Critique

Noos

4 sur 5 étoiles
  • Théâtre, Cirque
  • Recommandé
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Time Out dit

Un homme, une femme. La voltigeuse Justine Berthillot et le porteur Frédéri Vernier.  Frôlements. Élans et résistances. Jeux si sérieux qu'on n'oserait en rire. Duo acrobatique de portés créé en juin 2015 dans le cadre du festival Solstice à Antony, 'Noos' stylise avec grâce une expérience essentielle : la rencontre entre deux corps, leur dialogue sans mots mais plein d'énergie, plein de possibles. L'amour, bien sûr, est l'un d'entre eux. Le premier auquel on pense face au couple qui, par les techniques du main à main, questionne le rapport à l'Autre. Par bonheur, 'Noos' va bien au-delà du discours amoureux. Dans leur danse aux acrobaties subtiles, rarement spectaculaires, Justine Berthillot et Frédéri Vernier n'insistent pas sur le genre. Certes, ils sont homme et femme. Mais ils sont avant tout des corps en mouvement, entièrement ouverts à l'interprétation.

Étendue inerte sur les genoux de Frédéri Vernier, Justine Berthillot est d'abord une caricature de voltigeuse. Un corps souple et malléable, en attente. Une sorte de marionnette humaine qui ne vit qu'au contact de son porteur. Lequel joue son rôle avec autant d'excès que sa voltigeuse : bien ancré au sol, il rive ses mains et ses bras solides au corps féminin qui partage avec lui une scène nue. Il l'attrape, le fait rouler, le soulève. Le secoue un peu, pour voir. Rien à faire. Frédéri Vernier a beau la traîner au sol, la lancer en l'air ou la caler sur son épaule comme un sac de ciment, la voltigeuse persiste dans sa mollesse. Elle voltige pourtant, déjà.

Lentement, son corps-pantin s'anime. À force de manœuvres, le porteur parvient à lui transmettre un peu de sa force. Le main à main prend alors un tour plus classique : bien nets, les portés traduisent un équilibre maîtrisé, une belle harmonie. Mais sur les trente minutes du spectacle, cette phase ne dure guère. Après quelques figures à la verticalité parfaite, les deux artistes reprennent leur chorégraphie du déséquilibre. De la dissemblance. Dans 'Noos', tout n'est que transitoire. Lorsque les corps semblent sur le point de se figer dans une attitude précise, voilà qu'ils se cabrent et entament une révolution. Après Justine Berthillot, c'est Frédéri Vernier qui adopte la passivité marionnettique. À sa manière, la voltigeuse se fait alors porteuse.

On peut voir dans ce joli manège un éloge de l'intranquillité. Condensé poétique de tous les états de corps et de tous les rapports de force possibles entre deux individus, ce duo est doux et violent comme le cirque. C'est un rêve qu'aurait pu faire un enfant, et c'est une épreuve de force, un bras de fer entre des volontés en mouvement perpétuel. C'est un moment de suspension du jugement. Accompagnés de la délicate création sonore d'Antoine Herniotte, les deux corps qui tantôt s'affrontent tantôt se soutiennent ne suscitent pas l'identification. Pour cela, le cirque les éloigne trop de notre quotidien d'amour et de haine. La sobriété de 'Noos' crée pourtant une grande intimité entre artistes et public. Justine Berthillot et Frédéri Vernier ont l'art de la distance juste, qui permet aux gestes de se faire sensations.

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