Critique

Great Black Music

3 sur 5 étoiles
  • Musique
  • Recommandé
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Time Out dit

A première vue, une exposition sur les musiques « noires » pourrait paraître aussi absurde qu’un regroupement de peintres blonds ou de danseurs imberbes. On craint déjà les généralisations fourre-tout, les raccourcis poussifs et le regard euro-centrique, teinté de condescendance sous couvert de bons sentiments (aah, c’est vrai qu’ils ont le rythme dans la peau). Mais heureusement, le sujet est tombé entre de bonnes mains : celles d’une Cité de la musique décidée à rendre un hommage intelligent et fouillé aux courants musicaux issus de la diaspora africaine. Des airs traditionnels de Mama Africa au jazz de la Nouvelle-Orléans et du reggae de Kingston au hip-hop du Bronx, ‘Great Black Music’ célèbre la musique « noire » dans toute sa richesse et toute son incroyable créativité, ne reculant devant (presque) aucune époque et (presque) aucune région du monde.

Seulement – c’était le risque – à trop vouloir être exhaustive, l’exposition s’égare dans un parcours en forme de liste, sans jamais vraiment se rattacher à un fil conducteur. On papillonne d’un film documentaire à un autre – audioguide en main, gros casque aux oreilles – piochant parmi les centaines de minutes de reportages ; choisissant selon l’humeur et l’envie de s’attarder sur un portrait de Billie Holiday, l’histoire musicale accélérée de l’Afrique australe ou un bref résumé de la naissance du rap. Sur le chemin, on croise quelques blancs au cœur noir (Elvis ou Danyèl Waro, le gourou du maloya réunionnais), des instruments de musique traditionnels, des photos du quartier mélomane de la Nouvelle-Orléans (le fameux Treme). On s’émerveille une millième fois devant l’explosion des musiques afro-américaines qui, en cinquante ans à peine, enfantent le blues, le jazz, la soul, le swing, la funk, la disco, le hip-hop… Ca part un peu dans tous les sens. Et pour encaisser toutes ces infos et prendre le temps de zigzaguer d’un écran à l’autre (ce qui, aux heures d’affluence, s’avère éprouvant), il faut s’armer de patience.

A nous de nous investir et de recoller les morceaux pour tirer une réflexion de ce kaléidoscope de films, de clips et d’extraits de concerts. Car dans toute leur profusion et toute leur diversité, ces genres « noirs », parfois nés à des milliers de kilomètres les uns des autres, en disent long sur l’histoire des derniers siècles et proviennent bien de la même source : de ce passé collectif de colonisation et de servitude, allié à une culture sonore africaine basée sur le rythme. Ce qui frappe ici, comme une évidence, c’est à quel point les sons de la diaspora (souvent des armes de résistance contre l’oppresseur) se sont toujours articulés autour de la rythmique, des syncopes et de l’improvisation au détriment de la douceur mélodique : en témoignent certaines appellations comme « rhythm & blues », « rap » (contraction de rhythm and poetry) ou « funk » (de funky qui signifie puant, crado)… Née dans l’ombre des pouvoirs dominants au point d’être souvent censurée ou interdite, cette « Great Black Music », qui aura laissé une empreinte inestimable sur notre culture populaire, forme réellement un tout : une manière de penser la musique, et de la vivre. Pas sûr que cette expo-film-documentaire soit le meilleur moyen de lui rendre hommage. C’est que le sujet était bien trop vaste et audacieux. Mais pertinent.

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Infos

Site Web de l'événement
www.citedelamusique.fr
Adresse
Prix
De 5 à 9 €
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