nous rejoignent suivies par le groupe Housse de Racket. C’est le moment de décamper.

© Time Out

© Time Out

© Time Out

13h : L’heure du kebab

Si jusqu’à présent on a plutôt pris soin de notre ligne, on a malgré tout une grosse envie de kebab. Il faut dire qu’à Pigalle, ils abondent. Pour notre part, on troquera la traditionnelle sauce blanche pour du chutney de mangue qui se marie subtilement avec le poulet tandoori, les aubergines massala, la raïta et les petits pois soufflés. C’est le kebab de saison de Zarma, logé rue Jean-Baptiste Pigalle. Si l’espace est très petit, l’accueil est sympa et la mayo citron vert qui accompagne nos frites maison est tout sauf désagréable. On boit du jus de poire pressé en savourant le pain croustillant. On a affaire à des connaisseurs : le fondateur est un ancien journaliste spécialiste de la street food, passé par Berlin, la Turquie et le Liban. Et avant de repartir, on dévore un éclair à la fleur d’oranger et aux pistaches. On est de bonne humeur.

© Time Out

© Time Out

© Time Out

14h : La tournée des musées

S’en mettre plein dans le bide c’est bien, dans les neurones c’est mieux. Difficile de passer vingt-quatre heures à Pigalle sans se cultiver un peu. Et vu notre personnalité à l’eau de rose, on commence par le Musée de la Vie Romantique. Dissimulé au fond d’une allée, rue Chaptal, bordée d’arbres centenaires, l’établissement regroupe deux ateliers d’artistes et la maison d’Ary Scheffer datant de 1830. Le peintre hollandais avait l’habitude d’y accueillir Delacroix, Chopin ou George Sand, alors que Liszt et Dickens s’affaissaient autour du piano Pleyel. Il s’en dégage une atmosphère, celle de l’époque romantique, qu’on inhale volontiers alors que les expositions temporaires étoffent les lieux.

© D. Messina

© D. Messina

On fait un grand écart (façon de parler) et on file à un autre musée, tout aussi emblématique : celui de l’érotisme. Certains rougissent et ne semble pas assumer. Nous, on y va sans pression : il est question d’art, non ? En plus des expos temporaires, quatre expositions permanentes : les maisons closes, l’art contemporain, l’art sacré et l’art populaire. Promis, on n’a pas posté les photos les plus suggestives.

© Musée de l'érotisme

© Musée de l'érotisme

© Musée de l'érotisme

Avant de clôturer notre session, on fait un tour au Musée du Phonographe, menacé de fermeture. Niché au 53 boulevard Rochechouart, l’étonnant lieu nous dévoile toute une collection de phonographes et gramophones. Ils ont servi entre autres aux tournages de ‘La Môme’, ‘Inglourious Basterds’, ‘Minuit à Paris’ et ‘Marguerite’. Immanquable !

© Emmanuel Chirache

16h30 : Le goûter, ce n’est pas que pour les enfants

C’est l’heure de faire une pause. Bon, ok, on a eu le droit à un petit dej et à un repas copieux. Mais tous les prétextes sont bons pour manger, non ? On chope la rue des Martyrs et se retrouve face à un dilemme : Le Comptoir Belge ou l’Hôtel Amour ? Autrement dit, des gaufres traditionnelles belges ou un thé dans une petite cour ? On hésite encore et encore pour finalement élire la gourmandise belge. Et en croquant dedans, on ne regrette pas notre choix. Car ici, la boutique ne blague pas avec les traditions : pas de Nutella mais du chocolat de Bruxelles, la pâte est à peine cuite et le sucre donnerait des crises d’angoisse à n’importe quel boulimique. Nous, en tout cas, on se régale de tout ce plaisir dans notre bouche.

© Time Out

17h : Faire le touriste

Difficile de passer vingt-quatre heures à Pigalle sans admirer les quelques monuments et la beauté architecturale du quartier. On prend notre appareil photo et on enfile nos lunettes de soleil : on a définitivement le look du touriste de base (perche à selfie en moins). On se rend au 82 boulevard de Clichy pour contempler le lieu incontournable et emblématique des alentours : le Moulin-Rouge. Fondé en 1889 par Charles Zidler et Joseph Oller, ce cabaret est sûrement le plus connu du monde. On mitraille de photos celui qu’on surnommait « le premier palais des femmes » et on ne peut s’empêcher de penser au film de Jean Renoir avec Jean Gabin, le fameux ‘French Cancan’.

Victor Massé, rue Ballu, rue de Douai… Le quartier ne manque pas d’immeubles qui feraient frémir votre compte instagram. Entre les bâtiments, les hôtels et les monuments, difficile de tout mettre sans éviter le scroll intempestif. Voici donc une petite sélection.

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18h : Immortaliser le moment à l’encre noire

Puisqu’on prend notre métier de journaliste très au sérieux, on serre les dents et on file se faire tatouer chez Tin-tin, salon de tatouage incontournable de la capitale. Mais il y a-t-il vraiment encore besoin de présenter le lieu, tant sa renommée n’est plus à faire ? Elle tient au talent du propriétaire (Tin-tin) et à sa bande. Ca tatoue et ça discute, même si on se retient de verser une larme face à ces grands gaillards. Et si on hésitait entre le très cliché « Pigalle Mon Amour » et le symbolique « Jusqu’ici Tout Va Bien », on opte finalement pour un mini-motif avec des cornes. Mode « sheitan » activé.

© Time Out

19h : Commencer la soirée en douceur

La nuit est tombée et les touristes laissent progressivement place aux étudiants fauchés, aux bobos hipsters ou autres rôdeurs de nuit. C’est la pleine lune. Les vitrines des sex shops s’illuminent enfin et les canettes de bière remplacent progressivement les cartes de métro. Comme disait Doc Gyneco : « A chacun ses délices, à chacun sa 8.6. »

Nous, on va y aller en douceur et on se cale dans le dernier bar branché du coin : Les Justes. En voilà un drôle de nom. S’il nous rappelle une pièce d’Albert Camus ou collerait parfaitement à une milice héroïque sortie tout droit d’un film épique, le concept, lui, est tout autre. Il est plutôt question de reverser 1 € à une association pour chaque cocktail commandé parmi les plus onéreux. « On essaye de faire un truc plus ou moins éthique, ou au moins de le faire sainement », confie le proprio. L’éclairage est tamisé, l’ambiance est cosy, on remue de la tête en commandant notre premier cocktail de la soirée. On part sur un Smith (vodka infusée au thym, jus de pomme verte, sirop de noisette, bitter céleri). C’est frais, désaltérant, on dirait presque un smoothie. On enchaîne avec un délicieux 1701 (whisky, liqueur d’artichaut, citron jaune pressé, sirop de vanille maison, graines de sésame) puis un surprenant Pampa (gin à la prune, crème de pamplemousse, tabasco, citron vert, Ginger Ale). C’est officiel : on est pompette. Vite, il faut éponger !

© Time Out

© Time Out

20h : L’appel du ventre

Même si on hésitait entre La Maison Mère et le Dépanneur, on a une petite préférence pour Le Pantruche. Un nom qui désigne le Parisien en vieil argot. Et pourtant, il n'y a de vieux que l’intitulé. Passé la devanture, on se retrouve dans un bistrot avec tout ce que ça implique (volume sonore, foison de miroirs, proximité des tables). La carte concoctée par le chef Franck Baranger, formé dans des palaces, allie simplicité et sophistication. Difficile de choisir tant tout est bon, que ce soit les entrées, les plats ou les desserts. Un casse-tête chinois.

© Time Out

21h : Sentir la sueur au Trianon

Si le quartier de Pigalle est gorgé de salles mythiques (La Cigale, Les Folies Pigalle…), on chérit le Trianon et son élégante architecture. Bâti en 1984, cet ex-music-hall a vu tous les grands noms défiler, de Jacques Brel à Raphael Saadiq récemment. Pour nous, ça sera Game, rappeur américain et ex-protégé de Dr Dre. Les bières giclent dans tous les sens et on se déhanche tellement qu’on ne regrette pas d’avoir surdosé en déo ce matin.

© Trianon

23h : La tournée des bars pour se mettre en condition

Pour être honnête, cette partie de la soirée est un peu floue. Il faut dire qu’on n’a pas fait les choses à moitié. Départ 23h au Pile ou Face, ancien bar à hôtesses, où on s’est un peu trop penché sur l’une des deux cartes, entièrement consacrée au whisky. Arrivé à 1h au Pigalle Country Club, bar 100 % rock où on s’est vu swinger façon Vincent Vega dans 'Pulp Fiction'. Entre les deux, on a renversé le verre d’une fille, juré à qui voulait bien l’entendre qu’on n’était pas saoul et chanté au micro du bar select Orphée.

 1h : Danser jusqu’au bout de la nuit

Quand on danse, on n’est pas du genre à se contenter de légers one-two steps façon « Je Danse le Mia ». Nous, on est du genre sportif, à ne faire des pauses que pour se payer un verre. Dans cette optique, rien de mieux que l’ex-Loco devenu La Machine du Moulin Rouge. Si le lieu rassemble des concerts hip-hop ou autres soirées éclectiques, on préfère les programmations techno/house. Ca tombe bien, ce soir-là on a eu droit aux mecs de La Mamie’s. Et c’était vachement bien.

© La Machine du Moulin Rouge

Il est 4h et on enchaîne avec le Carmen, pour ne pas faillir à notre réputation de « mec de la nuit ». C’est dans cet ex-hôtel bâti en 1875 que Bizet aurait composé Carmen, d’où l’intitulé du lieu. Statues, miroirs gigantesques, plafonds immenses aux fresques moulées… L’endroit est magnifique. La sono mêle tous les genres et le mini-club au sous-sol nous fait un appel du pied. On squatte finalement le lit au fond du bar, histoire de faire une pause.

© Carmen

7h : Un dernier verre et puis dodo

Il est 7h. Et si le soleil se lève, les oiseaux de nuit continuent de squatter les rues. Direction l’embuscade pour un dernier et ultime verre. Et il n’y a pas à dire, le lieu porte bien son nom. Dans ce petit rade cap-verdien, les verres de rhum et l’ambiance tropicale nous donnent envie de rester indéfiniment. Finalement, il est l’heure de tituber jusqu’à la maison. 

© L'embuscade

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