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Sara Lacomba a quitté ses Pouilles natales pour Paris. La jeune Italienne s'est lancée dans un pari fou : fabriquer de la mozzarella et de la burrata à Rambouillet. Avec du lait de... vaches Holstein ! Les puristes n'ont qu'à bien se tenir.
"Idéalement, la mozza, c’est la baguette de pain : faite minute, elle doit se manger le jour même, et ne jamais passer au frigo !" Sara Lacomba, 33 ans, sait de quoi elle cause : venue de Bari dans les Pouilles, cette Italienne rock'n roll a fondé Ottanta, première entreprise francilienne à transformer du lait bio d'Île-de-France en fromages crémeux.
De la mozzarella et burrata extra-fraîches à Paris ? C’est l’un des secrets les mieux gardés de la capitale. Pour dénicher la crème de la crème du petit lait, il faut se rendre Rive Gauche, dans le 5e arrondissement. Dans sa boutique parisienne, Sara anime des ateliers pédagogiques pour apprendre aux Parisiens à fabriquer leur propre mozza. "Même si vous ne ferez pas la plus belle, la mieux formée, elle sera toujours tellement meilleure que celle importée d'Italie" balance-t-elle avec son accent chantant. Dans un monde parfait, l'immaculée conception doit se déguster "au naturel, encore tiède, deux ou trois heures après la production, pour donner aux fibres le temps de se détendre et d'atteindre la tendresse parfaite".
Qualité extra, tenue parfaite, fondant incomparable... Et pour cause : la pétulante jeune femme fabrique elle-même ces merveilles lactées, à 60 km de là. Dans la Bergerie Nationale de Rambouillet, la ferme qui fournissait jadis Marie-Antoinette. Une mozzarella, ou plus exactement une fior di latte : la préparation se fait non pas avec du lait de bufflonne, mais avec du lait de… vaches Holstein ! Forcément, ça choque quelques esprits étriqués. "On défend la vache française ! A terme on aimerait juste faire grandir le troupeau avec d'autres races laitières. Peut-être que demain on aura des jersiaises, des montbéliardes…"
Avant de mettre les mains à la pâte, la jeune femme travaillait dans les médias publics. "J’ai fait ma petite crise de la trentaine, rigole-t-elle. J’ai quitté mon poste chez Radio France en 2014 pour importer des produits italiens de ma région. Grosse déception sur la mozzarella et la burrata : même de super qualité, ce qui arrivait ici était vieilli, acide."
Par hasard, elle apprend qu’à l’étranger, des compatriotes fabriquent de la mozzarella : en Suisse avec du lait local, "et jusqu’au Sri Lanka ou au Qatar, avec du lait italien, importé congelé". Et si on tentait le coup à Paname ? Sara se renseigne, se forme deux mois chez une artisane de sa région et décide de se lancer. En décembre 2015, avec sa fromagerie de poche dans le Quartier Latin, elle devient la pionnière, la première à fabriquer du fromage dans Paris. Mais elle veut aller plus loin, et réfléchit à travailler à partir de lait local.
C'est comme ça qu'elle tombe sur cet atelier de 400 m2 à Rambouillet. Le lait est collecté deux fois par jour, matin et soir -1 000 litres par jour !- et ne subit aucun traitement, de façon à préserver toutes ses qualités. Il est seulement refroidi avant de rejoindre les ateliers de transformation. "On le transforme en caillé, on l’égoutte, puis on malaxe la pâte en y ajoutant de l’eau à 80 degrés – ottanta gradi, en italien, d’où le nom de ma boîte !" Ensuite ? "On ajoute du sel, il faut filer, plonger les boules dans de l’eau froide filtrée…" Sitôt emballé, le fromage est livré le soir même, pour être commercialisé dès le lendemain matin. Très vite, les toques locavores se passionnent : Michele Dalla Valle, de Il Cuoco Galante (9e), ou Sylvain Senra de feu le resto étoilé Itinéraires (5e), en sont fous. "Un de mes premiers clients était Fauchon, ça a aidé" reconnaît-elle.
La prochaine étape ? Cri du cœur : "Fumer les fromages au foin de ferme, et faire le premier caciocavallo parisien" -un autre délicieux fromage du sud de la Botte. "J'ai testé avant-hier : ça arrive très bientôt en boutique !" Scoop bien reçu.
Où ? 19, rue du Cardinal Lemoine, 75005 Paris. Métro : Jussieu.
Quand ? Du mardi au vendredi, de 10h30 à 14h30 et 16h30 à 18h30. Samedi de 10h30 à 14h30 et 16h30 à 20h
Plus d’infos : https://www.ottanta.org