Utopie sédentaire
Il n'ira pas non plus à Chalons-sur-Saône ni à Aurillac, villes connues pour leur festival, références en matière de théâtre en espace public. La rue, Gare au Théâtre l'approche autrement. Chaque jour. Chaque fois différemment, en accueillant en résidence des compagnies qui travaillent avec la population locale. Celle des maisons de retraite, des centres aérés... Mais aussi celle qui fréquente le Mac/Val, La Briqueterie et les autres structures culturelles de la ville. Laboratoire avant d'être lieu de monstration, Gare au Théâtre est bien ancré dans son territoire. Avec son architecture sobre et son style ferroviaire, le lieu de 1 800 m2 – cinq espaces vierges organisés autour d'une vaste salle entièrement modulable – est idéal pour qui veut réfléchir sur les transformations urbaines en cours à Vitry-sur-Seine. Et plus largement dans le Grand-Paris.
Sans tourner le dos à la capitale, Mustapha Aouar, son équipe et toutes les compagnies qui font vivre Gare au Théâtre font donc à leur manière l'éloge de la sédentarité. Du lien direct et quotidien avec un maximum de personnes, hors de la logique consumériste dont le directeur du lieu déplore la généralisation dans le milieu théâtral. Symbole du phénomène, le festival Off d'Avignon représente tout ce que critique Mustapha Aouar. Mais pas plus qu'il ne se place dans une opposition frontale aux institutions parisiennes, ce dernier ne cherche pas à faire de Nous n'irons pas à Avignon un contre-festival. Libre aux compagnies qu'il programme de voir les choses comme elles veulent ; lui voit surtout le festival comme un temps fort d'une action au long cours, comme les rencontres du Théâtre du réel, les Frictions urbaines ou encore les Histoires à emporter qui rythment les saisons de Gare au Théâtre.