Inutile de le préciser, mais faisons-le quand même : il faisait chaud ce jeudi 27 décembre dans l’amphithéâtre du Palais des Congrès ; un microclimat semble d’ailleurs s’être installé aux alentours de la porte Maillot, qui prend des airs d’Andalousie depuis l’arrivée à Paris de la Compagnie Antonio Gades. Ce soir-là, on donnait ‘Carmen’. Un titre qui évoque forcément l’opéra de Bizet (« l’amour est enfant de bohème, qui n’a jamais jamais », etc.) avant de nous rappeler à la nouvelle de Mérimée. Texte dont Gades et Saura proposent une relecture filmique flamboyante et nettement plus latine en 1982, puis une adaptation scénique l’année suivante. L’œuvre a donc presque 30 ans, et a su s’imposer comme un véritable classique du flamenco, une pièce à la fois respectueuse des traditions et porteuse d’une nouvelle dimension sur les planches. Voilà le projet qu’Antonio Gades (1936-2004) aura nourri toute sa vie : faire du flamenco un miroir de la culture espagnole tout en l’élevant au statut d’art.
Ca n’est donc pas un hasard si ce ‘Carmen’ tourne toujours. Le spectacle est en effet une réussite totale, trouvant l’équilibre entre fougue, prouesse technique et humour au son de deux guitares, de quelques voix et du martèlement incessant des pieds et des mains battant le(s) rythme(s). La vingtaine de danseurs et de musiciens s’en donne à cœur-joie, chacun laissant s’exprimer son feu intérieur dans un décor idéalement épuré. La trame scénaristique devient alors prétexte à des démonstrations virtuoses de danse, de musique et de chant, exprimant confrontation, sensualité ou passion, souvent simultanément. Comment ne pas rester bouche bée devant tant de maîtrise (on imagine les milliers d’heures de répétition, la discipline et le dévouement), devant ces corps galbés aux cambrures fières ou ces jupons qui découpent les airs ? On a rapidement envie de se lever et de les rejoindre sur scène, de venir au plus près d’eux pour entendre plus fort, mieux voir et fixer en nous plus profondément encore ces instants. D’autant que la dimension populaire et culturelle est bien présente, rappelant les origines et la générosité du flamenco. Retour sur terre : nous sommes dans l’immense salle du Palais des Congrès, le son est (malheureusement) quelque peu étouffé, les artistes sont loin, et on a parfois l’impression d’assister à ces scènes à travers un miroir sans tain. Peu importe, et pas question de se priver d’un tel plaisir : le ‘Carmen’ de Gades et Saura est définitivement à voir.
A noter :
‘Carmen’ les 26, 27, 31 décembre à 20h, le 30 décembre à 15h, le 5 janvier à 15h et 20h
‘Noces de sang/Suite flamenca’ le 28 décembre à 20h, le 29 décembre à 15h et 20h
‘Fuenteovejuna’ les 2, 3 et 4 janvier à 20h