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Canons à bas prix, cacahuètes grillées, discussions enflammées autour du zinc : ça ressemble à une journée typique au bureau pour Guillaume Blot, photographe qui parcourt les rades de France et de Navarre à longueur de journée. Dans son nouveau livre Rades (Gallimard), il poliche le blason du troquet français et documente le quotidien des quelque 200 établissements qu’il a visités le temps d’une maxi-tournée. A l’occasion de la sortie du bouquin, le 25 mai, on a posé trois questions au photographe pour savoir s’il était plutôt rade des villes ou rade des champs.
Quels sont les marqueurs d'un vrai bon rade ?
Au-delà des incontournables carrelages multicolores, des devantures un peu défraîchies, des cacahuètes par terre, des baby-foots, des jeux de fléchettes ou encore des journaux régionaux qui traînent sur le comptoir, ce sont surtout les patrons et habitués qui façonnent un vrai rade ! De mon tour de France, je me souviens de patronnes, plutôt, qui m’ont bien marqué ! Comme Cécile, du café de la station-service de Saint-Léonard-de-Noblat (87), qui gérait toute seule les deux affaires quand je suis passé ce matin-là, alternant entre diesel et verres de blanc à servir ; ou Monique du Bar des PTT de Lourdes (65), d’une générosité et d’une spontanéité incroyable, allant jusqu’à m’héberger dans son bar.
Ton rade parisien favori et pourquoi ?
Je dirais le Sully, à Strasbourg-Saint-Denis. L’intérieur est incroyable, toutes ces couleurs, les banquettes en cuir gonflées juste ce qu’il faut, le néon rouge derrière le comptoir qui te rappelle constamment où tu es, comme un tatouage, l’absence de réseau à l’intérieur qui t’empêche de trop bosser, les prix des consos qui ne t’allument pas trop, les kebabs à 5 mètres si t’as la dalle. Et puis j’y ai fait la rencontre de Marc un matin [en photo sur la Une de l'article, NDLR], qui a accepté de poser sans vraiment poser pour le calendrier des Dieux du rade, qu’on a sorti avec deux compères Martin et Maxime. Sa moue devant sa mousse est l’une des plus belles que j’aie jamais croisée.
Y a-t-il une différence entre les rades parisiens et les autres ?
Pas vraiment. Où que tu sois en France, l’expresso reste et restera toujours “l’amer à boire”, tu trouveras forcément quelqu’un au comptoir pour papoter du PSG ou de l’OM et partager ses cacahuètes avec toi. Il y aura quoi qu’il arrive une feuille A4 dans les WC qui te demande avec sa poésie relative de laisser les chiottes impeccables. Et où que t’ailles, tu tomberas sur une bande tue-mouches qui n’a pas été changée depuis des années. Pas vrai ?