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Si les dernières restrictions ont obligé bon nombre de lieux à baisser le rideau, pour les clubs, rien de neuf à l’horizon. Pour eux, la situation est la même depuis… le 14 mars 2020. A savoir : des platines qui prennent la poussière, des pistes de danse qui se languissent et des enceintes plongées dans un mutisme inquiétant. C’est dans ce contexte de nuit asphyxiée que la Gaîté lyrique, épicentre des arts numériques à Paris, a décidé de mettre un coup de projo sur le milieu de la musique électronique, en dévoilant un maousse programme virtuel qui fait du bien aux oreilles.
Son p’tit nom ? Culture Club. Son ambition ? « Montrer qu’on ne baisse pas les bras pendant cette crise et continuer de proposer des événements musicaux au public malgré le contexte », explique Brice Coudert, fondateur de feu Concrete, aujourd’hui à la tête de l’agence Underscope et programmateur de l’évènement. « Et puis c’est important de faire jouer des artistes, de donner une plateforme d'expression à des promoteurs, et de continuer de faire travailler graphistes, techniciens, communicants, médias et tout le reste de notre écosystème… »
C’est ainsi que la valeureuse institution conçue par Manuelle Gautrand a programmé huit événements dans sa grande salle, à zieuter gratuitement en streaming. Parmi eux, la joyeuse bande de La Mamie’s, qui, après avoir écumé tous les clubs et caves de la capitale dans le monde d’avant, secoue la Gaîté lyrique avec une performance follement récréative. Également au menu : une carte blanche au collectif Barbi(e)turix, avec notamment ce DJ set d’Anaïs Leszcynska en b2B avec Rag, que Time Out a récemment interrogée sur l’avenir du milieu LGBTQI parisien. Sans oublier l’incontournable Jennifer Cardini ou ce live impressionnant de Sunareht, où chaque tableau diffusé sur l’écran géant renvoie à une émotion.
Bref, une programmation d’artistes locaux, représentative de tout le spectre de la musique électronique, et qui pousse à fond le curseur de la mixité. Pour les premiers concernés, les artistes, c’est un grand bol d’air frais. Contraints de patienter sagement jusqu'à la réouverture des clubs, ils ont pu faire ce qu’ils savent faire de mieux : jouer de la musique. « Ça fait du bien d’avoir le trac », sourit Sina XX, fondateur talentueux du collectif Subtyl, qui a délivré sur scène un live martial. « J’avais l’impression de préparer un live et une date ordinaire, c’était le même niveau d’excitation que durant un gig. Presque même plus fort : c’est un espace où des artistes très talentueux sont passés… Ça fait un an que nous sommes confinés en studio et j’ai enfin pu montrer ce que je préparais depuis tout ce temps. »
Un semblant de monde d’avant
Alors certes, si Sina parle de « frustration commune » à l’idée de jouer sans public (« Les techniciens se sont quand même prêtés au jeu, ils se mettaient à danser pour montrer leur soutien »), Culture Club lui a aussi permis de « se mettre en décongélation pour être au chaud quand le public sera de retour ». Un retour qui pourrait être plus rapide que prévu : une circulaire a fuité et propose de déconfiner les clubs en quatre phases. Avec une réouverture en extérieur dès mi-mai, puis en intérieur (avec une jauge réduite) à la mi-juin. Enfin !
Le dancefloor définitivement essentiel
Persuadé que la musique électronique existera toujours en dehors du club, Brice Coudert sait aussi qu’« un écran d'ordinateur ne pourra jamais remplacer le dancefloor ». « C'est une soupape pour permettre à l'humain de décompresser, un antidépresseur naturel, un lieu de rencontres, amicales ou amoureuses, un lieu d'apprentissage et de confrontations aux autres… » Même son de cloche pour Sina XX : « Le club est plus qu’un lieu de musique, c’est un lieu de rassemblement, de rituels, qui peut parfois être politique. On peut danser chez soi, mais on ne peut être réellement connecté avec les autres à la maison. Le dancefloor, c’est se construire à travers la musique. »
Et si le monde d’après n’a jamais semblé aussi proche, il sera également l’heure, à un moment donné, de faire le bilan… En imaginant notamment des line-up plus écolo et locaux ? « Je ne crois pas vraiment que les promoteurs vont arrêter de tomber dans la surenchère systématique des line-up, accumulant les grands noms qui débarquent en prenant l’avion, parie Brice. Il peut en revanche y avoir un changement du côté du public, qui, privé de fête pendant une si longue période, va peut-être privilégier des événements avec des artistes locaux, proposant de belles expériences plutôt que des line-up “poids lourds”. »
Pour Sina, la définition même de la fête et du plaisir a complètement évolué. « On a considéré la fête comme acquise. Quelque chose de très trivial, de l’ordre du divertissement, est devenu essentiel. La prise de conscience s’est élargie : la fête est devenue sacrée ! » Amen.
Pour binge-watcher l’ensemble des live et DJ sets, rendez-vous sur gaite-lyrique.net/plein-ecran