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On dit parfois d'un grand cru qu'il est « noble », et le monde des viticulteurs fait souvent figure d'aristocratie pour le néophyte. Pourtant, le maître mot actuel du monde du vin, c'est la démocratisation. A l'heure où Internet met à l'horizontal les rapports de pouvoir autrefois verticaux, le consommateur ne choisit plus ses vins comme avant, privilégiant les petits cavistes, les conseils des amis, voire les blogs spécialisés. Voilà sans doute pourquoi Benjamin Albarède a créé cette « Wine Republik », un site participatif pour guider chacun dans l'achat de bonnes bouteilles et mettre en lien direct consommateurs et vignerons.
Il faut dire que la révolution numérique, Benjamin la connaît depuis longtemps. Programmateur chez Canal+ pendant plusieurs années, il lance la télé à la demande Canal Play pour la chaîne, une façon de redonner le pouvoir au consommateur, méthode qu'il applique désormais au vin. Surtout, ce passionné connaît la frustration du voyageur qui, parti à la rencontre de vignerons sur le terrain, doit les quitter le cœur gros, ne sachant pas quand il aura l'occasion de goûter à nouveau le fruit de leur labeur. « Avec mon ami Arnaud Legay, développe Benjamin, on rencontrait souvent des vignerons quand on se promenait à travers la France, mais on leur achetait une caisse de bouteilles et puis c'est tout, on ne les trouvait pas chez les cavistes ou sur Internet en rentrant chez nous. Avec Wine Republik, on voulait créer une sorte de place de marché pour les citadins, histoire de prolonger la rencontre des vacances. »
Force est de constater que le site tient ses promesses, puisqu'une véritable petite communauté goûte, note et commente des centaines de références. « N'achetez plus votre vin par hasard », dit la devise de Wine Republik, qui allie l'acte à la parole : « Nous ne faisons pas le même travail qu'un caviste en ligne, décrit Benjamin Albarède. Tout d'abord, nous présentons le travail de chaque vigneron avec un portrait, qui démontre pourquoi nous avons choisi de travailler avec lui. Nous n'avons aucun stock, notre but n'est pas d'écouler les bouteilles ! La commission que nous prenons est la même quel que soit le producteur, qui décide lui-même du prix de ses vins. Nous ne poussons pas les vignerons à casser les prix, nous recherchons le juste prix. » Avec la centaine de vignerons présents sur le site, Wine Republik partage la même envie de transmettre un savoir-faire et une passion. Ici, on ne vend pas un produit, mais un terroir et un artisanat.
« Nous travaillons beaucoup avec la nouvelle génération de viticulteurs, des gens de la génération Y, connectés mais avec un désir de se retrouver autour de valeurs comme l'écologie, précise-t-on encore chez Wine Republik. Tous ces vignerons incarnent une approche résolument moderne du terroir, ils ne veulent pas qu'on boive leur vin n'importe comment. Leur démarche pédagogique produit un discours qui accompagne le vin et qui permet aux gens de mieux le déguster, de mieux le comprendre. » Pas question dans ces conditions de se contenter de l'immatérialité du Net. Wine Republik veut boire, manger, rigoler avec sa communauté autour d'une table, d'où la possibilité de faire des dégustations chez soi ou en entreprise. Mieux, le BHV, La Recyclerie et quelques bars ou caves accueillent régulièrement les vignerons et l'équipe de Wine Republik. Ainsi, le site récolte des avis sur les nouveaux vins qu'il met en vente, de quoi alimenter son énorme banque de données, un atout précieux pour le consommateur qui navigue entre les appellations et les domaines.
Mieux, le site propose à ses utilisateurs de créer un « comptoir » afin de passer des commandes groupées chez un même vigneron, découvert par exemple lors d'une dégustation entre amis. Le groupe décide du nombre de cartons à envoyer et se retrouve ensuite chez l'un de ses membres pour récupérer la commande et, pourquoi pas, boire un coup. Parce que le vin, c'est d'abord du lien social. « Le vin, ce sont des histoires ! » s'enthousiasme même Benjamin. On veut bien le croire, d'ailleurs on ne va pas tarder à s'en raconter quelques-unes à dormir debout.