- Une rivière de crevettes ? - Tout à fait. - A Montreuil ? - C’est cela même. - Un restaurant africain avec un nom portugais ? - Prends un peu de rhum bissap et assieds-toi, je vais t’expliquer.
En 1472, le navigateur portugais Fernao do Po pénètre dans l’estuaire du Wouri et se pâme devant l’intense grouillement de crevettes dans le fleuve. Il baptise alors le lieu « Rio dos camaraos », littéralement « rivière des crevettes ».
Depuis, il y a eu quelques remous, et l'événement a fait des vagues : tout d’abord, c’est par celui-ci que ledit pays trouve le nom de « Cameroun » (venant de « camaroons »). Et puis, friands de cette anecdote historique, la famille Bella Ola décide en 1994 de nommer leur restaurant montreuillois Rio dos camaraos. A quelques battements d’ailes de Paris, Rio dos camaraos se distingue de toutes les bicoques rafistolées que l’on peut trouver dans le nord de la capitale. La rue est calme et la petite terrasse en bois qui surplombe le pavé incite à passer derrière les pagnes de l’entrée.
Le deuxième chapitre de l’aventure prend place dans la cuisine. Lieu terriblement bien gardé par la chaleur, les épices et la générosité du cuisinier. Les mafés, n'dolés et autres yassas sont concoctés, aimés puis expédiés en salle pour prétendre au destin auquel ils sont voués : celui de la rencontre. Une rencontre charmante et sans faux semblants. Le piment fait quelques courbettes, laisse passer le manioc et accompagne le gingembre pour venir saluer vos papilles. Chaque plat est exquis, le souvenir du n’dolé aux crevettes (spécialité camerounaise) et du mafé poulet fumé réveille nos endorphines. Le foufou, pâte de manioc légèrement glutineuse et les chips de banane verte nous accompagnent sur le chemin de la découverte. Cette balade est tellement agréable qu’on a tendance à vouloir se précipiter. Respirez, savourez et entrecoupez votre poulet yassa ou DG (Directeur Général) par quelques gorgées de punch au gingembre (ou au bissap !). La douceur de la patronne nous fait oublier celle de la note, qui l’est un peu moins. Nos cœurs, de concert avec nos panses, sont touchés d’avoir rencontré cette Afrique enchantée.