C’est vrai, il faut aimer le personnage. Sophia Aram, poil à gratter chez France Inter, n’est pas du genre à édulcorer ses propos à l’antenne. Nadine Morano dans le collimateur, maîtresse dans l’art de déculotter l’extrême droite, l’humoriste ne mâche pas ses mots lorsqu’il s’agit d’étriller la classe politique. Munie de petites vannes assassines distribuées avec le sourire, elle dézingue à tout-va (enfin surtout à droite).
Cette fois-ci, ce ne sont pas les religions monothéistes qui sont en ligne de mire, mais l’actualité. ‘Le fond de l’air effraie’ – on applaudira le jeu de mot – commence ainsi par la lecture – un peu datée mais très drôle – des deux best-sellers de l’année. Ca fait mal, n’est-ce pas ? De la grande littérature signée Valérie Trierweiler (‘Merci pour ce moment’) et Eric Zemmour (‘Le Suicide français’), d’un côté le roman vénéneux d’une femme déçue, de l’autre une accumulation de clichés réactionnaires. Bouquin à la main, citations à l’appui, Sophia Aram décortique les perles de ces deux chefs-d’œuvre tournant en dérision le fond comme la forme. Autant dire que Valoche et ses métaphores en prennent pour leur grade.
Puis naturellement, parce qu’elle prend la température et s’attarde sur ce qui pollue l’air du temps, l’humoriste sort… un journal. Et on voit bien que ça la fait marrer jaune quand même ces ados qui partent faire le djihad comme on s’envole pour le Club Med, que ça l’énerve un poil le ton moralisateur d’Emmanuel Todd et que le traumatisme Charlie Hebdo ne cicatrise pas vraiment… Sophia Aram ne sait pas faire dans la légèreté, elle l’avoue elle-même dès le début du spectacle. Pourtant l’ensemble de ses interventions fait plus rire que grincer des dents. D’abord parce qu’elle s’adresse principalement à des gens de gauche – en même temps, qui payerait pour se faire basher ? – puis parce que l’humoriste ponctue souvent ses petits uppercuts d’un sourire et clin d’œil au public irrésistibles. Le personnage de la femme enfant au verbe incisif lui va comme un gant.
Alors oui, on pourra lui reprocher un ton un peu récité façon Desproges, une reprise un peu systématique de ses sketchs radiophoniques et un acharnement militant proche de celui Bedos. Malgré tout, ‘Le fond de l’air effraie’ séduit dans son écriture finement crochetée !