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Et de trois pour Mory Sacko ! Après son étoilé japonisant MoSuke et ses deux comptoirs à poulet frit MoSugo, le plus célèbre perdant de Top Chef ouvre, en collab avec le Moma Group (Manko, Lapérouse), une nouvelle adresse en plein 8e arrondissement entre ministères, ambassades et haute couture. En lieu et place du Ran, table nippo-glamour de Benjamin Patou et Romain Costa, le voici à la barre du Lafayette’s, un restaurant de l’hôtel Marquis, adresse baroque décorée par l’artiste catalan Lázaro Rosa-Violán et lovée dans les trois salons de l’ancien hôtel particulier du marquis de La Fayette.
Un cadre grandiose à moulures, parquet d’époque et tableaux prêtés par la galerie Kraemer. En lien avec l’histoire du célèbre marquis, héros de la guerre d'indépendance des États-Unis, la cuisine fait le grand écart entre la Louisiane et la France, entre plats cajuns, recettes sénégalaises et classiques parisiens. Interview exclusive le jour de l'ouverture avec le cuisinier star entre moulure et tableaux de maitre.
Quelle année 2023 ! Vous voilà avec un bébé, un nouveau restaurant et une couverture du Time 100 Next qui évoque votre « empire en construction ». Alors, où en est l’empire Mory Sacko ?
Pour l’instant, il est tout petit, cet empire ! (Rire.) Je veux surtout développer une vision. Une vision de ma cuisine d’abord, car je suis chef. Puis, à travers cette cuisine, une certaine idée de la culture française. Une culture qui se nourrit de mélanges, d’hybridations, d’échanges. Je veux faire cohabiter plaisir et culture, mettre tout cela en harmonie pour que ce soit beau, bon et intéressant.
Ce Lafayette’s apparait très différent de vos autres adresses. Le quartier très chic, le cadre baroque… C’est ce qui vous a séduit ?
Le quartier, je le connais bien car j’ai commencé ma carrière dans les palaces parisiens pas loin d’ici. Mais ça me change de mon 14e très familial ! C’est un peu un ovni pour moi ce Lafayette’s : cette argenterie, ces tables fleuries, ces moulures au plafond, ces lustres immenses, ces Miró aux murs… C’est un contrepied total ! Ce décor fastueux est très éloigné du minimalisme auquel je suis habitué mais c’est tellement beau et tellement différent. C’est un lieu exceptionnel à tous les égards dans la décoration. Et quand on baisse la tête, on se retrouve avec une assiette moderne mais presque anachronique.
D’ailleurs, comment sera votre cuisine ?
Ma cuisine ici va encore être un mélange, mais cette fois entre des influences françaises, américaines, africaines. On trouvera une entrecôte frite béarnaise, très classique mais réconfortante ; un cheeseburger incontournable quand on fait une carte américaine. L’idée est aussi de proposer, dans tout ce faste, une cuisine du quotidien. Qu’on puisse venir manger deux fois dans la semaine. A la différence de MoSuke, où c’est plus exceptionnel comme moment. Mais il y aura aussi un pâté en croute réalisé avec Maison Verot qu’on a amené vers le poulet yassa avec le citron, les épices… Le Lafayette’s, c’est un peu la rencontre entre la France classique, à l’image du lieu datant du XVIIIe siècle, et la France de 2023 qui s’incarne dans la carte.
Pas de Japon ici, donc ?
Non et je dois toujours me retenir d’ajouter une sauce soja dans les recettes ! Mais pour l’instant, je réussis à tenir ! (Rire.) Je trouvais ça marrant de me concentrer sur la France, l’Afrique et un peu de Louisiane. Ça m’oblige à sortir de ma zone de confort tant le Japon est dans mon ADN culinaire. Ça me permet d’explorer quelque chose de nouveau.
En parlant d’influence, trouvez-vous que la cuisine d’Afrique de l’Ouest est bien représentée à Paris ?
Je trouve que cette gastronomie du Sénégal, du Mali, de Côte d’Ivoire est de mieux en mieux représentée par BMK Paris, avec des recettes populaires adossées à un sourcing hyper rigoureux, ou Elis Bond de Mi Kwabo, qui va explorer le côté gastronomique. Petit à petit, ça s’ouvre. Et moi, j’hybride cette gastronomie de l’ouest de l’Afrique avec d’autres choses. Tout cela montre que cette cuisine est vivante et en constante évolution. On y invente de nouvelles choses et on redécouvre ce qu’on croyait connaitre… Après, il faudrait que ce ne soit pas qu’à Paris !
Quel est le plat phare de la carte du Lafayette’s ?
La soupe de maïs ! Je me suis amusé à faire une corn chowder, une chaudrée de maïs, une recette héritée des Amérindiens. Mais on la sert dans un bol à tête de lion et recouverte de feuilletage comme la soupe VGE, le classique de Bocuse. Ce faste transfigure ce plat populaire très gourmand. J’aime ces contrastes marqués ! Le feuilletage donne l’effet d’un pain qu’on trempe dans la sauce, parfait pour se réconforter durant l’automne.
Où ? 8 rue d'Anjou, Paris 8e
Quand ? Du lundi au samedi midi (à partir du 18 novembre) et soir
Combien ? entrée 14-34€ plat 38-75€
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