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Ah, la bonne vieille cantoche... Cauchemar ou bon souvenir, mais surtout un objet fascinant, que ce cher Roland Barthes aurait pu faire figurer dans ses Nouvelles Mythologies. Magasins Généraux, le centre de création grand-parisien fondé par BETC à Pantin, vient justement de consacrer un formidable ouvrage à cet objet socio-culturel.
Sorti ce mois-ci, co-écrit par les agite-popote Julien Pham et Agathe Hernandez de Phamily First (l’autoproclamée « agence tous risques, tout-terrain, tarte Tatin » !), Cantine Générale interroge sur 156 pages péchues ce concept universel du manger-ensemble qui régit notre vie, du réfectoire de l’école primaire à la cantine d’entreprise. « Mine de rien, c'est un sujet universel et intergénérationnel », souligne Agathe Hernandez. Qui possède, comme le rappelle Julien Pham, « ses propres rituels d’intégration qu'on a tous connu : le bizutage, le rab, le troc... »
Entièrement bilingue français/anglais, c’est le premier livre dédié à l'objet de pop culture qu'est la cantine. Une cantine qu'on retrouve dans toutes les références populaires, des séries TV (Hélène et les Garçons, Harry Potter, Community...) aux chansons (Carlos et son tube "Je préfère manger à la cantine", en 1972). L’intérêt du bouquin est aussi d’aller fouiller au-delà du simple sujet lifestyle, zappant d'un focus sur la cantine des députés, à une interview de sociologue.
Jamais soporifique, drolatique, très complet et très beau, c’est l’ouvrage à offrir à tout passionné de gastronomie, qui en marre de recevoir pour Noël le guide du pneu. Des interviews d'experts viennent émailler le propos. Comme celle du truculent Anthony Cointre aka « le Gros », cantinier des stars de ciné tout droit sorti d’un roman de San Antonio, où l’on apprend qu’outre une faculté à mourir lamentablement dans Batman, Marion Cotillard a également un très bon coup de fourchette.
Réinventer la cantine
Oubliez les mères cantinières dépotant des louchées d’haricots verts sur-bouillis, le réfectoire morose et les Babybel® au dessert. Jadis bastion de la malbouffe, la cantine a su évoluer avec l’époque. A Paris, une multitude de cosy refuges au design épuré a vu le jour. Ils ont pour nom Chez Aline, Le Bel Ordinaire, Yansaï... Et même la très hype Cantine Merci, planquée au sous-sol du concept-store le plus branché de la capitale.
Ces cantines dépoussiérées pour cols blancs renouent avec les codes de l’enfance (verres Duralex®, mobilier Formica vintage), et s’alignent sur la même tendance : de grandes tablées où l’on mange au coude-à-coude avec le voisin. Où l’on pioche soi-même ses couverts dans le pot commun (James Bun). Où l'on pousse son plateau-repas (Melt) et partage un plat unique (Terra). C’est là toute la force de la cantine, moins impressionnante que le restaurant dans le protocole, moins chère aussi. Comme le rappelle très justement le critique gastronomique Emmanuel Rubin, interrogé dans l’ouvrage, la cantine devient une extension de chez soi, « une deuxième maison ». « Comme le prolongement de notre chambre » ajoute Julien Pham.
C’est d’ailleurs en se retrouvant obligée de concevoir sa propre cantine pour ses 1200 salariés pantinois, que l’agence de pub BETC a eu l’idée de ce livre. « Après 3 ans d’intense réflexion, on a fini par créer notre propre cantine d’entreprise », résume Eugénie Lefebvre, directrice des Magasins Généraux. Réinventer le self du taf, ça fait rêver : dans la BETC Kitchen, inaugurée en avril 2017, fini la queue, les plateaux mouillés et les plats surgelés : c’est service à table, précommande sur app, et turnover de chefs invités : Jean Imbert, Céline Pham, Walid Sahed des Pantins… Autant dire qu'on est loin, très loin de ce level à la Rédac'. Et c'est pas nos flageolets du midi qui diront le contraire.
Quoi ? Cantine Générale, éditions Magasins Généraux
Quand ? Sortie nationale en janvier 2019
Combien ? 18 €
Où ? Sites de vente en ligne (Amazon, Fnac), librairies indépendantes, concept stores, et cantines parisiennes.
Jeu-concours : 3 livres à gagner en envoyant un petit mail cooloss à : leblog@timeout.com. Votre pire ou meilleur souvenir de cantoche scolaire ? Votre score au gobage de Flamby ? Ou tout simplement, votre « cantine » parisienne préférée. Faites-nous rêver !