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Chacun pensera ce qu’il voudra de cette campagne présidentielle. Si elle a longtemps été obnubilée par la tempête virale et par la guerre en Ukraine (normal), avouons que parmi les rares sujets qui ont un large écho dans les médias (retraites, pouvoir d’achat, justice sociale), aucun ne concerne… la culture ! Longtemps jugée “non essentielle” pendant les vagues de confinement, la culture est la grande absente des débats malgré les attentes étouffantes dans les milieux de l’art, de l’audiovisuel, du spectacle vivant et de la nuit, tous ébranlés par le règne du Covid. C’est pourquoi Time Out a sorti sa plus grosse loupe pour zieuter attentivement les différents programmes des différents candidats. On fait l'bilan, calmement.
Candidats classés après un tirage au sort réalisé en comité de rédaction.
Nicolas Dupont-Aignan : Debout la culture française !
Le candidat de Debout la France ne zappe pas la culture de son programme, au contraire. Avec pas moins de 42 mesures – dont une douzaine consacrées à la sauvegarde du patrimoine –, Dupont-Aignan offre au secteur une place centrale dans sa campagne. Lui aussi souhaite faire intervenir des artistes dans le système éducatif et, comme ses concurrents de gauche, consacrer 1 % du budget de l’Etat à la culture, notamment à travers la création d’un grand ministère de la Culture.
Cependant, le programme du candidat reste à l’image de son penchant conservateur et contient des mesures contre l’écriture inclusive, pour la création de parcs à thème historiques régionaux et l’instauration de quotas visant à valoriser la littérature française par rapport aux fictions étrangères.
Fabien Roussel : un grand ministère de la Culture
Le point central du programme culturel du candidat PCF est la mise en place d’un grand ministère de la Culture, de l'Éducation populaire et des Médias. Fabien Roussel souhaite également consacrer 1 % du PIB au secteur culturel, ce qui correspond à une augmentation de l’ordre de 30 % des budgets publics actuels, qu’il qualifie “d’atteignable en une mandature”.
L’aspirant président se positionne clairement sur la question de l’intermittence, souhaitant renforcer leur régime à travers un “statut authentique, plus protecteur et garantissant effectivement leurs droits sociaux et leurs rémunérations” et en promettant aux artistes et aux créateurs la protection de la République. Plus généralement, le candidat tweetait récemment : “Avoir accès au beau et au bon, aux expos comme aux restos, aux théâtres comme aux bistrots. Je veux les jours heureux ! Notre gauche est celle du plaisir. Parce que oui, le plaisir, c’est de gauche.” Quel kiffeur !
Anne Hidalgo : promouvoir la jeune création
C’est inscrit dans son programme : pour Anne Hidalgo, il faut “replacer la culture au cœur du projet républicain car la France est un projet culturel en soi”. Pour l’actuelle maire de Paris, ce projet culturel passe par la mise en place et la promotion de nouvelles créations. Ça commence dès la petite enfance grâce notamment à l’instauration des “maisons d’art” destinées aux plus jeunes, puis en renforçant l’éducation artistique et culturelle (EAC) en milieu scolaire. Elle promet aussi de faire venir pas moins de 10 000 artistes à l’école d’ici 2023. Autres points forts de son programme culturel, l’instauration d’un “Erasmus culturel” pour faciliter les échanges entre artistes et étudiants en art à travers l’Europe et la création d’“artothèques”, des médiathèques publiques spécialisées dans les arts plastiques.
Niveau dépenses, la candidate PS promet d’allouer 10 % du budget des institutions financées par des fonds publics aux nouvelles créations artistiques, tous domaines confondus. Sous son mandat, les scènes publiques devront obligatoirement accueillir des artistes en résidence. Enfin, elle insiste sur le besoin d’une meilleure rémunération des auteurs, des écrivains, des producteurs et des diffuseurs en prenant pourtant soin d’éviter la question de l’intermittence.
Yannick Jadot : de la moula pour la culture
Le candidat écologiste prévoit un plan d’un milliard d’euros pour relancer le secteur culturel malmené durant la crise sanitaire. 25 % de ce budget sera dédié à la création et il promet d’offrir aux professionnels de la culture une sécurité financière. Il part aussi d’un constat : la culture est souvent synonyme d’inégalités sociales, de classe, de genre… Pour pallier cet aspect élitiste, le candidat souhaite instaurer un revenu minimum pour les personnes désireuses de vivre de leurs créations sans bénéficier du régime de l’intermittence. Conformément à sa ligne de conduite, Yannick Jadot s’engage également à mettre à disposition des fonds dédiés à une transition écologique efficace des domaines culturels.
La culture en France, c’est aussi celle des territoires d’outre-mer, et ça, Yannick Jadot l’a bien compris. Il prévoit de ratifier la Charte européenne des langues régionales et minoritaires et de reconnaître les langues ultramarines comme des langues maternelles. Dans la même veine, l’écologiste souhaite conférer un statut officiel aux langues régionales et à la langue des signes.
Valérie Pécresse : une revalorisation de la culture française
Le programme culturel de Valérie Pécresse a deux axes bien marqués : la jeunesse et la sauvegarde du patrimoine français. Elle souhaite imposer à chaque établissement un projet culturel ainsi qu’un jumelage avec une institution culturelle. Aussi, les structures culturelles soutenues par des fonds publics seront “fortement incitées” à développer des projets d’éducation artistiques et culturels destinés aux jeunes. Dans cette même veine, elle désire créer une “Journée nationale des héros français” visant à célébrer des figures historiques locales, de Jeanne d’Arc au général de Gaulle.
Plus concrètement, la candidate LR prévoit la mise en place d’un plan de 2,5 milliards d’euros pour sauvegarder le patrimoine et rénover les musées régionaux. Elle désire également renforcer les lois sur le mécénat afin de permettre aux entreprises locales d’être davantage impliquées dans la préservation du patrimoine. Enfin, son programme insiste sur la réduction de la TVA sur tous les biens culturels à 5,5 % contre près de 19 % aujourd’hui.
Emmanuel Macron : on prend les mêmes et on recommence
L’actuel président de la République reste discret en termes de mesures culturelles mais revient sur le Pass Culture, désirant l’étendre aux collégiens. Il promet également de “soutenir les jeunes créateurs” grâce à des commandes publiques artistiques. Le candidat étiqueté En Marche a également annoncé dans une conférence de presse qu’il souhaitait mettre en place la création de “métavers européens” afin de proposer des expériences culturelles. C’est tout, pour le moment.
Jean-Luc Mélenchon : la supernova culturelle
Pour Jean-Luc Mélenchon, la culture, c’est sérieux ! Le candidat consacre une dizaine de pages de son programme au secteur. Comme Roussel et Dupont-Aignan, le leader des Insoumis souhaite consacrer 1 % du PIB à la culture chaque année. Cette augmentation est destinée à “lancer un plan de formation et de recrutement dans les métiers de l’accompagnement culturel” en partenariat avec les associations d’éducation populaire. Ce budget sera également dédié à la création de nouvelles structures dans les zones rurales, dans les quartiers populaires et dans les territoires d’outre-mer pour contrer les inégalités territoriales.
Mélenchon s’engage aussi à favoriser l’insertion des professionnels de la culture sur le marché de l’emploi, en améliorant le statut des intermittents du spectacle, en y intégrant les “autres professions culturelles discontinues”, comme les guides-conférenciers. Il prévoit de lutter contre le manque de diversité dans les milieux artistiques et médiatiques en imposant des objectifs de diversité aux chaînes du service public.
Ce n’est pas fini ! Le candidat de gauche souhaite étendre la gratuité des musées et des monuments publics, baisser les tarifs des cinémas et salles de spectacles afin de diversifier leur public. Enfin, il reconnaît publiquement le jeu vidéo comme un art à part et prévoit la création d’un Centre national du jeu vidéo pour que la discipline soit officiellement reconnue. Mic drop !
Philippe Poutou : le candidat évasif
Dans ses quelques idées annoncées, plus conceptuelles que concrètes, Philippe Poutou prône le développement des services publics plutôt que la privatisation, et valorise donc “le développement d’un véritable service public de l’information de la culture” ainsi qu’un accès pour tous à la formation artistique grâce à un réseau culturel public de proximité. Il se positionne aussi en faveur de la défense des langues et cultures régionales grâce à “la promotion de l’échange avec les cultures minoritaires ou extra-occidentales”.
Eric Zemmour : il faut sauver le soldat patrimoine
Le polémiste prévoit un plan de 2 milliards d’euros pour “sauver le patrimoine en péril” et souhaite doter chaque département des Maisons des compagnons du devoir en charge de la formation des jeunes à la sauvegarde du patrimoine. Il a également évoqué la question de l’audiovisuel public, ne conservant que les médias diffusés de manière internationale, France 5 et uniquement deux radios du service public : Franceinfo et France Culture. Ça sent la purge.
Jean Lassalle : le berger qui ne se mouille pas trop
Le candidat de Résistons ! n’évoque que très peu la culture dans son programme. Il entend promouvoir et financer la culture indépendante à l’aide d’un soutien public. Il souhaite également que les plus défavorisés puissent accéder à la culture, grâce à des subventions de lieux culturels. Enfin, Jean Lassalle a indiqué qu’il désirait revaloriser le statut et le salaire des intermittents.
Marine Le Pen et Nathalie Arthaud : l’impasse sur la culture
Jusqu’aujourd’hui, les programmes des candidats RN et LO ne mentionnent pas ou peu de mesures culturelles. Marine Le Pen indique seulement dans ses 22 mesures phares son désir de privatisation du service audiovisuel (à l’exception des médias d’outre-mer, d’Arte et de l’INA) et d’une suppression de la redevance audiovisuelle. Pour Nathalie Arthaud, qui souhaite “consacrer plus d’argent à la culture, dans tous ses aspects”, “pas un euro ne doit aller aux capitalistes pour lesquels la culture n’est qu’un business comme un autre”.