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Ça y est : il caille. Alors pourquoi ne pas profiter d’un peu de chaleur humaine pour faire grimper la température ? Ça tombe bien, les musées parisiens regorgent de bisous, lèvres fermées ou tout mouillés, torrides ou chastes, mythologiques ou engagés, à mater avec ou sans amoureux(se). Petit tour d’horizon des baisers parisiens en six étapes.
Le Baiser de l'artiste. Le distributeur automatique ou presque !, ORLAN
On est en octobre 1977 et la quatrième édition de la FIAC bat son plein. Au programme ? Coupes de champagne, tableaux de maîtres et une performance scandaleuse signée ORLAN. Alors jeune artiste encore peu connue du public, la Française dévoile sa nouvelle installation interactive dans laquelle elle propose aux visiteurs de la foire de l’embrasser, pour 5 petits francs glissés dans une structure-distributeur mettant en volume une photographie de son buste nu. Pas chaud pour la pécho ? Les amateurs d’art du Grand Palais peuvent faire don d’un cierge à la madone installée à côté de l’artiste, renommée sainte Orlan pour l’occasion. Baiser tarifé et blasphème : inutile de vous dire que ça a fait parler.
Où ? Centre Georges Pompidou, place Georges-Pompidou, Paris 4e.
Le Baiser, Auguste Rodin
Super hot au premier regard, le célèbre rond de bosse d’Auguste Rodin témoigne en réalité d’un épisode franchement violent. A l’origine destinée à orner sa Porte de l’Enfer, la sculpture, réalisée entre 1888 et 1898, figurait des personnages de La Divine Comédie de Dante, Paolo et Francesca, en train de se pécho avant d’être assassinés par le mari de Francesca et condamnés à errer en Enfer. Mais une fois le taf achevé, Rodin découvre toute la sensualité de son marbre. Il change d’avis et sauve le couple de l’Enfer pour en faire une œuvre à part entière et un symbole de l’amour.
Où ? Musée Rodin, 77 rue de Varenne, Paris 7e.
Vertige, Hubert-Denis Etcheverry
Une fois la porte de la chambre fermée, comment se chopent les mondains ? Avec fougue, à en croire ce tableau réalisé par Hubert-Denis Etcheverry pour le Salon des Artistes français en 1903. Œuvre caractéristique du style galant, cette petite huile aujourd’hui exposée au musée Carnavalet a lancé la carrière du jeune peintre, qui surfe doucement sur la vague du scandale. Entre la pose lascive de la bourgeoise et l’aplomb de son mec, le public hésite entre choc et excitation. Cent vingt ans plus tard, on penche plutôt pour la deuxième.
Où ? Musée Carnavalet, 23 rue de Sévigné, Paris 3e.
Le Baiser, Constantin Brancusi
Il a tellement exploité le thème du baiser que c’est presque devenu une marque de fabrique. Véritable amoureux dans l’âme, Constantin Brancusi réalise son premier Baiser en 1907 et perfectionne peu à peu son procédé de réduction de l’œuvre à l’essentiel, jusqu’à tailler ces deux bustes entre 1923 et 1925 dans lesquels on distingue à peine quelques caractéristiques humaines. Aujourd’hui exposé dans la reconstitution de l’atelier de l’artiste roumain, le bloc cubique en calcaire brun est entouré de deux variantes, un peu moins abstraites (on s’entend). Plus stylisé, plus géométrique, le Baiser de 1923 signe une nouvelle ère dans la carrière de Brancusi, définitivement lancé vers la postérité.
Où ? Atelier Brancusi, place Georges-Pompidou, Paris 4e.
Les Amoureux (après la pluie), Francis Picabia
Fraîchement installé dans le sud de la France, le daddy des dadas s’essaye à un nouveau style, inspiré par son nouvel environnement fait d’excès oisifs, et entame sa série des Monstres. Si sa nouvelle manière de peindre est caractérisée par un usage manifeste de la couleur, ses Amoureux (après la pluie) sont plus sombres. Sur un fond noir, deux silhouettes enlacées se détachent et s’embrassent avec fougue. Le tableau a une allure très surréaliste (il fut d’ailleurs la propriété d’André Breton), une impression renforcée par l’usage de peintures émail commerciales brillantes particulièrement appréciées par Picabia. Il se murmure également que sa texture épaisse est due à une technique régulièrement utilisée par l’artiste : recouvrir ses vieilles toiles de nouvelles compositions.
Où ? Musée d’Art moderne de Paris, 11 avenue du Président-Wilson, Paris 16e.
Psyché ranimée par le baiser de l'Amour, Antonio Canova
Psyché est ce qu’on appelle entre nous une bombe atomique. De quoi foutre le seum à Vénus, déesse de la beauté, dont le fils, Cupidon, est tombé sous le charme de sa rivale. Une nuit, alors que le dieu (planqué derrière une identité secrète) fait entrer sa belle en douce dans son palais, cette dernière réalise qui il est, déclenchant la panique de son amant craignant de se faire gronder par maman. Dommage, ils se font griller et Vénus oblige Psyché à réaliser plusieurs tâches impossibles, dont une qui la plonge dans un profond coma. Cupidon découvre son amoureuse inconsciente et, tel un prince Disney, lui dépose un baiser pour la réveiller, inspirant l’une des pièces phares du musée du Louvre, réalisée par le sculpteur italien Antonio Canova entre 1787 et 1793.
Où ? Musée du Louvre, 8 rue Sainte-Anne, Paris 1er.