Le jeudi, on inaugurera l'événement 'Tanger Tanger' autour d'un grand ciné-concert. Une création de Bachir Attar and the Master Musicians of Jajouka sur les films des frères Hurtado (du groupe très underground Etant Donnés). Ensemble, ils ont réalisé un long métrage sur le village de Jajouka, qui signifie en arabe « quelque chose de bon vient vers toi ». Ce n'est pas vraiment Tanger (ndlr : Jajouka est situé à une centaine de kilomètres au sud de Tanger, dans les montagnes du Rif marocain), mais son histoire y est intimement liée.
William Burroughs disait de la musique folklorique de Jajouka qu'elle est comme un « groupe de rock de 3000 ans ». Depuis plus de 2000 ans, cette musique est perpétuée par la même famille, dans un même village. C'était d'ailleurs la musique officielle de la Cour pendant très longtemps. Elle aurait pu rester une musique liée à un petit village, mais dans les années 1960 il y a eu une forme d'effervescence tangéroise via des artistes internationaux comme Paul Bowles, Burroughs et Ginsberg. Ils ont vu dans cette musique une sorte de transe. Les musiciens du village de Jajouka jouent et dansent pendant dix à douze heures d'affilée.
A l'époque, le tout Tanger partait là-bas. Brian Jones les a enregistrés toute une nuit, il en a sorti un album mythique sur Jajouka, 'The Pipes of Pan'. C'est à partir de là que les musiciens de Jajouka ont commencé à faire des tournées et à collaborer avec des artistes du monde entier, dont les Stones.
Comme ils aiment beaucoup les collaborations, le samedi soir, pendant la grosse soirée concerts de 'Tanger Tanger', on organise une création inédite entre Bachir Attar et Etienne Jaumet de Zombie Zombie. Si tout va bien, le live sortira en vinyle chez Versatile.
Cette idée de ville invitée a été vue selon le concept de « back to back » : un artiste tangérois versus un artiste occidental. Ce qui a vraiment un sens pour une ville comme Tanger dont la culture s’est aussi construite par un jeu de regards et de croisements avec l’Occident. Quasiment toutes les collaborations 'Tanger Tanger' ont été imaginées selon ce principe, c’est le cas de l’ouverture avec Bachir Attar et les films des frères Hurtado par exemple. Pour la grande soirée du samedi, ce sont trois actes pensés à partir d’une collaboration. On a parlé de Bachir Attar et d’Etienne Jaumet, mais il y aura aussi le rappeur tangérois Sayflhak VS le Lyonnais Tiko d’Under Kontrol (beatboxing), les Gnawas de Tanger VS les Parisiens de Wall of Death (signés chez Born Bad Records).
Nos promenades dans les rues de Tanger nous ont donné envie de travailler avec certaines structures, mais aussi d'élaborer un projet lié à une ambiance. La scénographie est une part importante de l'événement. Le but c'est que l'on puisse se promener à l'intérieur de la Gaîté comme dans certains quartiers de Tanger.
On organise également une carte blanche à la Cinémathèque de Tanger avec des projections et des rencontres tous le soirs. L'occasion de voir le premier documentaire de la jeune cinéaste tangeroise Leïla Kilani 'Le Rêve des brûleurs'. Un film sur Tanger, ville où toute l'Afrique afflue et scotche l'horizon. Elle y parle du trafic des passeurs, de ces brûleurs qui se retrouvent à squatter Tanger, à 14km de la côte espagnole. Il y aura également quelques films qui correspondent à la période du Tanger international, d'autres qui mettront en lumière le rapport entre littérature et cinéma, comme le court métrage d'Abdellah Taia sur Jean Genet, enterré à Larache (ndlr : dans la région de Tanger-Tétouan). En parallèle aux projections, des films d'artistes tourneront en boucle pendant trois heures, dont ceux d'Yto Barrada, ou encore d'Omar Mahfoudi, LE jeune artiste tangérois du moment. C'est un jeune plasticien qui fait beaucoup de vidéos, dont les clips de Sayfl7a9, que l'on pourra voir lors de Tanger la nuit ! samedi soir.