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Paris a beau être une ville basse, ce sont ses toits qui ont fait sa réputation. Le zinc qui les recouvre et les cheminées qui les parsèment sont facilement reconnaissables, une sorte de signature architecturale qui reste aussi un objet de fantasme. Car il n'est pas facile d'accéder aux toits de Paris, contrairement aux rooftops de New York ou de Berlin, par exemple. Vendredi et samedi derniers avait lieu une visite inédite de ces toits, organisée par Paris vu d'en haut, un projet universitaire lancé par cinq étudiantes en médiation culturelle à la Sorbonne Nouvelle. Cinq « toutes petites » jeunes filles, comme l'explique l'une d'entre elles, qui ont dû travailler d'arrache-pied pour orchestrer un événement compliqué sur le papier, entre les diverses autorisations à obtenir, la communication à gérer, les guides à recruter et les partenariats à dégoter (LittleBigCity et Deliveroo).
Au final, Paris vu d'en haut a rencontré un vif succès : plus de 3 000 inscrits pour une quarantaine de chanceux tirés au sort. Sous un ciel clément, quoique toujours menaçant, la balade a joliment rempli son contrat, faire découvrir la ville sous un nouveau point de vue, celui des hauteurs. Première étape, un toit en travaux. Dans le 16e arrondissement, non loin du palais de Tokyo, deux immeubles anciens sont rénovés, les chambres de bonnes détruites et la toiture refaite entièrement. A la suite du chef couvreur, nous arpentons les échafaudages et nous promenons sur les toits en travaux, passant sur des ponts improvisés avec une planche ou au milieu d'ouvriers du bâtiment en pleine action, qui semblent se déplacer ici avec l'aisance de ballerines sur la scène de l'opéra. Les ramifications de l'échafaudage sont impressionnantes, d'autant plus que la loi parisienne interdit dans cet arrondissement qu'il touche le sol. Il est donc accroché uniquement par les murs, à quatre ou six mètres au-dessus du seuil de l'immeuble.
La suite de la promenade nous amène sur les grands boulevards, près du musée gourmand du Chocolat. Pourtant, ce n'est pas de cacao dont on va parler, mais de miel. Au dernier étage d'un immeuble caché, l'apicultrice Diane Jos fabrique son miel chez elle, sur sa terrasse-jardin tout en rusticité. En plein cœur de Paris, les abeilles ont une vue imprenable sur le Sacré Cœur et la butte Montmartre. Même s'il n'y a pas de danger véritable, nous enfilons nos combinaisons d'apiculteurs et nous nous approchons des ruches où les abeilles s'affairent et virevoltent. « Elles vont butiner le pollen un peu partout dans Paris, raconte Diane Jos, et puis elles reviennent ici pour transmettre le nectar à une autre abeille. Le miel va passer de bouche en bouche d'abeille avant d'être déposé dans les alvéoles, oui, c'est un peu dégueulasse. » L'été, les abeilles travaillent énormément, à tel point que certaines meurent d'épuisement au bout d'un mois. Pour éviter un tel coup de fatigue, nous nous asseyons pour profiter du soleil. On resterait bien là pour boire un pastis ou de l'hydromel, mais il est déjà l'heure de partir.
Direction le 9e arrondissement, rue Clauzel entre la rue des Martyrs et la rue Henry Monnier. C'est ici que se situe un parking fameux, dont le toit sert non seulement à garer des Fiat, des Renault ou des Opel, mais aussi à tourner des clips, des pubs ou des films. Dans un coin, nous assistons à une belle performance artistique, un duo entre le danseur tchadien Victor Yeldjim et l'artiste français Michel Costiou sur des musiques celtiques de Roland Becker. Emmaillotté dans un drap blanc, le premier danse et bondit sous nos yeux, tandis que le second immortalise à l'encre tous les mouvements, qu'il découpe en une série de petites silhouettes couchées sur un morceau de zinc. On se laisse bercer par ce moment mystique, qui emporte notre esprit par-delà les toits parisiens : Paris vu du septième ciel.