Comme s'il présentait l'issue malheureuse, le ciel d'Avignon grondait vendredi. Alors que le ciel pleurait à grosses gouttes, les artistes du Off habitués à défiler dans la musique et les costumes marchaient silencieux, banderoles à la main, un morceau de tissu rouge épinglé sur le coeur. Une image bien morose lorsque l'on connaît le traditionnel déluge de sons et de couleurs. Vendredi, les premiers spectacles du In ont été annulés, en signe de soutien au mouvement intermittent. Les salles de spectacles sont restées vides, les plateaux désertés. Samedi, l'ambiance était tout autre. Si bien sûr la colère des intermittents ne s'est pas éteinte pendant la nuit, le rideau s'est pourtant levé sur le premier spectacle d'Olivier Py et le très attendu 'Prince de Hombourg'.
A la FabricA, où était joué 'Orlando ou l'impatience', une poignée d'intermittents est venue rappeler à tous que leur combat ne date malheureusement pas d'hier. Ensemble ils ont lu un passage du discours à l'Assemblée constituante que Victor Hugo avait tenu en 1848 :
« Personne plus que moi, messieurs, n'est pénétré de la nécessité, de l'urgente nécessité d'alléger le budget ; seulement, à mon avis, le remède à l'embarras de nos finances n'est pas dans quelques économies chétives et détestables ; ce remède serait, selon moi, plus haut et ailleurs ; il serait dans une politique intelligente et rassurante, qui donnerait confiance à la France, qui ferait renaître l'ordre, le travail et le crédit... et qui permettrait de diminuer, de supprimer même les énormes dépenses spéciales qui résultent des embarras de la situation. C'est là, messieurs, la véritable surcharge du budget, surcharge qui, si elle se prolongeait et s'aggravait encore, et si vous n'y preniez garde, pourrait, dans un temps donné, faire crouler l'édifice social... »
Dimanche, le festival battait son plein, accueillant dans les ruelles chaudes d'Avignon toujours plus de spectateurs amoureux du spectacle vivant.