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Deborah aime la bagarre mais il déteste les avions. Depuis le 25 août 2018, ce DJ français au blaze aussi trippé que ses productions a arrêté de prendre l’avion. Un engagement écologique auquel il se tient alors que sa carrière est en plein décollage (hum) et que les propositions à l’étranger se multiplient. Le Parisien nous raconte comment il vit sa carrière dans cette époque où il en faut toujours plus – et comment il gère son seum quand on lui propose d’aller jouer au Brésil.
Quelles sont les raisons qui t’ont poussé à arrêter de prendre l’avion ?
C’est d’abord un choix de vie personnel, pour acter mon engagement sur les sujets de société, principalement sur l’écologie. Je suis un peu borné comme garçon, j’ai choisi de faire ce changement un peu radical en voyageant autrement, avec plus de train, moins de distance et plus de local.
Comment ça s’est intégré à ta carrière de DJ ?
Ça fait six ans que je suis DJ chez Chevry Agency. Bien sûr, au début, il n’y a pas de propositions de dates lointaines, c’est assez facile de refuser. Mais depuis un an ou deux, il y a souvent des dates où l’avion est nécessaire et il faut simplement dire non à des opportunités, en se contentant de l’existant déjà puissant. Je suis très inspiré par le concept de « refus de parvenir » de Corinne Morel Darleux, qui prône un refus individuel du toujours plus pour sortir de la société de surconsommation. Et quand je dis ça, j’ai conscience de mes privilèges, de pouvoir m’autoriser cette attitude parce que j’habite à Paris, ville la plus connectée au monde à d’autres villes de la fête. Si je vivais au sud de la Corse ou en Afrique du Sud, je n’aurais pas le même regard sur le sujet.
Tu parles de se contenter de l’existant alors que la croissance est la valeur cardinale de l’époque.
Un artiste qui se maintient, c’est presque un artiste qui régresse. La stabilité est vue comme une sorte de déclin. Globalement, et aussi dans le milieu de la culture, on vit dans des espaces qui incitent à la croissance, à l’expansion géographique, de nos audiences et de la portée de nos messages.
Et quel est l’impact de cette décision sur ta carrière ?
Très fort ! En août, on a refusé en une semaine Ecosse, Tunisie et Brésil. Et je le dis : ça fait mal aux dents ! Ça fout le seum, je ne suis pas hermétique au seum. Au-delà des dates, cela signifie des rentrées d’argent, des rencontres et des nouvelles opportunités en moins. D’autant que c’est très valorisé de jouer à l’autre bout du monde, pour montrer que tu as une communauté, pour ensuite simplifier l’accès à la scène locale.
C’est un peu paradoxal de voir comment le milieu de la fête a un côté très engagé contre les discriminations et en même temps cette jouissance un peu aveugle sur l’environnement.
Les scènes queers, que je ne connais pas assez, arrivent très bien à lier les causes qui les touchent et la fête. Les sujets écolos ont par contre moins la cote mais je rêve du jour où ce sera valorisé d’avoir ces engagements en plus de la musique. J’aimerais que plus d’orgas soient intéressés par des artistes en accord avec leurs valeurs.
L’an dernier, les clubs électroniques français ont lancé une initiative pour bannir le plastique. Comment perçois-tu l’évolution de la scène clubbing sur l’écologie depuis ton dernier vol ?
Je reconnais avoir un gros biais de confirmation : je n’arrive pas à capter l’évolution parce que je suis connecté à des personnes ayant les mêmes idées que moi. Mais je vois que ma démarche génère beaucoup de discussions, qu’elle est appréciée et soutenue. Et aujourd’hui, il y a plein de DJ qui sont engagés sur ces thématiques, comme Fakear ou Simo Cell. Et surtout, la nouvelle génération qui va en club, disons les 18-30 ans, est celle qui est la plus intéressée par les sujets touchant au climat. Même si en même temps, tu as le top 1 % des DJ qui n’ont aucune limite et peuvent faire trois pays en une soirée, je me dis que ça va dans le bon sens.