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Faire un bœuf
Ne voyez pas dans cette expression le signe d’un attachement profond à quelque racine rurale. Les agriculteurs d’autrefois ne se réunissaient pas autour de leur troupeau de bœufs pour se défouler en jouant du métal une fois les dures tâches de la journée achevées. Cette façon de désigner une séance musicale improvisée vient en fait d’un cabaret parisien : Le Bœuf sur le Toit. Ce haut-lieu du jazz, très fréquenté pendant l’entre-deux-guerres, accueillait nombre d’artistes et de musiciens de talent. Une fois la nuit tombée et les autres clubs fermés, ces derniers étaient rejoints par d’autres musiciens pour jouer et improviser jusqu’au petit matin. Ainsi l’expression « se faire un bœuf » devint monnaie courante. Sachez qu’en anglais, on parle de « jam session » et que l’origine de l’expression est beaucoup moins... musicale.
Payer en monnaie de singe
Pour comprendre les origines de cette expression, il faut remonter jusqu'au XIIIe siècle. Nous sommes donc en plein Moyen Age, et saint Louis, alors roi de France, décide de faire payer un droit de passage aux commerçants qui souhaitent vendre leurs marchandises sur l'Ile de la Cité. Seuls les jongleurs, les montreurs de singe et autres saltimbanques réussissent à passer entre les mailles du filet, en exécutant un tour ou en faisant danser leur singe pour amuser les douaniers postés sur le Petit-Pont. L'expression « payer en monnaie de singe » devient donc synonyme de payer en nature, puis de ne plus payer du tout, voire d'arnaquer quelqu'un. Ah, si seulement il était possible aujourd'hui de régler ses pintes en racontant une bonne blague ou en montrant des vidéos de chats au barman.
Les marronniers de la presse
La rentrée des classes en septembre, le bac de philo en juin, la neige en décembre, les juilletistes qui croisent les aoutiens dans les embouteillages de l’été… Tous ces sujets que les journaux télévisés ressortent de leurs tiroirs chaque année sont appelés des « marronniers » par les journalistes. Des thèmes récurrents, pas franchement palpitants, qui ont le mérite de combler les vides et de divertir les foules. L’expression vient, elle aussi, de Paris : chaque printemps, un grand marronnier fleurissait au Jardin des Tuileries, sur la tombe des Gardes Suisses, tués en pleine Révolution le 10 août 1792, et chaque printemps, la presse faisait écho de ce petit événement. Notez que les sujets qui reviennent régulièrement en une des magazines, sans pour autant être liés à une date précise ou une information réelle – « comment devient-on franc-maçon ? », « la vérité sur l’argent des francs-maçons », « les francs-maçons, la main invisible » – sont appelés des « serpents de mer ».
Se faire arrêter par les poulets
« On est poulet ? Il vous rôtit ! » Il n’y a pas que Renart, cet anti-héros d’un dessin animé des années 1990, qui utilise l’expression « poulet » pour désigner un flic. Le sobriquet s’est largement infiltré dans le vocabulaire courant. Ce qui n’enchante pas spécialement les forces de l’ordre, le volatile n’étant ni le plus sexy ni le plus malin des animaux. Mais difficile de faire s’évanouir une expression utilisée depuis 143 ans. En effet, au XIXe siècle, les policiers emménagent dans leurs nouveaux locaux, sur l’Ile de la Cité. Jusque-là, tout va bien. Seulement un détail n’échappe pas aux badauds : la caserne a été bâtie sur l’ancien marché aux volailles de la capitale. L’occasion était trop belle, et puisqu’elle fait le larron...
Entrer à l'œil
Pas facile de retracer les origines de l'expression « entrer à l'œil », que l'on met à toutes les sauces – boire à l'œil, manger à l'œil, etc. – dès qu'il s'agit de désigner un passe-droit. Pourtant une explication a retenu notre attention, sans doute grâce à son côté légèrement romanesque. La brigade de la Mondaine, créée en 1901 et transformée en brigade des stupéfiants et du proxénétisme en 1975, avait pour principale mission de surveiller les maisons closes parisiennes qui à l'époque avaient largement pignon sur rue. A vrai dire, leur travail consistait surtout à savoir qui fréquentait quel établissement et qui couchait avec qui. Ces informations croustillantes –concernant hommes d'Etat, hommes d'Eglise, avocats, journalistes, médecins, etc. – s'avéraient être de fantastiques moyens de pression, bien utiles pour les négociations délicates. Les premiers inspecteurs de cette brigade avaient pour insigne un petit œil épinglé sur le revers de leurs impers. Une référence à l'agence de détectives américaine Pinkerton dont le symbole était aussi un œil (accompagné du slogan « We never sleep »). C'est en montrant ce badge à la porte des bordels que les hommes de la Mondaine pouvaient entrer aux frais de la princesse. Et de là que serait née l'expression « entrer à l'œil ».