Qu’est-ce-qui cloche du côté de l’arbre généalogique ? Quelles histoires ? Quelles rencontres nous forgent sans le savoir ? Avec ‘Sirènes’, Pauline Bureau, metteuse en scène, plonge au cœur d’une famille brisée puis recomposée, allant jusqu’à déterrer les secrets de famille les plus enfouis. Comme pour l’excellent ‘Modèles’, l’écriture scénique ne se contente pas d’un seul et unique fil narratif, mais se construit au gré de scénettes. 1966 au Havre, Annie et sa fille attendent un coup de téléphone, assises ensemble autour d’une table en formica. 1983, Hélène, alors enceinte, apprend le décès de son père. 2013 alors qu’Aurore perd sa voix lors d’un concert, Max gère son business depuis sa chambre d’hôtel à Shanghai. On comprendra rapidement que tous les récits ne forment en réalité qu’une seule et même fable dépliée sur plusieurs générations, sur différents espaces de la scène.
Si pour ‘Modèles’, le procédé d’écriture en puzzle fonctionnait avec fluidité et écho, dans ‘Sirènes’, en dépit de sa cohérence et sa pertinence, il perd parfois le spectateur dans les interstices. Les sauts dans le temps qui ponctuent le spectacle démantèlent par petites touches l’aspect intimiste du propos. Ils nous placent davantage comme un spectateur qui recompose mentalement des photos de famille. On cherche à reconnaître un sourire, un regard, une couleur de cheveux. Et finalement au détour d’un détail, l’image d’ensemble se construit. C’est ainsi, avec le recul d’un sociologue, que l’on suit ces quatre histoires, et ces trois époques. Avec l’étrange sentiment de celui qui connaît déjà la fin du film.
Pourtant, malgré cette mise à distance contraignante, on apprécie – comme toujours chez Pauline Bureau – de très bons moments de théâtre : le récit quasi anthologique et plein d’humour de la ‘Petite Sirène’, la présence fragile et émouvante de Nicolas Chupin en vendeur d’électroménager un peu gauche, la voix langoureuse et la guitare électrique de Marie Nicolle. Bref, la "patte Bureau" reconnaissable entre mille et déjà présente dans ‘Modèles’ et ‘La Meilleure Part des hommes’.