Parmi les grands hommes de son époque dont Rodin s'est échiné à dresser le portrait, cherchant à figer dans le plâtre, la pierre ou le bronze toute leur puissance intellectuelle et physique, Victor Hugo et Honoré de Balzac sont sans doute ceux que le sculpteur a représentés avec le plus d'obstination. Commandé par la Société des gens de lettres, ce monument à Balzac sur lequel l'artiste œuvra pendant six longues années fit scandale : jugé trop expérimental par les adeptes de l'académisme, il fut rejeté par ses commanditaires en 1897.
Pourtant, l'artiste considérait cette œuvre monumentale comme l'un des grands aboutissements de sa carrière. Inspirée du « non finito » de Michel-Ange, elle résume parfaitement le penchant plus expressionniste et torturé de l'œuvre de Rodin. Dépourvu des attributs clichés de l'écrivain (plume, papier, encre...) ce Balzac aux traits imprécis et aux yeux creusés paraît comme décharné, écorché, son corps presque dissolu dans la robe de chambre dans laquelle il avait l'habitude d'écrire.
En 1908, le photographe américain Edward Steichen, fasciné par cette sculpture, la saisit dans une série de prises de vue nocturnes, réalisées au clair de lune (dont celle-ci, prise à 23h). Ténébreuse et solennelle, la silhouette de Balzac y prend une ampleur monstrueuse, évocatrice du charisme et du courage de l'écrivain de 'La Comédie humaine'. « Vos photographies feront comprendre au monde mon Balzac » confiait Rodin à Steichen, en découvrant ses clichés. Plus d'un siècle plus tard, le voilà bel et bien inscrit parmi les chefs-d'œuvre du XIXe : Balzac trône dans les jardins du musée Rodin, sur le boulevard Raspail et dans les collections du MoMA, à New York.
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