Il avance doucement sur une scène presque nue, seulement jonchée de feuilles et de brindilles. Très vite, on devine une autre présence pourtant invisible. Juste là, derrière lui, dans son dos et dans son pantalon, elle s'agrippe et partage son mouvement. Elle, la danseuse et chorégraphe japonaise Kaori Ito, est aussi frêle que lui, le comédien et chanteur français Olivier Martin-Salvan, est imposant. Des différences de taille dont ils se saisissent pour livrer un spectacle où le corps de l'autre devient un terrain de jeu à explorer. Ils se touchent, se confrontent, s'auscultent, se cherchent. Elle surtout. La danseuse semble s'évertuer à gravir cette montagne rabelaisienne qu'incarne le comédien.
Ici la différence des corps est un appel à la curiosité. Rien de tarte à la crème là-dedans. D'autant que le propos est servi par une mise en scène où tout est fait pour que la disproportion des deux corps en présence finisse par former un équilibre certain, une sorte d'harmonie dans le mouvement. Un spectacle que les deux interprètes ont imaginé et conçu ensemble. « Lorsque nous avons commencé à travailler sur ce projet, la thématique du corps s'est imposée, commence Olivier Martin-Saval. Je fais tout de même trois fois son poids (et pas loin de trois têtes de plus, ndlr). Dans notre quotidien, notre différence nous rapproche. Nous sommes confrontés aux mêmes discriminations. » Et Kaori Ito d'ajouter : « Des différences comme source d'alchimie, c'est ce que nous avons voulu montrer à travers une forme très personnelle au carrefour de nos carrières et de nos disciplines sans avoir la prétention de classer cela dans la catégorie théâtre ou danse. Sur scène, notre corps existe aussi à travers l'autre. Rien n'est frontal. Tout se complète. »
Cette recette de la 'Religieuse à la fraise' est incontestablement une gourmandise théâtrale à la saveur délicate et réjouissante. A la portée de tous les palais. Et à consommer sans modération.