Prix prohibitifs (80 € la bouillabaisse), carte des vins minimaliste (qui n’a pas bougé d’un iota depuis des décennies), desserts pas fait maison… Pourquoi diable vient-on se faire (dé)plumer chez Michel, la brasserie des Catalans ? Pour les nappes blanches peut-être, son service endimanché et sa découpe du poisson devant le client… Pour la gouaille de Paul Visciano, aussi, troisième génération de tauliers à tenir cette cambuse mythique. Et pour vivre l’expérience, surtout, d’un restaurant emblématique qui semble figé dans le temps depuis sa création en 1946.
Car toutes ces années, Chez Michel en aura vu défiler, des politiques, starlettes, sportifs, fines gueules et patrons marseillais. Il n’y a qu’à lever les yeux pour voir les photos punaisées entre la vieille argenterie et les chapons à l’entrée, attendant sagement leur destin de garniture. La bouillabaisse donc, vraie star de la maison, est ici servie de deux façons : d’abord le bouillon, limpide, profond, salin, délicatement safrané et bougrement iodé. Puis les poissons, qui varient selon la pêche (congre, pagre, chapon, rascasse, saint-pierre…) mais sont toujours frais, sauvages et parfaitement taillés minute, escortés de pommes de terre cuites dans le bouillon et de croûtons à badigeonner de rouille sans os ou d’aïoli. Un gueuleton qui mérite d’être goûté au moins une fois dans sa vie – ne serait-ce que pour se faire un avis !
Le reste du dej est plus anecdotique : un correct royal au chocolat de la pâtisserie voisine (12 €) pour conclure, et pour faire couler, un blanc cassidain sans peur et sans reproche (50 € la bouteille) ou une modeste Kronenbourg facturée 7 € les 25 cl. Le prix à payer pour une tranche d’iode dans la tronche ?