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Un deuxième confinement ? Ah bon ? Les clubs de Paris (et d’ailleurs) n’ont pas remarqué. Pour eux, rien n’a changé depuis… le 14 mars. Huit longs mois portes fermées, platines figées et enceintes muettes sans le moindre signe de reprise à l’horizon. « On n’a plus d'illusion, on sait qu’on sera les derniers à rouvrir » lâche, résigné, Fabrice Gadeau, directeur du Rex. Pour le moment, tout un secteur retient son souffle, gratte l’argent où il y en a et creuse sa dette. « Le Rex a la chance d’être propriétaire des murs donc nous n’avons pas de loyer. Mais les charges, elles, continuent de s’accumuler. On vit sous perfusion de l’Etat, des aides de la Sacem et du Centre national de la Musique. »
Le milieu du spectacle mort
Cette crise sanitaire remet en lumière les particularités du secteur des « discothèques », mal aimé des banquiers et tout juste toléré par les autorités. « Arrêtons de faire croire que la nuit aurait été l’unique responsable des contaminations » tempête Frédéric Hocquard, l’adjoint à la Maire de Paris en charge du tourisme et de la vie nocturne. « Plutôt que de stigmatiser, il faudrait un grand plan global d’aide qui prendrait en compte les spécificités de ce secteur ». En attendant, les clubs ne dépendent toujours pas du ministère de la Culture, comme les salles de concert ou les librairies, mais du ministère de l’Intérieur. « Avec des artistes différents programmés chaque soir, je considère le Rex comme une salle de concert de musique électronique, mais ce n’est pas l’avis de la ministre de la Culture » s’agace Fabrice Gadeau. Exclu du domaine du spectacle vivant, Laurent Garnier se désole donc de faire partie du « spectacle mort » dans une lettre ouverte amère à Roselyne Bachelot. Ce n’est pas juste une question de susceptibilité ou de reconnaissance mais aussi de survie. Car la Culture, elle, débloque des fonds conséquents pour aider son secteur... « Cette période aurait été une occasion parfaite pour se saisir de la question de la musique électronique et des lieux où elle est diffusée mais ce n’est pas ce qui s’est passé… » regrette Renaud Barillet, directeur de la Bellevilloise et président du Réseau des Musiques Actuelles de Paris.
Injonction à la réinvention
Personne n’échappe à cette crise : les gros groupes qui croulent sous les charges, les moyens juste au-dessus de la limite des aides, les petits sans trésorerie... Les 15 000 € d’aide par mois débloqués en urgence par le ministre délégué aux PME peuvent paraître conséquents, mais ils couvrent à peine 10% des charges à Paris… Sans aucune certitude sur la fin de la crise, tout le secteur est menacé.
« Tenir, bien sûr qu’il faut tenir, mais jusqu’à quand et surtout pour quelle fête ? » se questionne Renaud Barillet. On évoque, sans aucune certitude, le printemps 2021 pour une éventuelle réouverture mais plus personne ne pense que ce sera sans aucun geste barrière, comme si la Covid n’avait jamais existé. « La nuit va devoir cohabiter avec le virus » prévoit Frédéric Hocquard. Il y aura des adaptations, des limites de jauges. Le patron de la Bellevilloise fait ses calculs « Reprendre une activité à 30% ce serait déjà quelque chose, mais à 5% ça ne tient pas… » Fabrice Gadeau du Rex, lui, croit peu à la réinvention des lieux : « mettre un danseur dans 4 m2, ça peut fonctionner pour un club de 4000 m2, mais pas pour le Rex et ses 350 m2. Ouvrir pour 80 personnes ce n’est pas rentable et c’est surtout pourri. La fête, c’est la communion, pas danser seul comme un con dans ton carré ». Frédéric Hocquard, se veut rassurant : « Pour l’instant, il n’y a pas de vague de faillites et on va tout faire pour éviter que cela n’arrive. »
Pour le printemps, Paris prévoit déjà des possibilités de soirées en extérieur, sorte de club hors les murs dans des halls d’expositions, des clairières, avec la possibilité de danser en respectant les distances (ou en étant juste moins serrés que dans le métro, par exemple). « Même si la pandémie dure 4 ans, il ne faut pas croire que les gens vont arrêter de s’amuser, se rencontrer, danser, créer. La fête est inhérente à l’être humain et ne va pas disparaitre, se dit Renaud Barillet. Si les clubs restent fermés, elle se fera dans des lieux privés, plus clandestins ou précaires. Puis dans 10 ans, d’autres lieux renaîtront » Fabrice Gadeau a une certitude : « Quand cette crise sera terminée, les fêtes de l’après vont être folles ! »