Des baigneurs et des baigneuses, Cézanne en a peint des tas. On estime à plus de 200 tableaux et dessins le nombre d'œuvres qu'il a consacrées aux corps nus de barbotteurs, égarés dans des paysages verdoyants. Parmi elles, cette toile tape dans l'œil de Matisse en 1899 : après l'avoir achetée chez le collectionneur réunionnais Ambroise Vollard puis jalousement conservée chez lui pendant près de quarante ans, le peintre fauve en fait don au
Petit Palais en 1936. Il dit en admirer la composition « très dense », tout en diagonales fuyantes. Cette construction mouvementée, qui inscrit la chair des trois femmes dans une sorte d'osmose primitive avec le paysage alentour. La blonde, la rousse et la brune se trouvent ici comme noyées dans des empâtements de peinture, à l'ombre d'arbres voûtés qui délimitent le tableau. En surgit une harmonie poétique, une plénitude qui relève davantage de l'allégorie que de la scène de genre. Toujours à l'affût d'une peinture de la sensation, formée d'un tissage inédit de formes et de lignes de perspective, Cézanne, avec ses 'Trois baigneuses', fait entrer l'air frais. Ca sent déjà le fauve, et comme un avant-goût de cubisme.