« Etre une dévergondée, oui, mais certainement pas une putain. » La jeune Else reçoit comme mission pendant ses vacances de soutirer de l’argent au vieux Monsieur Dorsday pour éviter à son père la prison, un avocat ruiné à la suite de magouilles financières. L’unique condition que ce vieux marchand d’art pose, fou de désir pour elle : qu’il puisse l’admirer nue... Adaptée par Francine Walter, la pièce d’Arthur Schnitzler s’articule en un soliloque tragique et délirant qui décrit avec acuité perversité et corruption. Prisonnière de ses pensées et surtout de ses obligations envers ses parents, Else oscille, piégée et déchirée, tout au long de l’intrigue. Une partition dense et intime, délicieusement sous tension.
Sur scène, trois comédiennes en grande forme (Pauline Gardes, Pauline Vaubaillon et Sophie Bricaire) jouent cette pièce provocatrice et dénonciatrice en s’appropriant dans un humour ravageur le monologue intérieur du personnage éponyme. Un dialogue entre les trois jeunes actrices qui ne font en réalité qu’une seule et même personne. Une Else à trois têtes. Un parti pris scénique déjanté, clair et captivant sublimé par une scénographie épurée. Quelques chaises, une table et une malle, rien qui puisse troubler la confidence. Le spectacle de Francine Walter émeut par sa capacité à mêler une grande simplicité de mise en scène à la complexité des émotions humaines. Pris dans ce tourbillon cruel, le spectateur se retrouve lui-même tiraillé. Du théâtre comme on l’aime. What else ?