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La Fashion Week s’achève et Paris enfile une autre de ses nombreuses casquettes : celle de capitale de la culture. Pendant trois jours, du 18 au 20 octobre, le Grand Palais rouvre ses portes au grand public pour dévoiler la crème de l’art contemporain – même si l'accès nécessite de débourser 44 euros ! Ce grand rendez-vous des galeries prestigieuses s’étend également en plein air, devant certains des monuments les plus emblématiques de la capitale. Et bonne nouvelle : l’accès extérieur, lui, est totalement gratuit. Suivez le guide !
L’Arbre-serpents de Niki de Saint Phalle - Parvis de l’Institut de France
On la connaît pour ses Nanas voluptueuses, mais ce que l’on sait moins, c’est que Niki de Saint Phalle, dont le biopic vient de sortir en salles, a donné vie à un bestiaire enchanteur dès les années 1960. Marquée par un traumatisme d’enfance, la Franco-Américaine a développé une peur panique des serpents. En les couvrant de mosaïques colorées, est-ce une façon pour elle de les apprivoiser ? Issue de son jardin des Tarots toscan, cette sculpture monumentale réunit une douzaine de reptiles scintillants qui détournent l’idée du péché originel avec des bouilles presque amusantes.
Pumpkin de Yayoi Kusama - Avenue Winston-Churchill
C’est l’une des grandes habituées de la FIAC (euh, pardon, “Art Basel Paris”). En 2019, Yayoi Kusama avait installé une citrouille à pois sur la place Vendôme, et cette année, l’artiste japonaise rempile avec une nouvelle sculpture automnale XXL. Née dans les champs de courges de son enfance, cette obsession pour la citrouille a rapidement remplacé l’autoportrait dans son travail. Entre apparence burlesque et résilience à toute épreuve, Kusama se reconnaît dans cette légumineuse d’Halloween, qu’elle présente aujourd’hui dans une version en bronze étincelante, à un jet de petit pois du musée d’Art moderne.
Maison démontable 6x9 de Jean Prouvé - Avenue Winston-Churchill
À deux enjambées de la Pumpkin de Kusama, Jean Prouvé nous ramène à l’ère de la reconstruction d’après-guerre en nous invitant à franchir le seuil de sa Maison démontable 6x9. Pensée comme une solution modulaire à la crise du logement post-Seconde Guerre mondiale, cette œuvre historique de 54 mètres carrés prend ici un nouveau sens, se dressant comme un rappel poétique des défis sociaux et architecturaux d’aujourd’hui. Alors que les questions de logement et d’architecture durable sont plus que jamais d’actualité, la maison démontable de Prouvé résonne avec une pertinence particulière. Bonus : le mobilier emblématique de Prouvé – comme ses célèbres lampes de bureau – est à retrouver à l’intérieur.
Giant Triple Mushroom de Carsten Höller - Place Vendôme
Après la citrouille de Kusama, il faut croire que cette édition d’Art Basel propose une salade d’automne sur le parcours public. La preuve avec le Giant Triple Mushroom de Carsten Höller, une sculpture monumentale ultra-réaliste en forme de champignons trônant fièrement sur la place Vendôme. Cet ensemble surréaliste associe trois espèces génétiquement modifiées, tranchées puis reconstituées. Cette ode à la vague spirituelle New Age des années 1960 permet à Höller de questionner notre perception de la réalité tout en nous plongeant dans un univers aussi ludique que grotesque.
Le Pouce de César - Cour du Palais-Royal
On finit ce top avec une icône de la sculpture : Le Pouce de César. Figure emblématique du Nouveau Réalisme, César est aussi célèbre pour ses compressions de voitures que pour le petit trophée doré remis chaque année aux pros du cinéma. Ses moulages de doigts, eux, sont devenus une véritable signature. D’abord réalisé en petit format de 40 centimètres en plastique dans les années 1960, Le Pouce prend une dimension colossale dans la décennie suivante, déclinée en colle polyester, cristal, et même sucre. Ici, on découvre une version clinquante en bronze, certes moins imposante que celle de la Défense (12 mètres), mais tout de même impressionnante avec ses 3,5 mètres de haut.
Paravent Girls de Ghada Amer - Jardin du Palais-Royal
Dans le jardin du Palais-Royal, Ghada Amer dévoile ses Paravent Girls, une série de sculptures en filigrane qui interroge la féminité, l’intimité et la sexualité. Entre discrétion et provocation, ces paravents translucides dessinent des silhouettes féminines en dialogue avec la nature environnante. D’abord conçues sous forme de boîtes en carton sur lesquelles l’artiste égyptienne esquisse des visages, ces œuvres sont ensuite fondues en bronze dans des moules en argile, conservant les traces du crayon de l’artiste. Ce procédé, qui mêle fragilité et pérennité, questionne habilement la notion d’intimité féminine, visible et pourtant cachée.
Aeolian de Takis - cour de l’hôtel de la Marine
Dans la cour de l’hôtel de la Marine, Takis expose Aeolian, une œuvre cinétique inspirée par Éole, le dieu grec du vent. Ce pylône minimaliste, avec ses tiges métalliques dansant au gré des rafales, évoque les harpes éoliennes, ces instruments de musique que l’on cale dans une fenêtre pour laisser le vent composer une mélodie légère. Fasciné par la science, Takis transforme théorèmes et principes physiques en poésie cinétique.
A Real Boy de Jean-Charles de Quillacq - Chapelle des Petits-Augustins des Beaux-Arts de Paris
Le pensionnaire de la Villa Médicis Jean-Charles de Quillacq interroge le capitalisme, le corps et l'identité avec A Real Boy. Installée dans la chapelle des Petits-Augustins, cette œuvre explore le rapport entre récits corporels et matérialité, nous invitant à réfléchir sur les constructions du genre et de l’humain. Des morceaux de pain, des mégots de cigarette et du liquide de refroidissement partagent l’espace avec des fragments de corps en polyuréthane, en jean ou à poil, dans un ensemble remarquable mais pas forcément accessible. Pour faciliter la compréhension de ce travail complexe, un dispositif de médiation est assuré tous les jours par des élèves de l’École du Louvre, offrant des explications précieuses sur cette œuvre exigeante.
C’mon England de Jesse Darling - Petit Palais
Alerte expo gratuite ! Le Petit Palais, bastion parisien du classicisme, sort de sa zone de confort en accueillant le trublion britannique Jesse Darling. Lauréat du prestigieux Turner Prize 2023, l’artiste mise sur l’humour et l’absurde pour critiquer l’effondrement post-Brexit de son pays. Avec ses “sculptures non macho” (c’est lui qui le dit), Jesse Darling malmène le mobilier urbain, symbole de contrôle, pour révéler les failles du pouvoir. Un vent de « fight the power » bienvenu dans un contexte politique français tout aussi fragile. À voir absolument pour un bol d’air critique et ludique !